Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) La Française de Tuyauterie a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 30 novembre 2010.
Par un jugement n° 1605867 du 26 octobre 2018, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2018, et par un mémoire, enregistré le 19 août 2019, l'EURL La Française de Tuyauterie, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL La Française de Tuyauterie, dont le siège est situé à Arques (Pas-de-Calais), a été assujettie, au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 30 novembre 2010, à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration estimant que cette société, qui exerce une activité de fabrication de tuyauteries destinées à être utilisés en industrie, avait omis de déclarer une partie du chiffre d'affaires réalisé par elle au cours de la période rectifiée et qu'elle avait déduit par anticipation la taxe sur la valeur ajoutée portée sur des factures de prestations de services non payées par elle au 30 novembre 2010. Ces rappels, d'un montant de 397 626 euros, ont été assortis de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, pour un montant de 159 050 euros. L'EURL La Française de Tuyauterie ayant contesté vainement le bien-fondé de cette majoration, elle a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille. Elle relève appel du jugement du 26 octobre 2018 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande tendant à la décharge de cette majoration.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, la proposition de rectification que l'administration adresse au contribuable doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. En outre, l'article L. 80 D du même livre impose à l'administration d'énoncer, dans les motifs des décisions infligeant une sanction à un contribuable, les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette sanction et de mettre le contribuable à même de présenter d'utiles observations avant la mise en recouvrement de celle-ci.
3. Il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification adressée le 21 juillet 2011 à l'EURL La Française de Tuyauterie, à l'issue de la vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, que ce document mentionne les impositions, ainsi que les années et périodes concernées, et énonce, après avoir exposé la nature des rectifications que l'administration se proposait d'apporter aux bases déclarées par l'EURL La Française de Tuyauterie, les motifs de droit et de fait sur lesquels l'administration a fondé ces rectifications. Cette proposition de rectification met notamment en évidence, sous la forme de tableaux, les minorations de taxe sur la valeur ajoutée collectée opérées par l'EURL La Française de Tuyauterie, sur ses déclarations périodiques de taxe sur la valeur ajoutée, au regard des opérations effectivement réalisées par elle au cours de la période vérifiée, allant du 1er janvier 2008 au 30 novembre 2010, telles qu'elles ressortaient des enregistrements portés dans sa comptabilité, ainsi que les considérations de droit et de fait sur lesquelles le service a fondé son analyse selon laquelle l'EURL La Française de Tuyauterie avait procédé à des déductions prématurées de taxe sur la valeur ajoutée au cours de la même période, en précisant que ces déductions se rapportaient à des prestations de services et en faisant référence au c. du 2. de l'article 269 du code général des impôts, ainsi qu'au 2. du I. de l'article 271 de ce code. Enfin, ce document comporte également la mention des motifs, de droit et de fait, sur lesquels l'administration s'est fondée pour assortir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de ces deux chefs de rectification de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, qui a la nature d'une sanction fiscale au sens de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales. Cette proposition de rectification, qui a imparti à l'EURL La Française de Tuyauterie un délai de trente jours pour présenter des observations, tant sur ces rappels que sur cette sanction, a ainsi mis à même cette société de contester ces éléments, alors même que les tableaux figurant dans ce document ne rapprochent pas les ventes enregistrées en comptabilité des encaissements correspondants. Par suite, le moyen tiré par l'EURL La Française de Tuyauterie de ce que la majoration pour manquement délibéré lui aurait été infligée à l'issue d'une procédure d'imposition irrégulière, en raison d'une insuffisante motivation de la proposition de rectification mettant à sa charge ces rappels et cette sanction, doit être écarté.
Sur le bien-fondé de la majoration pour manquement délibéré :
4. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée collectée :
5. Pour assortir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré par les dispositions, citées au point 4, du a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a retenu que l'EURL La Française de Tuyauterie avait, de façon répétée, minoré, au cours de la période vérifiée, le chiffre d'affaires taxable porté sur ses déclarations périodiques, la part omise s'avérant importante, tant en valeur absolue qu'en valeur relative, ce qui lui avait permis aussi de minorer la taxe sur la valeur ajoutée déclarée sur ses ventes. L'administration a ajouté à ce constat que le rapprochement usuel des sommes ainsi déclarées avec les montants figurant sur les bilans de clôture, de même que l'importance du montant de dette de taxe sur la valeur ajoutée figurant au passif des bilans, étaient de nature à permettre à l'EURL La Française de Tuyauterie de procéder à une régularisation de sa situation, ce qu'elle n'a pas fait.
6. L'EURL La Française de Tuyauterie, qui ne conteste pas le bien-fondé du rappel de taxe sur la valeur ajoutée ainsi mis à sa charge, conteste avoir eu l'intention d'éluder l'impôt et soutient avoir pu, de bonne foi, ne pas tenir compte de la facturation de ses prestations, mais des encaissements, pour déterminer la date à laquelle la taxe qu'elle a mentionnée sur l'ensemble de ses factures était exigible.
