La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/01/2021 | FRANCE | N°19DA01239

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 12 janvier 2021, 19DA01239


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la délibération du 19 janvier 2017 par laquelle le conseil municipal de Muids a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune en tant que ce plan, d'une part, a classé en zone A deux parcelles F1132 et F1134 dont elle est propriétaire et, d'autre part, a créé sur ces parcelles un emplacement réservé, ensemble la délibération du 27 avril 2017 qui a rejeté le recours gracieux formé contre cette délibération.

Par un jugemen

t n° 1702082 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé la délibér...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler la délibération du 19 janvier 2017 par laquelle le conseil municipal de Muids a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune en tant que ce plan, d'une part, a classé en zone A deux parcelles F1132 et F1134 dont elle est propriétaire et, d'autre part, a créé sur ces parcelles un emplacement réservé, ensemble la délibération du 27 avril 2017 qui a rejeté le recours gracieux formé contre cette délibération.

Par un jugement n° 1702082 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé la délibération du 19 janvier 2017 en tant qu'elle a classé les deux parcelles propriété de Mme E... en zone A et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 mai 2019 et le 26 mai 2020, la commune de Muids, représentée par Me D... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 1er, 2 et 3 du jugement du 28 mars 2019 ;

2°) de mettre à la charge de Mme E... le versement à son bénéfice d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hélène Busidan, premier conseiller,

- les conclusions de M. Aurélien Gloux-Saliou, rapporteur public,

- et les observations de Me G... A..., représentant la commune de Muids, et de Me H... F..., représentant Mme E....

Considérant ce qui suit :

Sur l'objet du litige :

1. Par jugement du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Rouen saisi par Mme E... a, d'une part, annulé la délibération du 19 janvier 2017 par laquelle le conseil municipal de Muids a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune en tant que ce plan a classé en zone A deux parcelles dont Mme E... est propriétaire, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de l'intéressée tendant à l'annulation de la même délibération en tant que ce plan a institué un emplacement réservé sur ces mêmes parcelles.

2. La commune de Muids relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé la délibération et en tant qu'il l'a condamnée à verser une somme à Mme E... au titre des frais de justice. Mme E... doit être regardée comme demandant, par la voie d'un appel incident, l'annulation de ce même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions.

Sur classement des parcelles F1132 et F1134 en zone A :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

4. En vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques " et " fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain ".

5. En vertu de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ".

6. Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites "zones A". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ".

7. Il résulte de ces dispositions qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.

S'agissant de l'usage actuel des parcelles :

8. Il ressort non seulement d'une photographie du " centre bourg depuis le nord " insérée dans le rapport de présentation du plan local d'urbanisme adopté par la délibération en litige mais aussi d'un constat d'huissier établi le 27 juin 2019 que les parcelles en cause forment une prairie d'une superficie d'1,2 hectare utilisée comme pâture ou pour produire du foin. L'usage agricole de ces parcelles est ainsi établi, même si elles n'ont fait l'objet d'aucune déclaration au titre d'une telle activité et même si Mme E... n'est pas enregistrée comme exploitante agricole et n'a accordé aucun bail sur ces terrains.

S'agissant de la situation des parcelles :

9. D'une part, même s'il ressort des pièces du dossier que les habitations du village s'étirent le long du fleuve sur plusieurs kilomètres, la propriété de Mme E..., qui se trouve non loin de l'église, doit être regardée comme située dans la partie centrale de la commune, l'avenue du Château à l'est et la rue d'Andé au nord la séparant de deux zones urbanisées U1, dont le cadastre dénomme l'une " Le Village ".

10. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'à l'ouest, seul un secteur triangulaire classé en zone U2 sépare les parcelles en litige d'une vaste zone agricole cultivée et qu'au nord-ouest et au nord-est ces parcelles sont voisines de parcelles classées en zone naturelle pour préserver l'entrée de bourg et le parc du château.

S'agissant du parti d'aménagement des auteurs du plan local d'urbanisme :

11. D'une part, il ressort tant du rapport de présentation que du plan d'aménagement et de développement durables que, conformément à l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme se référant aux objectifs de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain, les auteurs du plan local d'urbanisme de la commune de Muids ont affirmé leur volonté de " lutter contre la consommation d'espaces naturels ".

12. Dans ce but, ils ont classé en zone naturelle ou agricole de nombreux secteurs qui étaient classés en zone constructible dans la carte communale précédant l'adoption du plan local d'urbanisme. A cet égard, le rapport de présentation précise qu'ont été classés en zone agricole " l'ensemble des terrains qui n'étaient pas urbanisés et directement en relation avec l'activité agricole ", ce qui correspond à la situation des parcelles de Mme E....

