Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. K... H..., M. A... I..., M. M... N... et huit autres requérants ont demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2017 par lequel le maire de Fécamp a délivré à la société civile de construction vente (SCCV) Lance Immo NLI le permis de construire deux immeubles comprenant 24 logements.
Par un jugement n° 1702905 du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 août 2019 et le 9 janvier 2020, M. K... H..., M. A... I..., M. M... N..., représentés par Me B... D..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) avant dire droit, si la cour s'estimait insuffisamment informée sur la desserte du projet et son caractère inadapté, d'ordonner une expertise ayant pour mission d'indiquer si techniquement l'accès prévu est adapté au projet et de nature à en permettre la desserte dans des conditions de sécurité satisfaisantes ;
au fond :
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler le permis de construire délivré par le maire de Fécamp le 26 juillet 2017 ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Fécamp et de la SCCV Lance Immo NLI le versement, par chacune d'elles d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme,
- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... F...,
- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,
- et les observations de Me C... L..., représentant la commune de Fécamp, et de Me G... J..., représentant la SCCV Lance Immo NLI.
Une note en délibéré présentée par la société Lance Immo NLI a été enregistrée le 14 janvier 2021.
Considérant ce qui suit :
1. MM. H..., I..., et N... ont demandé, avec huit autres personnes, l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2017, par lequel la maire de Fécamp a délivré à la société civile de construction vente (SCCV) Lance Immo NLI un permis de construire en vue de la réalisation de deux immeubles, comprenant en tout 24 logements, sur une parcelle cadastrée AB 27 située en zone UDa du plan local d'urbanisme, après démolition des bâtiments s'y trouvant. MM. H..., I..., et N... relèvent appel du jugement du 11 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.
Sur la fin de non-recevoir :
2. Il ressort des pièces du dossier que, par lettres recommandées dont la SCCV Lance Immo NLI et les services municipaux ont accusé réception respectivement le 10 et le 13 août 2019, les appelants ont notifié au maire de Fécamp et à la pétitionnaire la requête enregistrée le 9 août 2019 au greffe de la présente cour, conformément aux dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par la commune de Fécamp tirée de ce que ces dispositions auraient été méconnues doit être écartée.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
3. Aux termes de l'article L. 600-1-2 applicable du code de l'urbanisme : " une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. ".
4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.
5. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
6. Si MM. Rochart et N....sont voisins de la parcelle d'implantation du projet, ils n'en sont pas voisins immédiats et ne font état, au titre des atteintes susceptibles d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien, que de la présence d'un local poubelle qui générerait des nuisances olfactives et sonores en raison du ramassage des ordures et de la suppression d'une partie de la végétation qui pourrait faire écran. Par suite, ils ne justifient pas de leur intérêt à agir contre l'arrêté en litige.
7. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. H... est propriétaire de la parcelle AB47, qui touche quasiment le terrain d'assiette du projet et supporte une servitude de passage de 5 m² pour permettre aux fonds dominants, parmi lesquels la parcelle AB27, un accès à partir de la voie publique. Par ailleurs, l'importance du projet qui va aussi créer de nombreuses vues sur sa propriété, depuis laquelle le projet sera visible à partir des deux fenêtres de sa cuisine, d'une chambre et de sa terrasse couverte, affecterait directement les conditions de jouissance de son bien. Par suite, M. H... justifie de son intérêt à agir contre l'arrêté en litige, et la demande en annulation est dès lors recevable en tant qu'elle émane de ce requérant.
En ce qui concerne la légalité du permis de construire en litige :
8. Le plan local d'urbanisme de la commune de Fécamp comprend des " prescriptions réglementaires complémentaires figurant au document graphique ", qui se superposent, pour chacun des secteurs de protection ou de risques repérés aux documents graphiques sous la forme de trames, aux dispositions du règlement pour chacune des zones.
9. Pour les secteurs proches du rivage, auxquels appartient le terrain d'assiette du projet, ces prescriptions particulières disposent que, dans la zone UD notamment, " les échelles, rythmes et volumétries existantes doivent être respectés. La hauteur des constructions nouvelles sera alignée avec celle des bâtiments contigus ou les plus proches. ".
10. Alors que la parcelle AB27 se trouve au sein d'une sous-zone UDa que les auteurs du plan local d'urbanisme ont défini comme correspondant à un secteur de faible densité à préserver du fait de son intérêt paysager, il résulte des dispositions précitées que la comparaison qu'elles appellent sur les échelles, rythmes et volumétries doit s'effectuer au regard des constructions proches situées dans ce secteur, et non, comme le prétend la société Lance Immo NLI, au regard des constructions se trouvant dans la zone UD plus vaste, située au sud de ce secteur UDa.
11. Il ressort des documents photographiques versés au dossier que les constructions avoisinant le terrain d'assiette sur le secteur UDa sont constituées d'habitations vastes, mais plutôt individuelles, dont la volumétrie ne correspond pas aux deux immeubles de douze appartements envisagés par le projet. Cette impression visuelle est corroborée par des pièces versées en appel, notamment un document intitulé " surfaces bâtis cadastrés " établi à partir des données cadastrales, dont il ressort que la surface au sol de chacun des deux bâtiments projetés, telle qu'elle peut être vérifiée sur les plans produits au dossier, est plus de deux fois supérieure à celle du bâtiment actuel le plus grand du secteur. Par voie de conséquence, et en admettant que comme le soutient la pétitionnaire, les bâtiments projetés soient, avec une hauteur de 9,15 mètres figurant aux plans de la demande, comparables aux constructions voisines, la volumétrie de chaque bâtiment projeté ne peut être que bien supérieure à celle des bâtiments existants dans le secteur. Dans ces conditions, même si, par ailleurs, en ne tenant pas compte des balcons, les deux immeubles projetés sont distants l'un de l'autre de 11,12 mètres, soit une distance comparable à celle séparant d'autres constructions alentour, les appelants sont fondés à soutenir que l'arrêté en litige méconnaît les prescriptions particulières du plan local d'urbanisme, applicables aux espaces proches du rivage, et doit être annulé pour ce motif.
12. Pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'apparaît susceptible, en l'état du dossier et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise, de fonder également l'annulation de l'arrêté en litige.
13. Il résulte de ce qui précède que les appelants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 26 juillet 2017 par la maire de Fécamp à la société Lance Immo NLI. Il y a lieu, par suite, d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté du 26 juillet 2017.
Sur les frais d'instance :
14. Les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes que la commune de Fécamp et la société Lance Immo NLI demandent sur leur fondement au titre de leurs frais non compris dans les dépens, soient mises à la charge des appelants qui ne sont, dans la présente instance, ni tenus aux dépens, ni partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement des mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Fécamp d'une part, de la société Lance Immo NLI d'autre part, une somme de 1 000 euros chacune à verser à ce titre à M. H... uniquement, MM. Rochart et N... ne pouvant être regardés comme parties à l'instance dès lors qu'ils ne justifient pas d'un intérêt à agir.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement rendu le 11 juin 2019 par le tribunal administratif de Rouen et l'arrêté du 26 juillet 2017 portant délivrance par la maire de Fécamp à la société Lance Immo NLI d'un permis de construire sont annulés.
Article 2 : La commune de Fécamp et la société Lance Immo NLI verseront à M. H... une somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Fécamp et par la société Lance Immo NLI sur le fondement des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me B... D... pour M. K... H..., M. A... I..., M. M... N..., à la commune de Fécamp et à Me G... J... pour la société civile de construction vente Lance Immo NLI.
N°19DA01891 2