La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/02/2021 | FRANCE | N°18DA02656

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 11 février 2021, 18DA02656


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Matloo, venant aux droits de la SARL AVDL, a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des retenues à la source auxquelles la SARL AVDL a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1602683 du 26 octobre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :>
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 décembre 2018 et le 13 juin 2019, la SARL Mat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Matloo, venant aux droits de la SARL AVDL, a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des retenues à la source auxquelles la SARL AVDL a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1602683 du 26 octobre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 décembre 2018 et le 13 juin 2019, la SARL Matloo, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre la somme de 5 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., substituant Me B..., représentant la SARL Matloo.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Van de Loo and Associates (AVDL), qui avait en dernier lieu son siège à Saint-Martin-Boulogne (Pas-de-Calais) et qui exerçait des activités de traduction et d'interprétariat, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012, étendue au 31 décembre 2013 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue de ce contrôle, l'administration a estimé notamment qu'il y avait lieu de remettre en cause la déduction du bénéfice imposable de la SARL AVDL de sommes facturées par la société Van de Loo and Associates HK, dont le siège est situé à Hong-Kong, cette remise en cause entraînant des rehaussements de 59 930 euros et de 31 001 euros des résultats imposables déclarés par la SARL AVDL au titre, respectivement, des exercices clos en 2011 et 2012. L'administration a regardé ces sommes comme correspondant à une distribution de bénéfices qui aurait dû faire l'objet d'une retenue à la source. Par ailleurs, l'administration a également remis en cause le bénéfice des crédits d'impôt pour dépenses de prospection commerciale dont la SARL AVDL avait cru pouvoir bénéficier au titre des mêmes exercices, à concurrence des sommes de 37 829 euros au titre de l'exercice clos en 2011 et de 2 171 euros au titre de l'exercice clos en 2012. L'administration a fait connaître, sur ces deux points, sa position à la SARL AVDL par une proposition de rectification qu'elle lui a adressée le 22 août 2014. Ces rectifications ont été maintenues malgré les observations formulées par la SARL AVDL. Cette dernière a demandé que son gérant soit reçu par le supérieur hiérarchique du vérificateur puis par l'interlocuteur fiscal départemental, qui ont tous deux estimé fondée la position du service. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source en résultant ont été mises en recouvrement le 30 avril 2015. La réclamation formée par la SARL AVDL n'ayant fait l'objet que d'une acceptation très partielle en ce qui concerne le taux de la retenue à la source appliqué pour 2012, la SARL Matloo, qui est venue à ses droits et obligations, relève appel du jugement du 26 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des retenues à la source auxquelles la SARL AVDL a été assujettie au titre des exercices clos en 2011 et 2012.

Sur la déductibilité des rémunérations versées à l'étranger :

2. Aux termes de l'article 238 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " Les intérêts, arrérages et autres produits des obligations, créances (...) ou les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. / Pour l'application du premier alinéa, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies. / (...) ".

3. Lorsque l'administration se prévaut des dispositions de l'article 238 A du code général des impôts, elle doit justifier que le bénéficiaire des rémunérations dont elle conteste la déduction est soumis hors de France à un régime fiscal privilégié par comparaison avec celui auquel il serait soumis s'il les percevait en France. Si l'administration parvient à rapporter cette preuve, il appartient alors au contribuable d'établir que les dépenses en cause correspondent à des prestations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.

4. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 1, que la SARL AVDL, aux droits de laquelle est venue la SARL Matloo, a versé à une société membre du groupe auquel elle appartenait et qui a son siège à Hong-Kong, des sommes en paiement de factures que cette dernière lui avait adressées et qui représentaient un montant total de 59 930 euros au titre de l'exercice clos en 2011 et de 31 001 euros au titre de l'exercice clos en 2012. L'administration a remis en cause, ainsi qu'il a été dit précédemment, la déductibilité de ces versements en se fondant sur les dispositions précitées de l'article 238 A du code général des impôts.

5. Il n'est pas contesté que la SARL AVDL, conformément à ce que soutient l'administration, a été, à raison des sommes qu'elle a versées, soumise hors de France à un régime fiscal privilégié par comparaison avec celui auquel elle aurait été soumise si les sommes correspondantes avaient été imposées en France.

