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12/11/2020 | FRANCE | N°19DA02315

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 12 novembre 2020, 19DA02315


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 4 mars 2014 par laquelle la déléguée régionale du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a refusé de transformer son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ainsi que la décision implicite de non-renouvellement de son contrat ayant pris fin le 9 septembre 2014.

Par un jugement n° 1403087 du 10 juillet 2017, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 4 mars 2014

et enjoint au Centre national de la recherche scientifique de proposer à l'intéressé u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 4 mars 2014 par laquelle la déléguée régionale du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a refusé de transformer son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ainsi que la décision implicite de non-renouvellement de son contrat ayant pris fin le 9 septembre 2014.

Par un jugement n° 1403087 du 10 juillet 2017, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 4 mars 2014 et enjoint au Centre national de la recherche scientifique de proposer à l'intéressé un contrat à durée indéterminée et de reconstituer sa carrière à compter du 6 décembre 2013, dans un délai de trois mois, puis a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du Centre national de la recherche scientifique refusant de renouveler le contrat à durée déterminée de M. C....

Par un arrêt n° 17DA01762, 17DA01765 du 4 juin 2018, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par le Centre national de la recherche scientifique contre ce jugement puis jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement.

Par une décision n° 422866 du 9 octobre 2019, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 4 juin 2018 et a renvoyé l'affaire devant cette cour.

Procédure devant la cour :

Par des requêtes et des mémoires, initialement enregistrés sous les numéros 17DA01762 et 17DA01765, les 7 septembre 2017 et 29 septembre 2017, et sous le numéro 19DA02315, les 23 décembre 2019 et 2 juin 2020, le Centre national de la recherche scientifique, représenté par la SCP D...-Lécuyer, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 juillet 2017 du tribunal administratif de Lille ;

2°) de rejeter la demande de M. C... devant le tribunal administratif de Lille ;

3°) d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 10 juillet 2017 du tribunal administratif de Lille ;

4°) de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marc Lavail Dellaporta, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public ;

- et les observations de Me D..., représentant le Centre national de la recherche scientifique et de Me B... représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., chercheur en biologie qui a soutenu sa thèse en 2006, a été recruté par le Centre national de la recherche scientifique le 22 octobre 2007 comme ingénieur en biologie moléculaire, par contrat à durée déterminée pour un an au sein du laboratoire " Approches génétiques, fonctionnelles et structurales des cancers ", Unité mixte de recherches (UMR) 8161. Ce contrat a été renouvelé jusqu'au 21 octobre 2010. M. C... a ensuite été recruté par deux contrats d'un an, du 1er novembre 2010 au 31 août 2012, par l'université de Lille I comme attaché temporaire d'enseignement et de recherche. Puis il a été recruté par l'institut Pasteur de Lille en contrat à durée déterminée du 10 septembre 2012 au 9 septembre 2014. Par jugement du 10 juillet 2017, le tribunal administratif de Lille a jugé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions dirigées contre la décision du Centre national de la recherche scientifique refusant de renouveler le dernier contrat à durée déterminée de M. C..., a annulé la décision du 4 mars 2014 de sa déléguée régionale refusant de transformer le contrat à durée déterminée du requérant en contrat à durée indéterminée, a enjoint au Centre national de la recherche scientifique de proposer à M. C... un contrat à durée indéterminée et de reconstituer sa carrière à compter du 6 décembre 2013, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Par un arrêt n° 17DA01762, 17DA01765 du 4 juin 2018, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par le Centre national de la recherche scientifique contre ce jugement puis jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement. Par une décision n° 422866 du 9 octobre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 4 juin 2018 et a renvoyé l'affaire devant cette cour.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les refus de transformer le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :

2. Aux termes de l'article 6 bis de la loi susvisée du 11 janvier 1984 dans sa rédaction issue de l'article 37 de la loi du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique : " (...). / Tout contrat conclu ou renouvelé en application des (...) articles 4 et 6 avec un agent qui justifie d'une durée de services publics effectifs de six ans dans des fonctions relevant de la même catégorie hiérarchique est conclu, par une décision expresse, pour une durée indéterminée. / La durée de six ans mentionnée au deuxième alinéa du présent article est comptabilisée au titre de l'ensemble des services effectués dans des emplois occupés en application des articles 4, 6, 6 quater, 6 quinquies et 6 sexies. Elle doit avoir été accomplie dans sa totalité auprès du même département ministériel, de la même autorité publique ou du même établissement public. (...). / (...). / Lorsqu'un agent atteint l'ancienneté mentionnée aux deuxième à quatrième alinéas du présent article avant l'échéance de son contrat en cours, celui-ci est réputé être conclu à durée indéterminée. L'autorité d'emploi lui adresse une proposition d'avenant confirmant cette nouvelle nature du contrat (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un agent demande la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée, il appartient au juge administratif, saisi par l'intéressé, de rechercher, en recourant au besoin à la méthode du faisceau d'indices, si en dépit de l'existence de plusieurs employeurs apparents, l'agent peut être regardé comme ayant accompli la durée nécessaire de services publics effectifs auprès d'un employeur unique. Ces indices peuvent être notamment les conditions d'exécution du contrat, en particulier le lieu d'affectation de l'agent, la nature des missions qui lui sont confiées et l'existence ou non d'un lien de subordination vis-à-vis du chef du service concerné.

