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30/12/2020 | FRANCE | N°18DA01303

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 30 décembre 2020, 18DA01303


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 à 2013 et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601512 du 25 mai 2018, le tribunal administratif d'Am

iens a prononcé la décharge demandée et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 50...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 à 2013 et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1601512 du 25 mai 2018, le tribunal administratif d'Amiens a prononcé la décharge demandée et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il prononce la décharge de l'intégralité des impositions en litige ;

2°) de juger que M. et Mme A... doivent seulement être déchargés des impositions correspondant au chef de rectification pour lequel il ne peut être procédé à une substitution de base légale, à savoir les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis, en droits et pénalités, au titre des années 2012 et 2013, à raison de réductions de base d'un montant respectif de 6 129 euros et de 10 615 euros ;

3°) de remettre à la charge de M. et Mme A... les impositions, en droits et pénalités, dont la décharge a été prononcée à tort par le tribunal administratif d'Amiens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'activité d'exploitation de chambres d'hôtes exercée, à titre individuel, par Mme A... sous l'enseigne " Le Château des Lumières " à son domicile de Saint-Blimont (Somme) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, portant sur la période allant du 2 mai 2011 au 31 décembre 2012. A l'issue de ce contrôle, l'administration a envisagé des rectifications en matière de bénéfices industriels et commerciaux dont Mme A... a été informée par une proposition de rectification qui lui a été adressée le 27 juin 2014. L'administration a adressé, le même jour, à M. et Mme A... une deuxième proposition de rectification afin de les informer des conséquences résultant, pour le revenu imposable de leur foyer fiscal, des rectifications parallèlement notifiées. Enfin, M. et Mme A... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces portant sur leurs revenus imposables des années 2011, 2012 et 2013, au terme duquel l'administration a envisagé des rectifications portant, d'une part, sur des recettes, issues de la location de gîtes sous l'enseigne " Le Pigeonnier ", déclarées en tant que revenus fonciers et que l'administration a entendu regarder comme des bénéfices industriels et commerciaux, d'autre part, sur des revenus fonciers issus d'un immeuble donné en location à une société, enfin, sur la remise en cause d'une réduction d'impôt au titre de l'année 2011 et sur la limitation du bénéfice de crédits d'impôt relatifs aux intérêts d'emprunt pour l'acquisition de l'habitation principale et à l'emploi d'un salarié à domicile. M. et Mme A... ont été informés de ces rectifications, issues de ce dernier contrôle, par une troisième proposition de rectification, qui leur a été adressée le 5 septembre 2014.

2. Les impositions issues de l'ensemble de ces rectifications ayant été mises en recouvrement le 30 avril 2015 et leur réclamation ayant été rejetée, M. et Mme A... ont soumis le litige au tribunal administratif d'Amiens, en lui demandant, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 à 2013 et, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement du 25 mai 2018, le tribunal administratif d'Amiens a prononcé la décharge demandée et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement et demande à la cour de juger que le tribunal administratif d'Amiens a prononcé à tort la décharge de l'intégralité des impositions en litige et que seule une décharge partielle de ces impositions devait être prononcée, et de remettre en conséquence à la charge de M. et Mme A... celles des impositions dont la décharge leur a été accordée à tort par le tribunal administratif.

3. Pour prononcer, par le jugement attaqué, la décharge de l'intégralité des impositions, en droits et pénalités, contestées devant lui, le tribunal administratif d'Amiens a relevé que l'administration avait informé M. et Mme A..., dans la réponse apportée à leurs observations, qu'elle entendait désormais fonder les rectifications relatives aux revenus fonciers issus de la location d'un immeuble à une société sur les dispositions du I de l'article 31 du code général des impôts, en lieu et place des dispositions de l'article 13 de ce code, sur le fondement duquel le service s'était initialement placé. Les premiers juges ont constaté, en outre, que, si l'administration avait imparti, dans le même document, un délai de trente jours à M. et Mme A... pour présenter des observations, la mention correspondante, figurant en page de garde, limitait expressément cette faculté " aux sanctions fiscales qui sont mentionnées ". Le tribunal administratif a tiré de ces constats qu'une telle mention comportant une limitation expresse avait été de nature à induire M. et Mme A... en erreur sur la nature et l'étendue de la garantie dont la mise en oeuvre leur était proposée et qu'elle les avait conduits à s'abstenir de toute observation sur la substitution de base légale envisagée par l'administration, de sorte qu'ils avaient été privés de cette garantie, donnée au contribuable par la loi, et qu'en conséquence, la procédure d'imposition mise en oeuvre à leur égard était entachée d'irrégularité.

4. Toutefois, ainsi que le relève le ministre de l'action et des comptes publics, l'irrégularité substantielle ainsi constatée par les premiers juges, dont il n'entend pas contester la réalité, était de nature à justifier la décharge des seules impositions affectées par cette irrégularité, à savoir celles résultant des rectifications afférentes aux revenus fonciers issus de la location consentie à une société, et non la décharge des autres impositions contestées par M. et Mme A... devant le tribunal administratif d'Amiens. Le ministre est donc fondé à soutenir que, pour prononcer, au seul motif tiré de cette irrégularité de procédure, la décharge de l'ensemble des impositions en litige, les premiers juges se sont mépris sur l'étendue des conséquences susceptibles d'être tirées du moyen qu'ils ont accueilli.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens, soulevés par M. et Mme A... devant le tribunal administratif d'Amiens et devant elle, dirigés contre les impositions issues des chefs de rectification autres que celui afférent aux revenus fonciers issus de la location consentie à une société.

