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12/11/2020 | FRANCE | N°20DA00102

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 12 novembre 2020, 20DA00102


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 30 octobre 2018 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à défau

t, d'enjoindre au préfet du Nord de procéder au réexamen de sa situation dans un dél...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 30 octobre 2018 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à défaut, d'enjoindre au préfet du Nord de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1905567 du 20 décembre 2019 le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 30 octobre 2018 précité, enjoint au préfet du Nord de délivrer à M. F..., dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du présent jugement, un certificat de résidence d'un an lui permettant de poursuivre sa scolarité en France, mis à la charge de l'Etat au profit de Me E... la somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me E... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 janvier 2020, le préfet du Nord, représenté par Me C..., demande à la cour d'annuler ce jugement ;

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1.M. B... F..., de nationalité algérienne, né le 23 février 1999, est entré en France muni d'un passeport revêtu d'un visa Schengen de type C valable du 4 janvier 2016 au 3 avril 2016 délivré par les autorités consulaires espagnoles. Il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, puisque mineur isolé, à compter du 2 mars 2016 jusqu'à la date de sa majorité. Le 23 mars 2017, il a sollicité du préfet du Nord la délivrance d'un certificat de résidence algérien pour suivre une formation diplômante. Le préfet du Nord, par un arrêté du 30 octobre 2018, a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé comme pays de destination celui dont il a la nationalité. Le préfet du Nord relève appel du jugement du 20 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 30 octobre 2018, lui a enjoint de délivrer à M. F..., dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement, un certificat de résidence d'un an lui permettant de poursuivre sa scolarité en France.

Sur le bien-fondé du motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Lille :

2. Aux termes des stipulations du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (bourses ou autres ressources) reçoivent, sur présentation, soit d'une attestation de pré-inscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention " étudiants " ou " stagiaire " (...) ". Aux termes de l'article 9 du second avenant à l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles en France, susvisé, signé le 28 septembre 1994, publié au journal officiel de la République française le 20 décembre 1994 et entré en vigueur le 20 décembre 1994, conformément à l'intention des parties : "...pour être admis à entrer et à séjourner plus de trois mois sur le territoire français au titre des articles 4, 5, 7 et 7 bis alinéa 4 (lettres a à d), et du titre III du protocole, les ressortissants algériens doivent présenter un passeport muni d'un visa de long séjour délivré par les autorités françaises" . Il résulte de la combinaison de ces stipulations que la délivrance d'un certificat de résidence algérien portant la mention " étudiant " est subordonnée à l'obtention d'un visa de long séjour.

3. Les articles L. 313-14 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatifs aux conditions dans lesquelles les ressortissants étrangers peuvent bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour, ne s'appliquent pas aux ressortissants algériens, dont la situation est régie de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Si cet accord ne prévoit pas de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au représentant de l'Etat, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

4. Il est constant que M. F... est entré sur le territoire national, comme mineur isolé, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de type C et non d'un visa long séjour comme prescrit par l'article 9 de l'accord du 27 décembre 1968 précité. Si les mineurs isolés ne se voient pas opposer la nécessité de détention d'un visa long séjour en application de l'article R. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tel n'est plus le cas lorsque ceux-ci déposent, à leur majorité, une demande de titre de séjour. M. F..., au jour de l'arrêté attaqué, majeur d'âge, ne remplissait donc pas les conditions précitées pour se voir délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " étudiant " au regard de l'accord précité.

5. Il ressort des pièces du dossier que, d'une part M. F... dispose d'attaches fortes en Algérie, où résident ses parents et l'ensemble de ses frères et soeurs, et d'autre part que, si après son entrée sur le territoire national il a été scolarisé en première année professionnelle pour la préparation du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) de " préparation et réalisation d'ouvrages électriques " qu'il a obtenu en 2018 et s'il poursuit une première année professionnelle " commerce ", les résultats scolaires de l'intéressé, sont toutefois moyens et comportent des absences non justifiées. Dans ces conditions, et alors même que M. F... fait valoir sa volonté d'intégration et sa motivation dans la construction d'un projet professionnel avec le soutien de ses enseignants, le préfet du Nord est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers jugent ont estimé qu'il avait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de l'intéressé au regard de son pouvoir de régularisation et annulé l'arrêté en litige.

6. Il appartient toutefois à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens développés par M. F... devant la juridiction administrative.

Sur les autres moyens soulevés par M. F... :

En ce qui concerne les moyens communs à l'ensemble des décisions contestées :

7. Par un arrêté du 25 juillet 2018, publié le même jour au recueil spécial des actes administratifs de la préfecture du Nord, le préfet du Nord a donné délégation à Mme G... D..., adjointe au chef du bureau de la lutte contre l'immigration irrégulière auprès de la direction de l'immigration et de l'intégration de la préfecture du Nord, à l'effet de signer notamment des décisions, en matière de police des étrangers, au nombre desquelles figurent les décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté contesté manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

8. L'arrêté attaqué comporte, dans ses visas et ses motifs, l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet du Nord, qui n'était pas tenu de mentionner tous les éléments afférents à la situation personnelle de l'intéressé, s'est fondé pour refuser de délivrer à M. F... un titre de séjour, lui faire obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixer le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté manque en fait et doit, dès lors, être écarté.

9. Il ressort des pièces du dossier et, notamment, des termes mêmes de l'arrêté contesté, que le préfet du Nord, pour refuser de délivrer à M. F... un titre de séjour, lui faire obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixer le pays de destination, a procédé à un examen particulier et attentif de sa situation. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de M. F... manque en fait et doit être écarté comme tel.

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

10. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

11. Il ressort des pièces du dossier que M. F..., qui est célibataire et sans enfants, était en France depuis seulement un peu plus de deux ans à la date de la décision attaquée. L'ensemble des membres de sa famille, c'est-à-dire ses parents et ses huit frères et soeurs, réside en Algérie, pays dans lequel il a vécu la majeure partie de sa vie. Sa scolarisation ne suffit pas à démontrer une insertion particulière sur le territoire français. Enfin il n'établit pas avoir tissé des liens amicaux d'une particulière intensité sur le territoire national. Dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour de l'intéressé, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés.

12. Comme il a été dit au point 4, M. F... est entré sur le territoire national, comme mineur isolé, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de type C et non d'un visa long séjour comme prescrit par l'article 9 de l'accord du 27 décembre 1968 précité. M. F..., au jour de l'arrêté attaqué, majeur d'âge, ne remplissait donc pas les conditions précitées pour se voir délivrer un titre de séjour au regard de l'accord franco-algérien précité.

13. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 7 et 12 que M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est illégale.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

14. Il résulte de ce qui a été dit au point 13 que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour doit être écarté. M. F... n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est illégale.

En ce qui concerne la décision accordant un délai de départ volontaire de trente jours :

15. Il résulte du point précédent que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

16. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation personnelle de M. F... justifie que lui soit accordé, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet du Nord lui aurait accordé un délai de départ volontaire insuffisant doit être écarté.

17. Il résulte de ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui octroyant un délai de départ volontaire de trente jours est entachée d'illégalité.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination

18. Il résulte de ce qui a été dit au point 14 que M. F... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

19. M. F... ne fait état d'aucun risque personnel, direct et actuel qu'il pourrait encourir en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen qu'il se borne à invoquer, tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. F... tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué doit être rejetée. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1905567 du 20 décembre 2019 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Les demandes de M. F... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M.B... F... et à Me A... E....

Copie sera en sera transmise pour information au préfet du Nord.

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2

N° 20DA00102


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00102
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SELARL CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-11-12;20da00102 ?
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