13. D'autre part, si, au sud des parcelles en litige, la commune a classé en zone à urbaniser AUL un secteur qu'elle destine, par une orientation d'aménagement et de programmation n° 5, au développement d'un habitat pour seniors et à la création de stationnements pour l'accueil touristique, l'église et la plage, ce choix n'est pas incohérent avec le classement des parcelles en litige, dont la grande superficie permet leur utilisation ponctuelle comme " champ de foire " pour les activités festives de la commune nécessitant, par suite, la proximité de capacités de stationnement. Un des objectifs E figurant au rapport de présentation vise d'ailleurs à " acquérir le champ qui sert de pôle communal pour les activités collectives ".

14. Il résulte ce qui précède qu'en classant les parcelles de Mme E... en zone agricole pour diminuer la consommation d'espaces, pour en maintenir le caractère agricole et pour en préserver l'usage ponctuel en tant que champ de foire, les auteurs du plan local d'urbanisme, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, n'ont pas entaché la délibération du 19 janvier 2017 d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par Mme E... :

15. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E... à l'encontre du classement en zone A adopté par la délibération en litige pour les parcelles dont elle est propriétaire.

16. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit, le rapport de présentation a proposé les justifications suffisantes du classement en zone agricole des parcelles en litige. Le moyen tiré de ce qu'en méconnaissance de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme le rapport de présentation ne comportait aucune indication sur les raisons du classement des deux parcelles en zone A manque donc en fait.

17. En deuxième lieu, si l'orientation d'aménagement et de programmation n° 5 sus-évoquée a prévu la création d'une voie publique et d'un cheminement piétonnier dans la partie nord de la zone AUL, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cette création, dont la configuration reste en outre à finaliser, impliquerait, comme l'affirme Mme E..., l'aménagement d'une voirie sur les parcelles en litige. Par suite, le moyen tiré d'une contradiction entre le classement de ces terrains en zone A et cette orientation d'aménagement et de programmation doit être écarté.

18. En troisième lieu, le classement des parcelles en litige étant justifié, ainsi qu'il a été dit plus haut, par des motifs d'urbanisme, le moyen tiré du détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté.

Sur l'emplacement réservé :

19. Pour contester la partie du jugement ayant rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la délibération en litige en tant qu'elle a instauré un emplacement réservé sur les parcelles en litige, Mme E... s'est bornée à soutenir que les articles 1er et 2 du règlement de la zone A interdisent le projet de la commune d'utiliser ces terrains comme champ de foire, pour y poursuivre des manifestations culturelles ou récréatives que Mme E... autorise d'ailleurs gracieusement sur sa propriété depuis plusieurs années.

20. Toutefois, le paragraphe 2 de l'article 2 du règlement applicable en zone A autorise " Les installations publiques ou privées soumises à autorisation ou à déclaration, lorsqu'elles sont compatibles avec la santé et l'environnement urbain existant et à venir. ". Par suite, le moyen ainsi soulevé doit être écarté.

21. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la commune de Muids est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé la délibération du 19 janvier 2017 en tant qu'elle a classé les parcelles de Mme E... en zone agricole, d'autre part, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de l'appel incident de Mme E..., que celle-ci n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, ce tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette délibération en tant qu'elle a institué un emplacement réservé sur ces parcelles.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

22. D'une part, il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler l'article 2 du jugement du 28 mars 2019 qui a condamné la commune à verser une somme à Mme E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

23. D'autre part, les dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Muids, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme E... sur leur fondement.

24. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de Mme E... une somme au titre des frais engagés par la commune et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement rendu le 28 mars 2019 par le tribunal administratif de Rouen sont annulés.

Article 2 : Les conclusions présentées par Mme E... devant le tribunal administratif de Rouen à fin d'annulation de la délibération du conseil municipal de Muids du 19 janvier 2017 en tant qu'elle a classé en zone agricole deux parcelles dont elle est propriétaire et son appel incident sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées en première instance et en appel par la commune de Muids et par Mme E... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Me D... B... pour la commune de Muids et à Me H... F... pour Mme C... E....

N°19DA01239 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01239
Date de la décision : 12/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Heinis
Rapporteur ?: Mme Hélène Busidan
Rapporteur public ?: M. Gloux-Saliou
Avocat(s) : SCP BARON COSSE ANDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2021-01-12;19da01239 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award