La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/02/2021 | FRANCE | N°18DA00448

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 11 février 2021, 18DA00448


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Aprobat a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et du rappel de droits d'enregistrement, ainsi que des pénalités correspondantes, qui lui ont assignés, à hauteur de la somme de 52 914 euros, au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1601340 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête et un mémoire, enregistrés le 28 février 2018 et le 8 août 2019, la SARL Aprobat, repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Aprobat a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et du rappel de droits d'enregistrement, ainsi que des pénalités correspondantes, qui lui ont assignés, à hauteur de la somme de 52 914 euros, au titre de l'année 2011.

Par un jugement n° 1601340 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 février 2018 et le 8 août 2019, la SARL Aprobat, représentée par Me A... et par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant que, par celui-ci, le tribunal n'a pas fait droit à sa demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés, ainsi que des pénalités correspondantes, qui lui ont été assignées, au titre de l'année 2011, à hauteur de la somme de 50 133 euros ;

2°) de prononcer la décharge de ces suppléments d'imposition ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Binand, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Aprobat, qui exerce une activité de négoce de fournitures pour le bâtiment, la réparation et la vente de matériel pneumatique et de vibrations ainsi que la fabrication d'accessoires, a fait l'objet au début de l'année 2014 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er novembre 2010 au 31 octobre 2012. A l'issue des opérations de contrôle, et au vu des conclusions d'une enquête qui avait été diligentée préalablement sur le fondement des dispositions des articles L. 80 F et suivants du livre des procédures fiscales à raison de faits susceptibles de constituer une cession occulte de clientèle de la société Air Vibration Services (AVS) à la société Aprobat, l'administration, par une proposition de rectification du 2 avril 2014, a notifié à la société Aprobat des rectifications d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2011, à raison de la réintégration, dans l'actif de cette société, de la valeur de la clientèle de la société AVS que l'administration a regardée comme transférée de fait à la société Aprobat à la fin de l'année 2009. Par une proposition de rectification séparée, elle a, en outre, assigné à la société Aprobat des rappels de droit d'enregistrement. Ces rectifications ont été mises en recouvrement le 29 août 2014. La SARL Aprobat relève appel du jugement du 25 janvier 2018 du tribunal administratif de Rouen en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté sa demande tendant à la décharge du supplément de cotisation d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2011, de l'intérêt de retard et de la majoration de 40 % prévue par les dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts, auxquels elle a en conséquence été soumise à hauteur de la somme totale de 50 133 euros.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. En premier lieu, aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, dans sa rédaction alors en vigueur: " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ".

3. Durant toute la période qui suit la clôture du dernier exercice prescrit, les erreurs qui entachent un bilan et qui entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise peuvent, à l'initiative du contribuable ou à celle de l'administration à la suite d'une vérification, être corrigées dans les bilans de clôture des exercices non couverts par la prescription. Dans le cas où la valeur d'origine d'une immobilisation a été volontairement minorée par les parties pour dissimuler une libéralité faite, notamment, par l'apporteur de l'immobilisation à son bénéficiaire, l'administration est fondée à corriger la valeur d'apport comptabilisée par l'entreprise bénéficiaire pour y substituer sa valeur vénale, augmentant ainsi son actif net dans la mesure de l'acquisition faite à titre gratuit. Il incombe, en principe, à l'administration d'apporter la preuve qu'un contribuable a cédé un élément d'actif à un prix inférieur à sa valeur vénale.

4. D'une part, pour établir le transfert de clientèle de la société AVS à la société Aprobat sur lequel elle s'est fondée pour assigner le supplément d'impôt sur les sociétés contesté, l'administration a fait valoir que le gérant et associé unique de la société Aprobat, ancien gérant de la société AVS, a indiqué au cours de l'enquête évoquée au point 1 que, au mois de décembre 2009, la société AVS n'exerçait plus d'activité effective en raison d'une grave mésentente entre les associés, et qu'il avait créé la société Aprobat le 31 décembre 2009 pour permettre la poursuite de cette activité. Elle a également constaté que la société Aprobat avait acquis, le 1er avril 2010, 60 % des parts du capital de la société AVS et que, par un contrat conclu le 18 juin suivant, l'ensemble des locaux, moyens en matériel et personnel, de la société AVS, avaient été mis à disposition de la société Aprobat. En outre, l'administration a relevé, à l'issue des opérations de contrôle, que la société Aprobat avait réalisé, ainsi que les premiers juges l'ont mentionné à juste titre, 70 % du chiffre d'affaires de son premier exercice clos le 31 octobre 2010, avec six des principaux clients dont la société AVS disposait au cours de son exercice ouvert en 2009, au nombre desquels figurait, contrairement à ce que soutient l'appelante, la société Millery. La société Aprobat, pour combattre la réalité du transfert d'activité et de clientèle sur lesquels l'administration s'est fondée, se borne à soutenir, sans étayer ses assertions par des éléments de preuve, qu'elle ne dispose, pas plus que la société AVS, d'une clientèle compte tenu des spécificités du marché hautement concurrentiel sur lequel elle intervient, et du caractère exclusivement ponctuel des prestations qu'elle effectue. Dans ces conditions, l'administration établit que la clientèle de la société AVS, qui constitue une immobilisation incorporelle, a de fait été reprise par la société Aprobat dès le mois de décembre 2009. Dès lors, l'administration était fondée à réintégrer au montant de l'actif de la société Aprobat la valeur de cette clientèle, estimée à 100 000 euros par le supérieur hiérarchique du vérificateur.

