Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif d'Amiens de prononcer la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.
Par un jugement n° 1501711 du 8 février 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 4 avril 2018, le 17 septembre 2018, le 22 janvier 2019, le 25 septembre 2020, le 6 octobre 2020 et le 9 octobre 2020, M. et Mme B..., représentés par Me A..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur leur requête à concurrence du dégrèvement de 6 865 euros prononcé, en droits et pénalités, en matière de prélèvements sociaux ;
3°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Ver Alu, dont M. et Mme B... étaient les deux associés chacun à part égale et dont Mme B... était la gérante statutaire, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant notamment sur l'exercice clos le 31 décembre 2012. Au cours de ce contrôle, le vérificateur a constaté que M. et Mme B..., qui n'étaient pas liés à la SARL Ver Alu par un contrat de travail, avaient perçu de cette dernière, au cours de l'année 2012, diverses sommes dont les intéressés n'avaient pas fait mention dans la déclaration de revenus qu'ils avaient souscrite au titre de l'année 2012. Par une proposition de rectification adressée le 18 avril 2014 à M. et Mme B..., l'administration a informé ceux-ci qu'elle entendait regarder les sommes ainsi perçues par eux, qui atteignaient un montant total de 150 768 euros, comme ayant la nature de rémunérations et d'avantages occultes et les soumettre en conséquence à l'impôt sur le revenu sur le fondement des dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts. En dépit des observations formulées par les intéressés, l'administration a maintenu sa position et la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu ainsi que les prélèvements sociaux résultant de cette rectification ont été mis en recouvrement le 30 septembre 2014, à hauteur d'une somme de 81 106 euros en droits et pénalités. M. et Mme B... ont présenté une réclamation, le 14 octobre 2014, à laquelle l'administration, par une décision du 22 avril 2015, a fait partiellement droit, en ramenant la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux contestés de 81 106 euros à 74 333 euros, en droits et pénalités. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 8 février 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2012. Dans le dernier état de leurs écritures, M. et Mme B... doivent être regardés comme limitant, compte-tenu du dégrèvement de 6 865 euros prononcé, en droits et pénalités, le 20 août 2018, soit à une date postérieure à l'introduction de leur requête, en matière de prélèvements sociaux, l'étendue de leurs conclusions en décharge aux impositions restant en litige, d'un montant total de 67 468 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des motifs énoncés au point 4 du jugement attaqué que les premiers juges ont, au terme de l'examen, auquel ils se sont livrés, des moyens qui leur étaient soumis, retenu que la demande des intéressés tendant à la décharge des impositions en litige devait être rejetée " sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer " sur celle-ci. En répondant ainsi aux conclusions qu'avaient présentées M. et Mme B..., tendant à ce que le tribunal sursoie à statuer sur leur demande dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert désigné par le vice-président du tribunal de grande instance de Beauvais et dont la mission consistait à identifier, afin de permettre le cas échéant une action en responsabilité contre l'expert-comptable de la SARL Ver Alu, les dépenses exposées par eux dans l'intérêt de cette société, les premiers juges, qui n'avaient pas à préciser les raisons pour lesquelles ils n'estimaient pas nécessaire de prendre une décision qui relevait, d'ailleurs d'office, de leur pouvoir de direction de l'instruction, ont suffisamment motivé le jugement au regard de l'exigence posée par les dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
3. En vertu du c. de l'article 111 du code général des impôts, les rémunérations et avantages occultes sont considérés comme des revenus distribués.
4. Ainsi qu'il a été dit au point 1, le vérificateur a constaté, au cours de la vérification de comptabilité dont la SARL Ver Alu a fait l'objet, que M. et Mme B..., qui n'étaient pas liés à cette société par un contrat de travail, avaient perçu de cette dernière, au cours de l'année 2012, d'une part, une somme de 64 068 euros qui leur avait été versée au moyen de plusieurs chèques, d'autre part, une somme de 86 700 euros qu'ils avaient perçue au moyen de virements bancaires successifs. L'administration a, par ailleurs, constaté que M. et Mme B... n'avaient pas fait mention de la somme totale de 150 768 euros ainsi perçue par eux de la SARL Ver Alu, dont ils détenaient la totalité des parts sociales, sur la déclaration de revenus souscrite au titre de l'année 2012. Dans ces conditions, et dès lors que M. et Mme B... n'avaient pu lui fournir aucun élément de nature à justifier de l'objet de ces versements, l'administration a regardé cette somme de 150 768 euros comme procédant d'une distribution de rémunérations occultes, imposables sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. Après la mise en recouvrement de l'imposition et des prélèvements sociaux résultant de la réintégration de cette somme dans leurs revenus imposables de l'année 2012, M. et Mme B... ont présenté à l'administration une réclamation, en soutenant que cette somme avait été utilisée par eux dans l'intérêt de la SARL Ver Alu. Au vu des justificatifs produits par M. et Mme B... à l'appui de cette réclamation, l'administration a admis que la somme ainsi perçue par eux avait été effectivement employée, à concurrence d'un montant de 7 910,97 euros, pour payer des charges courantes de la SARL Ver Alu. L'administration a cependant maintenu que le surplus de la somme reçue de cette société par M. et Mme B... au cours de l'année 2012, soit 142 857 euros, procédait d'une distribution de rémunérations occultes imposables entre leurs mains sur le fondement des dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts.