7. Toutefois, les minorations systématiques de chiffre d'affaires par l'EURL La Française de Tuyauterie portent sur une part significative du chiffre d'affaires réalisé par elle au cours de la période vérifiée, laquelle s'élève à 15 % en ce qui concerne la période couvrant l'année 2009 et atteint 32 % au titre de la période couvrant l'année 2010. En outre, l'EURL La Française de Tuyauterie, dont le dirigeant exerçait des fonctions de direction dans plusieurs entreprises, ne pouvait sérieusement ignorer les règles applicables en matière d'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée, par les justifications qu'elle avance, comme établissant l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui a été celle de l'EURL La Française de Tuyauterie en pratiquant ces minorations récurrentes de chiffre d'affaires dans ses déclarations.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible :
8. Au cours de la vérification de comptabilité dont l'EURL La Française de Tuyauterie a fait l'objet, le vérificateur a constaté que cette société avait porté en déduction, au cours de la période vérifiée, allant du 1er janvier 2008 au 30 novembre 2010, la taxe sur la valeur ajoutée grevant des factures portant sur des prestations de services, alors même qu'elle n'avait pas encore payé ces factures, de sorte que la taxe n'était, au regard de la règle prévue au c. du 2. de l'article 269 du code général des impôts, en vertu de laquelle la valeur ajoutée est exigible lors de l'encaissement des acomptes ou autres éléments de prix ou de rémunération, pas exigible chez le fournisseur, ce qui, en vertu du 2. du I. de l'article 271 de ce code, faisait obstacle à cette déduction. Au vu de ce constat, l'administration a rappelé la taxe indûment déduite et, estimant que cette déduction anticipée procédait d'un manquement délibéré, a assorti ce rappel de la majoration de 40 % prévue par les dispositions, citées au point 4, du a. de l'article 1729 du code général des impôts.
9. Pour justifier l'application de cette majoration au rappel portant sur la taxe sur la valeur ajoutée prématurément déduite, l'administration a fait valoir, dans la proposition de rectification adressée le 21 juillet 2011 à l'EURL La Française de Tuyauterie, que la plupart des factures de prestations de services sur la base desquelles cette société avait effectué ces déductions anticipées avait été émise par trois sociétés membres du groupe auquel appartient l'EURL La Française de Tuyauterie. L'administration a fait valoir, en outre, que les liens existant entre ces quatre sociétés sont renforcés par l'identité du dirigeant, lequel était aussi leur associé, et que celui-ci, de par son expérience, était réputé ne pas ignorer les règles d'exigibilité et de déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée applicables aux opérations portant sur des prestations de service.
10. Les éléments ainsi avancés par le ministre, et qui ne font pas l'objet d'une contestation sérieuse de la part de l'EURL La Française de Tuyauterie, sont de nature à établir l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui a animé cette société et à justifier l'application à ce rappel de taxe sur la valeur ajoutée de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts. Cette majoration ne constitue pas une sanction disproportionnée au regard de la gravité de la méconnaissance réitérée de règles, en matière de déduction de taxe sur la valeur ajoutée, commise, en tout connaissance de cause, par cette société, alors même que la dette fiscale de l'EURL La Française de Tuyauterie a vocation à être prise en compte dans le cadre de la procédure collective dont elle fait l'objet, ainsi que dans le plan arrêté par le comité consultatif du secteur financier. L'EURL La Française de Tuyauterie ne peut, à cet égard, utilement soutenir qu'elle a payé la majoration en litige et qu'elle est parvenue jusqu'alors à honorer les échéances qui lui ont été fixées dans le cadre de cette procédure collective et de ce plan, dès lors que l'intention délibérée d'éluder l'impôt s'apprécie aux dates auxquelles les déductions ont été opérées. Elle ne peut davantage tirer argument du fait qu'elle ne s'est pas vu proposer une transaction par l'administration, quand bien même une telle issue de règlement amiable serait préconisée par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, opposable à l'administration en vertu de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, alors même qu'une société soeur aurait bénéficié d'une telle proposition dans le cadre d'un différend qui aurait porté sur une question similaire. L'EURL La Française de Tuyauterie n'est pas fondée à invoquer, sur ce point, le principe de sécurité juridique, qui ne fait pas obstacle à ce que deux sociétés, fussent-elles membres d'un même groupe, se voient assigner, à l'issue d'un contrôle portant sur des opérations qui leur sont propres, un sort fiscal différent.
11. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL La Française de Tuyauterie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'EURL La Française de Tuyauterie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL La Française de Tuyauterie et au ministre délégué chargé des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°18DA02633