3. Aux termes de l'article 1er du décret du 7 mai 1988 relatif au recrutement d'attachés temporaires d'enseignement et de recherche dans les établissements publics d'enseignement supérieur : " Les établissements publics d'enseignement supérieur relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur peuvent faire appel à des attachés temporaires d'enseignement et de recherche recrutés par contrat à durée déterminée ". Aux termes de l'article 10 du même décret : " Les attachés temporaires d'enseignement et de recherche assurent annuellement 128 heures de cours ou 192 heures de travaux dirigés ou 288 heures de travaux pratiques ou toute combinaison équivalente. / Ils assurent également les tâches liées à leur activité d'enseignement et participent notamment au contrôle des connaissances et aux examens. (...) ".

4. M. C... a été recruté par l'université de Lille I en qualité d'attaché temporaire d'enseignement et de recherche, du 1er novembre 2010 au 31 août 2011, puis jusqu'au 31 août 2012. Comme il a été jugé par le conseil d'Etat par l'arrêt du 9 octobre 2019, revêtu de l'autorité de la chose jugée, les fonctions d'attaché temporaire d'enseignement et de recherche de M. C... au cours de cette période, compte-tenu des dispositions du décret du 7 mai 1988, résultaient d'un contrat qui ne pouvait être conclu que par un établissement d'enseignement supérieur, avec pour objet principal de définir les obligations d'enseignement de l'intéressé pour le compte de cet établissement universitaire. Les fonctions accomplies durant cette période ne pouvaient donc pas être regardées comme l'étant pour le compte du Centre national de la recherche scientifique, quand bien même des activités de recherche auraient été effectuées dans les locaux du Centre national de la recherche scientifique. Cette période ne peut être retenue pour le calcul de la durée de services publics effectifs.

5. M. C... n'est pas plus fondé à soutenir, en produisant des attestations de collègues au demeurant datées de 2020 et postérieures de plusieurs années, avoir travaillé, en parallèle de ses fonctions d'attaché temporaire d'enseignement et de recherche, dans le cadre d'un contrat informel conclu directement avec le Centre national de la recherche scientifique.

6. Par suite, M. C... ne peut être regardé comme ayant accompli la durée nécessaire de services publics effectifs auprès d'un employeur unique exigée par l'article 6 bis de la loi susvisée du 11 janvier 1984 et il n'est pas fondé à contester le refus du Centre national de la recherche scientifique de lui reconnaître le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée.

7. Il résulte de ce qui précède que le Centre national de la recherche scientifique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé les décisions du 16 janvier et 4 mars 2017 de la déléguée régionale du centre national de la recherche scientifique refusant de transformer le contrat de M. C... en contrat à durée indéterminée et lui a enjoint de proposer à M. C... un contrat à durée indéterminée dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Lille.

9. Le détournement de pouvoir allégué n'est pas plus démontré, dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 du présent arrêt que le Centre national de la recherche scientifique ne peut être regardé comme ayant refusé de renouveler le contrat de M. C... pour échapper à l'obligation qu'il tiendrait de la loi du 11 janvier 1986 de le transformer en contrat à durée indéterminée.

10. Il résulte de ce qui précède que les conclusions susvisées de M. C... doivent être rejetées.

En ce qui concerne le refus de renouveler son contrat à durée déterminée :

11. Si M. C..., par des conclusions incidentes, demande l'annulation de la décision implicite de non renouvellement du contrat qui a pris fin le 9 septembre 2014, ces conclusions ne sont assorties en appel d'aucun moyen et ainsi ne répondent pas aux exigences de motivation des requêtes d'appel prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative. Par suite, elles doivent être rejetées comme irrecevables. Les conclusions de M. C... tendant à ce qu'il soit enjoint au Centre national de la recherche scientifique de lui proposer la signature d'un contrat à durée indéterminée, de reconstituer sa carrière, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement, sous astreinte, doivent par voie de conséquence être aussi rejetées.

12. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête du Centre national de la recherche scientifique tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête n° 17DA01765 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du Centre national de la recherche scientifique, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme au titre des frais exposés par le Centre national de la recherche scientifique et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1403087 du 10 juillet 2017 du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17DA01765 tendant au sursis à l'exécution du jugement.

Article 3 : La demande de M. C... devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions du Centre national de la recherche scientifique au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au Centre national de la recherche scientifique et à M. A... C....

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2

N° 19DA02315


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02315
Date de la décision : 12/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-12-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Nature du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Marc Lavail Dellaporta
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP MEIER-BOURDEAU LÉCUYER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-11-12;19da02315 ?
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