5. D'autre part, la société Aprobat soutient que le transfert, dès le mois de décembre 2009, du fonds de commerce de la société AVS sur lequel l'administration s'est fondée pour rehausser la valeur des immobilisations comptabilisées, emporte nécessairement la dévalorisation intrinsèque des parts de la société AVS qu'elle a acquises en avril 2010 à hauteur de la totalité de leur prix d'acquisition qui est de 50 000 euros, compte tenu de la disparition de l'élément de l'actif que constitue la clientèle. Elle fait valoir, en outre, qu'à supposer que la valeur de ces parts ait été fixée en valorisant la clientèle transférée au montant de 100 000 euros retenu par l'administration, et non à celui de 40 000 euros alors estimé par son expert-comptable, pour fixer leur prix unitaire, la minoration du prix total d'acquisition de ces parts par rapport à leur valeur vénale qui en résulterait, ne serait que de l'ordre de 50 000 euros. Elle en déduit que la variation de l'actif net imposable à l'issue de l'exercice clos en 2010 doit être ramenée dans tous les cas à un montant de 50 000 euros, et non de 100 000 euros. Toutefois, à supposer que la société entende, par son argumentaire, se prévaloir de la surestimation des immobilisations inscrites au bilan de l'exercice clos en 2011 qui aurait résulté de cette situation, les considérations qu'elle avance ne permettent pas d'apprécier, à elles seules, la valeur vénale de ces parts, et donc d'établir la dépréciation de l'immobilisation inscrite à ce titre au bilan de l'exercice clos en 2011, qui n'a fait l'objet d'aucune écriture en provision ou perte. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a rehaussé de 100 000 euros le bénéfice imposable du premier exercice non prescrit de la société Aprobat, à savoir celui qui a été clos en 2011.

6. En second lieu, la société Aprobat ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la circonstance que les rehaussements d'impôt sur les sociétés de la société AVS qui avaient été envisagés par l'administration à l'issue de la vérification de comptabilité de cette société ont été abandonnés dès lors que le courrier du 16 août 2011 de l'interlocuteur interrégional faisant part de cette décision ne comporte aucune motivation sur ce point et ne peut, en conséquence, être regardé, en tout état de cause, comme exprimant une position formelle sur une situation de fait au sens de ces dispositions. Elle ne peut davantage se prévaloir des énonciations du paragraphe n°120 de l'instruction référencée BOI-SJ-RES 10-20-10 du 19 septembre 2012 selon lesquelles un contribuable peut se prévaloir de l'appréciation d'une situation de fait concernant d'autres contribuables s'il a participé à l'acte ou à l'opération qui a donné naissance à cette situation, qui ne concerne que la mise en oeuvre des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales, et n'a pas pour objet d'interpréter le texte fiscal d'assiette qui constitue le fondement des droits en litige.

Sur la majoration pour manquement délibéré :

7. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ". La pénalité pour manquement délibéré prévue par les dispositions précitées a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

8. Pour établir que le défaut de revalorisation par la société Aprobat de son actif à la suite de la reprise de clientèle de la société AVS présentait un caractère délibéré, l'administration s'est fondée sur ce que le gérant de cette société, précédemment gérant de la société AVS, ne pouvait ignorer l'existence de ce transfert qui accompagnait nécessairement l'activité reprise et que la société a ainsi entendu délibérément minorer son bénéfice passible de l'impôt sur les sociétés. Toutefois, d'une part, la société Aprobat a procédé au titre du même exercice au rachat de la majorité des parts de la société AVS et les a inscrites au bilan. D'autre part, il n'est ni établi ni même allégué par l'administration que la société AVS aurait inscrit en comptabilité sa clientèle comme une immobilisation. Enfin, la circonstance, également avancée par l'administration, qu'en ne déclarant pas la reprise du fonds de commerce de la société AVS, la société Aprobat aurait délibérément éludé les droits d'enregistrement grevant cette opération, ne suffit pas à établir que le manquement aux obligations déclaratives applicables à l'impôt sur les sociétés dont la société est redevable présenterait un caractère délibéré. Dans ces conditions, l'administration n'établit pas, par les éléments qu'elle fait valoir, que le manquement de la société Aprobat présentait un caractère délibéré, de nature à justifier l'application des dispositions du a. de l'article 1729 du code général des impôts. Dès lors, la société Aprobat est fondée à demander la décharge de la majoration pour manquement délibéré qui lui a été assignée.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Aprobat est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge de la majoration pour manquement délibéré qui lui a été assignée et à demander la réformation du jugement dans cette mesure. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Aprobat de la somme que celle-ci demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La société Aprobat est déchargée de la majoration de 40 % prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, dont a été assortie la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés qui lui a été assignée au titre de l'année 2011.

Article 2 : Le jugement du 25 janvier 2018 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête et de la demande de la société Aprobat est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Aprobat et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

5

N°18DA00448


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award