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04/03/2021 | FRANCE | N°20DA01568

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 04 mars 2021, 20DA01568


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 24 février 2020 par lequel le préfet du Nord a ordonné son transfert en Allemagne et l'a assigné à résidence, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2001599 du 11 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d

e Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 24 février 2020 par lequel le préfet du Nord a ordonné son transfert en Allemagne et l'a assigné à résidence, d'autre part, d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2001599 du 11 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 octobre 2020, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 24 février 2020 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant de la République de Guinée né le 1er janvier 1996 à Conakry, s'est présenté à la préfecture du Nord le 27 janvier 2020 dans le but de former une demande d'asile. Toutefois, une consultation du fichier Eurodac a permis d'établir que M. B... était connu des autorités allemandes, auprès desquelles l'intéressé avait déjà déposé une demande d'asile en 2018 et avait d'ailleurs été une première fois transféré le 15 janvier 2020. Les autorités allemandes ayant expressément accepté sa prise en charge le 4 février 2020, le préfet du Nord a prescrit de nouveau, par un arrêté du 24 février 2020, son transfert en Allemagne. Par ce même arrêté, cette autorité a, en outre, assigné M. B... à résidence à Dunkerque. M. B..., qui a été depuis lors déclaré en fuite, relève appel du jugement du 11 mars 2020 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté et à ce qu'il soit fait injonction au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. B... avait soutenu, devant le tribunal administratif de Lille, que les modalités d'exécution de la mesure d'assignation à résidence prise à son égard étaient incompatibles avec son état de santé. Toutefois, cette assertion, qui ne constituait pas un moyen autonome, présentait uniquement le caractère d'un argument au soutien du moyen tiré de ce que la fixation des modalités d'exécution de la mesure d'assignation à résidence procédait, selon l'intéressé, d'une erreur manifeste d'appréciation. Or, il ressort des motifs du jugement attaqué, notamment de ceux énoncés au point 19, que le premier juge a répondu à ce moyen. Il suit de là que ce jugement n'est entaché d'aucune insuffisance de motivation de nature à en entacher la régularité.

Sur la décision de transfert :

3. L'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 prévoit la possibilité pour chaque Etat membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, ou de demander à un autre Etat membre de prendre l'intéressé en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères fixés par ce règlement.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre de troubles psychologiques et psychiatriques, qui sont la conséquence d'un état de stress post-traumatique que l'intéressé impute aux blessures par arme à feu, dont il présente des séquelles au niveau des membres inférieurs, et qu'il indique avoir subies dans son pays d'origine. Un certificat médical, établi le 19 septembre 2019 par un médecin généraliste exerçant dans une commune proche de Dunkerque, précise que M. B... bénéficie d'un suivi régulier en psychiatrie au sein du centre médico-psychologique de Dunkerque et d'un traitement par psychotropes. Il ressort également des pièces du dossier que M. B... avait auparavant été reçu en consultation, en juin et juillet 2019, à Lille par un psychologue et par un psychiatre, qui avaient préconisé la mise en place d'une prise en charge ambulatoire régulière et précisé que celle-ci devrait être poursuivie, sauf à compromettre l'amélioration de l'état de santé de l'intéressé. Toutefois, l'Allemagne, vers le territoire duquel la décision en litige a pour objet de transférer M. B..., est un Etat de l'Union européenne qui bénéficie d'une présomption de prise en charge appropriée des demandeurs d'asile, y compris de ceux qui présentent un état de santé rendant nécessaire un accompagnement médical. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que, dans la perspective du transfert effectif de M. B..., le préfet du Nord a transmis aux autorités allemandes des renseignements sur la situation de santé de l'intéressé, en précisant la nature des pathologies dont celui-ci est atteint ainsi que des traitements qui lui sont administrés et en formulant des recommandations en vue de son transfert. Dans ces conditions, le préfet du Nord, en estimant qu'il n'y avait pas lieu de mettre en oeuvre, à l'égard de M. B..., les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur la décision d'assignation à résidence :

5. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 24 février 2020 que cet arrêté comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui constituent le fondement de la mesure d'assignation à résidence prise à l'égard de M. B.... Cette décision doit, dès lors, être regardée comme suffisamment motivée au regard de l'exigence posée par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Le seul fait, à le supposer même établi, que certains motifs seraient erronés est sans incidence sur le caractère suffisant de cette motivation.

6. M. B... fait observer que la décision contestée l'assigne à résidence à Dunkerque, alors qu'il indique vivre à Lille, où il précise bénéficier d'une domiciliation postale auprès d'une association et d'un suivi médical. Toutefois, si M. B... produit, au soutien de ces allégations, une déclaration de domiciliation auprès de l'établissement de Lille d'une association d'accueil, ce document a été établi le 25 février 2020, soit à une date postérieure à celle à laquelle la décision contestée a été prise. Il en est de même du courrier électronique adressé le 28 février 2020 au conseil de M. B... pour lui faire connaître que celui-ci venait d'être reçu en consultation par un médecin et un psychologue exerçant à Lille. Ainsi, il n'est pas établi que M. B... vivait effectivement à Lille et non à Dunkerque, à la date à laquelle la décision contestée a été prise. Dès lors, le moyen tiré de ce que la fixation des modalités d'exécution de cette décision n'aurait pas été précédée d'un examen suffisamment approfondi et sérieux de sa situation doit, en tout état de cause, être écarté.

7. Eu égard à ce qu'il n'est pas établi, ainsi qu'il a été dit au point précédent, que M. B... vivait et était suivi médicalement, à la date à laquelle la décision attaquée a été prise, à Lille et non à Dunkerque, le préfet du Nord, en lui assignant une obligation de pointage au commissariat de police de Dunkerque et non à celui de Lille, n'a pas fait peser sur l'intéressé une obligation incompatible avec son état de santé ni avec sa situation. Par suite, le préfet du Nord, en édictant cette mesure, n'a commis aucune erreur d'appréciation, alors même que M. B... pourrait être regardé comme une personne vulnérable au sens de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'il présente au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet du Nord.

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N°20DA01568


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA01568
Date de la décision : 04/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-03-04;20da01568 ?
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