6. Cette situation, que la SARL AVDL avait d'ailleurs expressément admise dans sa réclamation, devant ainsi être tenue pour établie, il incombe à la SARL Matloo, en vertu des principes rappelés au point 3, d'établir que les sommes qu'elle a versées à la filiale du groupe ayant son siège à Hong-Kong correspondent à des prestations réelles et que ces dépenses ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.

7. Pour s'acquitter de cette preuve, la SARL Matloo produit deux factures émises, respectivement, le 20 décembre 2011, pour un montant de 585 278,50 dollars de Hong-Kong, soit 58 527,85 euros, et le 31 décembre 2012, pour un montant de 310 005,50 dollars de Hong-Kong , soit 31 000,55 euros, par la filiale hongkongaise du groupe, de même que leur traduction. Ces factures mentionnent qu'elles concernent des loyers se rapportant à un bureau et à un appartement situés à Hong-Kong, divers frais administratifs afférents notamment à des demandes de visa et de permis de travail à Hong-Kong, à des salaires, à des frais d'agence immobilière, de cabinet comptable et de secrétariat, de création d'un site internet, d'hébergement, ainsi qu'à des frais informatiques et à des frais généraux, tels des dépenses d'électricité, de téléphone ou d'eau, enfin, à d'autres frais divers. La SARL Matloo expose que les dépenses ainsi portées sur ces factures ont été exposées pour les besoins de l'installation et de la mission d'une collaboratrice, qui avait été recrutée, dans le cadre d'un contrat de volontariat international en entreprise, par la SARL AVDL, dans les droits et obligations de laquelle elle est venue. Elle précise que cette collaboratrice s'était vu confier une mission de prospection commerciale dans le cadre de la mise en oeuvre d'une action de développement des activités de la SARL AVDL sur le marché asiatique. Elle ajoute que, dans un souci de simplification, le montant de ces dépenses a été avancé par la filiale hongkongaise du groupe, qui, se trouvant sur place, pouvait plus aisément effectuer les démarches nécessaires pour trouver un logement et un bureau pour l'intéressée, ainsi qu'à obtenir les autorisations requises pour qu'elle puisse être admise au séjour à Hong-Kong et y travailler. La SARL Matloo produit aussi un contrat de travail à durée déterminée conclu le 1er avril 2011 entre la SARL AVDL et l'intéressée, ainsi qu'un avenant conclu le 8 avril 2011 afin d'ajuster la rémunération de cette dernière. Elle produit, en outre, un courrier du 12 avril 2011 de l'Agence française pour le développement international des entreprises lui faisant connaître que ce recrutement, eu égard au projet d'affectation de l'intéressée, est éligible au statut de volontaire international en entreprise.