6. En vertu de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, à l'issue d'une vérification de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition de rectification prévue au premier alinéa de l'article L. 57 du même livre, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications.

7. Ainsi qu'il a été dit au point 1, à l'issue de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet l'activité d'exploitation de chambre d'hôtes exercée par Mme A..., l'administration a non seulement adressé à cette dernière, le 27 juin 2014, une proposition de rectification destinée à l'informer des rectifications envisagées en ce qui concerne cette activité propre, mais a aussi adressé à M. et Mme A..., le même jour, une autre proposition de rectification destinée à leur faire connaître, conformément aux dispositions, rappelées au point précédent, de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, les conséquences financières résultant, en ce qui concerne leurs revenus imposables, des rectifications ainsi envisagées. Dès lors que M. et Mme A... forment, au regard de l'impôt sur le revenu, un unique foyer fiscal et que Mme A... a ainsi été mise à même de connaître, en temps utile pour qu'elle puisse formuler des observations en toute connaissance de cause, les conséquences financières emportées pour le foyer fiscal des rectifications intéressant son activité individuelle, l'administration n'avait pas à préciser les conséquences propres de ce contrôle sur les revenus imposables de chacun des deux époux. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales doit être écarté.

8. En vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, la proposition que l'administration adresse au contribuable doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation et il doit en être de même de la réponse par laquelle l'administration rejette les observations du contribuable.

9. Il résulte de l'examen, d'une part, de la proposition de rectification adressée le 27 juin 2014 à Mme A..., à la suite de la vérification de comptabilité dont son activité d'exploitation de chambres d'hôtes a fait l'objet, d'autre part, des deux propositions de rectifications adressées le 27 juin 2014 et le 5 septembre 2014 à M. et Mme A..., que celles-ci mentionnent l'impôt et les années concernés, les catégories de revenus faisant l'objet des rectifications envisagées, ainsi que les considérations de droit et de fait sur lesquelles l'administration a entendu fonder ces rectifications. En particulier, la proposition de rectification adressée le 27 juin 2014 à Mme A... lui fait connaître les rectifications envisagées en ce qui concerne les bénéfices industriels et commerciaux issus de son activité individuelle. En outre, les deux propositions de rectifications adressées à M. et Mme A... portent à leur connaissance les conséquences financières emportées par la vérification de comptabilité dont a fait l'objet l'activité exercée à titre individuel par Mme A... et par le contrôle sur pièces dont ont fait ensuite l'objet les intéressés, sur les revenus imposables du foyer fiscal. Enfin, la proposition de rectification du 5 septembre 2014 a été établie en cohérence avec les deux précédentes, de sorte que M. et Mme A... n'ont pu être induits en erreur sur l'étendue des conséquences financières résultant des deux contrôles successivement opérés par l'administration. Les énonciations de ces propositions de rectifications ont ainsi mis à même les contribuables de comprendre l'objet et la portée de ces rectifications, ainsi que le raisonnement tenu par l'administration pour les justifier, et de formuler, en toute connaissance de cause, d'utiles observations. Par ailleurs, il résulte de l'examen de la réponse apportée par l'administration, le 22 décembre 2014, aux observations formulées par M. et Mme A... sur l'ensemble des propositions de rectifications qui leur avaient été ainsi adressées, que ce document reprend, sur chacun des points discutés, la teneur des observations présentées et qu'il y apporte une réponse argumentée, tant en droit qu'en fait.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a prononcé la décharge de l'intégralité des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles M. et Mme A... ont été assujettis au titre des années 2011 à 2013 et à demander, dans cette mesure, l'annulation de ce jugement. Le ministre est également fondé à demander que la décharge à laquelle peuvent prétendre M. et Mme A... en conséquence de l'irrégularité de procédure affectant les impositions résultant de la rectification apportée à leurs revenus fonciers soit limitée, en droits et pénalités, aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre uniquement des années 2012 et 2013, et procèdent d'une réduction de base d'un montant respectif de 6 129 euros et de 10 615 euros. Enfin, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir soulevée sur ce point par l'administration, le ministre de l'action et des comptes publics est également fondé à soutenir que le surplus des conclusions en décharge présentées par M. et Mme A... devant le tribunal administratif d'Amiens doit être rejeté. Les conclusions présentées par ces derniers sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1601512 du 25 mai 2018 du tribunal administratif d'Amiens est annulé en tant qu'il prononce la décharge de l'intégralité des impositions contestées par M. et Mme A....

Article 2 : M. et Mme A... sont seulement déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013, en conséquence de réductions de base d'un montant respectif de 6 129 euros et de 10 615 euros.

Article 3 : Le surplus des impositions contestées par M. et Mme A... devant le tribunal administratif d'Amiens et dont la décharge a été prononcée à tort par le jugement mentionné à l'article 1er ci-dessus est remis à leur charge.

Article 4 : Les conclusions de la demande de M. et Mme A... accueillies à tort par le tribunal administratif d'Amiens et les conclusions qu'ils présentent en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre délégué chargé des comptes publics et à M. et Mme A....

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°18DA01303


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01303
Date de la décision : 30/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Proposition de rectification (ou notification de redressement) - Motivation.

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Questions communes - Pouvoirs du juge fiscal.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS DORASCENZI - FENART

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-12-30;18da01303 ?
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