5. M. et Mme B..., qui ne contestent pas avoir effectivement appréhendé la somme de 142 857 euros, soutiennent qu'elle avait également pour objet, dans une situation dans laquelle la SARL Ver Alu, placée depuis en procédure de liquidation judiciaire, rencontrait des difficultés financières et était privée de moyens de paiement, de leur permettre de payer les salaires et autres charges courantes qui incombaient à celle-ci. M. et Mme B... ont produit, en cause d'appel, plusieurs tableaux, qui dressent, pour chacun des mois de l'année 2012, un état des dépenses exposées, sur son compte bancaire personnel, par M. B... et qui isolent, parmi ces dépenses, celles qui correspondraient à des charges courantes de la SARL Ver Alu. Toutefois, ces documents, qui apparaissent d'ailleurs avoir été établis par les appelants eux-mêmes, ne sont appuyés que par des extraits de relevés de comptes bancaires dont les mentions, en particulier le libellé des opérations qu'ils retracent, soit semblent correspondre, eu égard au bénéficiaire des paiements, tels des enseignes de magasins de grande surface, des hôtels ou des gestionnaires d'autoroute ou de transports publics, et à leur montant, à des dépenses de la vie courante, soit font référence, sans précision, à un numéro de chèque. En conséquence, ces documents ne permettent pas, même rapprochés des quelques factures non nominatives produites, d'établir un quelconque lien entre les dépenses ainsi désignées et la SARL Ver Alu. Par suite, ces éléments ne sont pas, par eux-mêmes, de nature à permettre à M. et Mme B... de corroborer leurs allégations quant à l'emploi de tout ou partie de la somme de 142 857 euros regardée par l'administration comme constituant des rémunérations ou avantages occultes imposables entre leurs mains.
6. Dans le dernier état de leurs écritures, M. et Mme B... se prévalent des énonciations du rapport, mentionné au point 2, déposé par l'expert désigné par le juge judiciaire avec pour mission d'identifier celles des dépenses exposées par M. B... au titre de l'année 2012 qui auraient été engagées dans l'intérêt de la SARL Ver Alu. Il ressort de ce rapport, d'une part, que l'expert n'a pu obtenir la communication, de la part de l'expert-comptable de la SARL Ver Alu, que de documents comptables incomplets et n'ayant fait l'objet d'aucune clôture en bonne et due forme, de sorte que leur caractère probant s'en trouve notablement amoindri, d'autre part, que l'expert a, de ce fait, forgé son appréciation à partir des tableaux, mentionnés au point précédent, des relevés des deux comptes bancaires de M. et Mme B..., ainsi que de pièces justificatives qui lui ont été fournies. Il ressort du tableau de synthèse joint en annexe 7 au rapport d'expertise, éclairé par les éléments d'appréciation exposés par l'expert en page 55 de ce rapport, qu'un rapprochement des deux relevés de compte bancaire fournis par M. B... pour l'année d'imposition en litige avec les pièces justificatives communiquées à l'expert, a permis à celui-ci de relever que les dépenses effectuées par l'intéressé à hauteur de la somme de 74 094,85 euros, à partir du premier de ces comptes bancaires, et de la somme de 20 539,34 euros, à partir du second de ces comptes bancaires, soit à concurrence d'une somme totale de 94 634,19 euros, étaient appuyées de justificatifs permettant de retenir qu'elles avaient été exposées dans l'intérêt de la SARL Ver Alu, cette somme incluant notamment, selon le tableau annexé au rapport de l'expert, une somme totale de 10 888,62 euros correspondant à des retraits, effectués au cours de l'année 2012 en espèces, et ayant été exposés dans l'intérêt de la société afin, notamment, de verser des acomptes à des salariés. L'expert relève, par ailleurs, qu'il n'a pas été justifié par M. B... que les autres retraits effectués en espèces au cours de la même année auraient été exposés dans l'intérêt de l'entreprise. Ce rapport d'expertise, qui, contrairement à ce que fait valoir le ministre, est ainsi suffisamment précis et étayé et dont les appréciations ne font pas l'objet d'une contestation argumentée, constitue un élément de l'instruction de nature à éclairer la cour dans son appréciation. La somme de 94 634,19 euros que l'expert a identifiée comme ayant été exposée par M. B... dans l'intérêt de la SARL Ver Alu, au cours de l'année d'imposition en litige, doit cependant être regardée comme incluant nécessairement celle de 7 910,97 euros, regardée par l'administration comme correspondant à des dépenses dont l'engagement, au cours de la même année, dans l'intérêt de la société était justifié. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que M. et Mme B..., en s'appuyant sur les conclusions du rapport de l'expert, établissent que la somme de 142 857 euros que l'administration a réintégrée dans leurs revenus imposables de l'année 2012 comme correspondant à des rémunérations ou avantages occultes, a été perçue par eux, à concurrence d'un montant de 86 723,22 euros, afin de faire face aux dépenses courantes de la SARL Ver Alu dont ils étaient les associés. Dès lors, M. et Mme B... sont fondés à demander la réduction, à concurrence de cette somme de 86 723,22 euros, de la base imposable qui leur a été assignée au titre de l'année 2012. Ils sont également fondés, dans la limite de la somme de 67 468 euros sur laquelle porte leurs conclusions d'appel, à obtenir la décharge, en droits et pénalités, de la différence entre la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 et ceux résultant de la réduction de base ainsi définie.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... sont seulement fondés, dans la mesure de la réduction de base et dans la limite fixées au point précédent, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2012. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La base d'imposition assignée à M. et Mme B... au titre de l'année 2012 est réduite de la somme de 86 723,22 euros.
Article 2 : M. et Mme B... sont déchargés, en droits et pénalités, dans la limite de la somme de 67 468 euros, de la différence entre la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2012 et les montants résultant de la réduction de base définie à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement n° 1501711 du 8 février 2018 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme B... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... B... et au ministre délégué chargé des comptes publics.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
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N°18DA00692