8. La facture émise en 2012 que la SARL Matloo a ainsi produite comporte la mention du nom de la collaboratrice recrutée par la SARL AVDL et précise que les dépenses de loyer sur lesquelles elle porte concernent l'appartement mis à la disposition de l'intéressée. En revanche, la facture émise en 2011, également produite par l'appelante, laquelle ne correspond d'ailleurs pas à l'intégralité des versements dont l'administration a remis en cause la déduction en tant que charges au titre de cet exercice, un montant de 1 403 euros étant dépourvu de justification au titre de l'exercice clos en 2011, ne comporte aucune mention, telle un nom, l'adresse du logement pris à bail permettant d'associer d'une manière certaine les dépenses auxquelles elle se rapporte à la mission de cette collaboratrice. De même, ni le bail de location, conclu le 16 mai 2011 entre la filiale hongkongaise et un propriétaire privé, portant sur un appartement situé à Hong-Kong, ni les quittances de loyer, couvrant la période allant du 1er janvier 2011 au 31 mars 2012, correspondant à la location d'un bureau situé également à Hong-Kong, dont la SARL Matloo produit la copie ainsi que leur traduction, ne comportent la mention du nom de la personne qui a été amenée à occuper ces lieux, qui ne font, en outre, pas l'objet, s'agissant du local à usage de bureau pris à bail, d'une identification précise, alors d'ailleurs, que la mission de cette collaboratrice a débuté au 1er mai 2011 et non dès le 1er janvier 2011. En outre, aucun des autres documents produits par la SARL Matloo n'est de nature à établir l'occupation de l'appartement en cause, ni à justifier de la réalité des autres dépenses mentionnées sur les deux factures produites, qui ne permettent d'ailleurs pas d'en déterminer précisément la nature. Enfin, alors, d'une part, qu'une " attestation de mission " versée à l'instruction, signée conjointement par cette collaboratrice et par la filiale hongkongaise du groupe, mentionne que l'intéressée est détachée auprès de cette société et qu'elle exercera sa mission, à compter du 1er mai 2011 et pour une durée de vingt-quatre mois, dans les locaux de cette dernière, d'autre part, que les courriers électroniques, versés à l'instruction, dont l'adresse comporte d'ailleurs le nom de cette filiale locale, échangés entre cette collaboratrice et divers interlocuteurs, ne font aucune mention de la SARL AVDL, il n'est pas établi que cette salariée aurait exercé, pour le compte de cette dernière et non de la filiale hongkongaise auprès de laquelle elle était placée, la mission de prospection commerciale qui lui a été confiée, quand bien même l'un de ces interlocuteurs serait un responsable de la SARL AVDL. Dès lors, il n'est pas établi par les pièces versées au dossier, la facture produite au titre de l'année 2012 ne pouvant suffire à cet égard en l'absence de preuve de la réalité de la dépense correspondante, que les sommes versées à cette filiale par la SARL AVDL au cours des exercices clos en 2011 et 2012 correspondaient à des dépenses exposées pour son compte, dans le cadre de cette mission, ni, par suite, que ces dépenses revêtaient, pour la SARL AVDL, la nature de charges de ces exercices. Par suite et quand bien même la mission de cette collaboratrice aurait eu un impact positif sur le chiffre d'affaires réalisé par le groupe sur le marché asiatique et même, de façon indirecte, sur celui réalisé en France par la SARL AVDL, en bénéficiant de l'apport d'entités françaises des groupes prospectés sur le marché asiatique, l'administration était fondée à remettre en cause la déductibilité de ces versements sur le fondement des dispositions précitées de l'article 238 A du code général des impôts.

Sur la remise en cause du crédit d'impôt pour dépenses de prospection commerciale :

9. Aux termes du I. de l'article 244 quater H du code général des impôts, applicable au cours des deux années d'imposition en litige : " Les petites et moyennes entreprises imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt lorsqu'elles exposent des dépenses de prospection commerciale afin d'exporter des services, des biens et des marchandises. / (...) ". Le II. du même article énumère les dépenses qui ouvrent droit à ce crédit d'impôt, en subordonnant toutefois son bénéfice à la condition que ces dépenses soient déductibles du résultat imposable de l'entreprise qui le sollicite.

10. Dès lors que, comme il a été dit au point 8, l'administration a remis en cause à bon droit la déductibilité, en tant que charges des exercices clos en 2011 et 2012 de la SARL AVDL, des dépenses ayant fait l'objet des factures que lui a adressées la filiale hongkongaise du groupe, c'est également à bon droit que le crédit d'impôt pour dépenses de prospection commerciale, dont la SARL AVDL avait cru pouvoir bénéficier au titre des années 2011 et 2012 pour ces dépenses, a été remis en cause par l'administration.

Sur la retenue à la source :

11. En vertu du c. de l'article 111 du code général des impôts, les rémunérations et avantages occultes sont considérés comme des revenus distribués. En outre, en vertu du 2. de l'article 119 bis de ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige, les produits visés notamment au c. de l'article 111 du même code donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France.

12. Dès lors, d'une part, que la SARL Matloo ne soulève, à l'encontre de la retenue à la source mise à sa charge, aucune contestation distincte de celle afférente à la remise en cause de la déductibilité, en tant que charges des exercices concernés, des versements qu'elle a effectués au profit de la filiale hongkongaise du groupe, d'autre part, que, comme il a été dit au point 8, l'administration a remis en cause à bon droit la déductibilité, en tant que charges des exercices clos en 2011 et 2012 de la SARL AVDL, des dépenses ayant fait l'objet des factures que lui a adressées cette filiale, l'administration doit être tenue comme ayant regardé à bon droit ces versements comme procédant d'une distribution à cette filiale d'une fraction des bénéfices réalisés par la SARL AVDL au titre des mêmes exercices. C'est, par suite, à bon droit que l'administration a soumis les sommes correspondantes à la retenue à la source prévue par les dispositions, rappelées au point précédent, de l'article 119 bis du code général des impôts.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Matloo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Matloo est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Matloo et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

1

6

N°18DA02656


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award