Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n° 1806954 du 28 juillet 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 août 2020, M. B..., représenté par Me C... D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler la décision implicite de refus de titre de séjour du préfet du Nord ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours sous la même condition d'astreinte et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros à verser à son avocat dans les conditions prévues par l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller,
- et les observations de Me C... D... représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant russe, né le 16 janvier 1984, entré en France le 24 septembre 2006, a demandé, le 24 octobre 2018, son admission exceptionnelle au séjour. Il relève appel du jugement du 28 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré sur le territoire français le 24 septembre 2006 pour y demander l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 15 février 2017, confirmée le 10 décembre 2007 par la Cour nationale du droit d'asile. M. B... est demeuré sur le territoire français jusqu'en avril 2008, date à laquelle il a sollicité l'asile en Belgique. Il a fait l'objet d'une procédure de reprise en charge par les autorités françaises en juin 2008, en application du règlement (UE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 et est depuis cette date resté sur le territoire français. Il produit des avis d'imposition pour les années 2006, 2010 à 2018, ses récépissés constatant le dépôt d'une demande de statut de réfugié, le jugement du tribunal administratif de Lille du 22 juillet 2008 annulant la décision du 17 juillet 2008 fixant le pays de destination accompagnant l'arrêté de reconduite à la frontière du même jour, des autorisations provisoires de séjour délivrées par le préfet du Nord à partir de l'année 2009, un courrier du préfet du Nord du 6 juin 2011 en réponse à sa demande d'autorisation de travail et divers autres courriers. Il justifie également avoir formé une première demande d'admission provisoire au séjour le 22 février 2018, puis une seconde le 24 octobre 2018 comme l'indique les deux attestations délivrées les 31 octobre 2018 et 24 juin 2018 par le préfet du Nord. Il résulte de l'ensemble des justificatifs produits par M. B... que ceux-ci permettent d'établir qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision implicite rejetant sa demande de titre de séjour, née le 24 février 2019 du silence gardé par l'administration pendant quatre mois sur sa demande de titre de séjour du 24 octobre 2018. Par suite, le préfet du Nord était tenu de consulter la commission du titre de séjour en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La décision implicite du préfet du Nord refusant de lui délivrer un titre de séjour est ainsi intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière et doit être annulée.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
5. Eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de la situation de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Il n'y a cependant pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
6. M. B... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me D... renonce à la part contributive de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1806954 du 28 juillet 2020 du tribunal administratif de Lille et la décision implicite de rejet du préfet du Nord sont annulés.
Article 2 : Il y a lieu d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de la situation de M. B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera au conseil de M. B... une somme de 1 000 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de la renonciation de Me D... à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur, au préfet du Nord et à Me D....
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N°20DA01279