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22/10/2020 | FRANCE | N°20DA00370

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 22 octobre 2020, 20DA00370


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 11 septembre 2018 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Il demandait également qu'il soit enjoint sous astreinte à ladite autorité administrative de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa sit

uation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 11 septembre 2018 par lequel le préfet du Nord a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Il demandait également qu'il soit enjoint sous astreinte à ladite autorité administrative de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Par un jugement n° 1905295 du 18 septembre 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 février 2020, M. D..., représenté par Me B... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 11 septembre 2018 par lesquels le préfet du Nord lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... D..., né le 2 avril 1984, de nationalité serbe, est entré en France en 2010 selon ses déclarations. Il a obtenu une carte de séjour temporaire au titre de la vie privée et familiale, en raison de son état de santé, à compter du 21 mai 2012, ce titre étant régulièrement renouvelé jusqu'au 14 décembre 2017. Le 27 octobre 2017, il a sollicité le renouvellement de ce titre. Le préfet du Nord a rejeté sa demande par un arrêté du 11 septembre 2018, portant également obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de destination. M. D... relève appel du jugement du 18 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté ses demandes tendant, à ce que cet arrêté soit annulé et à ce qu'il soit enjoint au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :/ (...) / 11°) A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ". La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires, doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, la possibilité de bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

3. En l'espèce, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé dans son avis du 17 avril 2018 que M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour remettre en cause cet avis, l'intéressé a notamment produit des certificats du 17 octobre 2016 et du 26 septembre 2017 du psychiatre qui le suit régulièrement attestant qu'il bénéficie de protocoles thérapeutiques réservés aux pays très développés. En cause d'appel, il produit un nouveau certificat de ce spécialiste du 21 janvier 2020, postérieur à la décision contestée mais faisant état d'un état de santé antérieur. Ce certificat précise que la prise en charge lourde dont bénéficie l'appelant est " abordable dans les pays à haut revenus " (...) " mais plus difficile à obtenir dans des pays à revenus moyen comme la Serbie (classement de la Banque mondiale) ". Le même certificat indique que " le patient ne bénéficiera pas d'un accompagnement du handicap, comparable à celui rencontré en France ". Toutefois, il ressort des pièces du dossier de première instance que le préfet s'est fondé, outre sur l'avis de l'office français de l'immigration et de l'intégration sur des éléments démontrant que des traitements dont il n'est pas établi qu'il n'aurait pas les mêmes principes actifs que ceux prescrits à l'appelant sont disponibles en Serbie et que ce pays dispose de services psychiatriques répartis sur l'ensemble du territoire. Si en cause d'appel, l'appelant soutient que, du fait de son appartenance à la communauté rom, il n'a pas pleinement accès à un traitement en Serbie, il se borne à se fonder sur des rapports datant de 2012 et de 2016 de l'organisation suisse d'aide aux réfugiés qui indiquent de manière générale que les personnes d'origine rom ont des difficultés d'accès au système de santé. Ces rapports indiquent néanmoins que les coûts de soins sont pris en charge par l'assurance maladie et que les autorités serbes visent à faciliter l'accès au système de santé de la communauté rom, même si celle-ci pâtit de son manque d'information et de l'absence de documents d'identité ainsi que de domicile permanent. Ces éléments ne suffisent pas à démontrer que M. D... n'aurait pas personnellement accès à un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. Par ailleurs, pour apprécier la possibilité effective d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'étranger, l'autorité administrative, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir doit prendre en compte l'origine traumatique de l'état de santé en relation avec le pays d'origine. En l'espèce, si parmi les certificats médicaux produits, ceux des 4 février 2013, 18 octobre 2018 et du 16 janvier 2019 font état du syndrome post traumatique dont souffre M. D... avec une " reviviscence de faits de guerre " ou en lien avec une crainte de retour dans son pays, l'appelant qui n'apporte aucune précision sur les événements qu'il a vécu dans son pays d'origine, et alors qu'il est habituellement considéré que la période de guerre dans les Balkans a pris fin en 2001, année où l'intéressé a eu dix-sept ans, n'établit pas le lien direct entre son pays d'origine et les affections dont il souffre. Il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 qu'il n'est pas établi que M. D... ne peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit donc être écarté.

5. M. D... fait également valoir qu'il réside en France depuis plus de huit ans, est père de deux enfants nés et scolarisés en France. Toutefois sa compagne et mère de ses enfants ne dispose pas d'un titre de séjour. Rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer dans le pays d'origine de M. D... ou le cas échéant de sa compagne, les enfants étant âgés de cinq et six ans et étant scolarisés en moyenne et en grande section de maternelle. L'appelant fait aussi valoir que ses parents et son frère résident régulièrement en France mais n'apporte aucune pièce sur l'intensité de ses liens avec ceux-ci. Il ne fait valoir aucun autre élément sur son insertion sur le territoire français, alors qu'il a vécu habituellement dans son pays jusqu'à l'âge de vingt-six ans. Par suite, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peuvent qu'être écartés. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille par le jugement contesté a rejeté sa demande d'annulation de la décision du préfet du Nord lui refusant un titre de séjour.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

6. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 5 que le moyen tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour, base légale de l'obligation de quitter le territoire, ne peut qu'être écarté.

7. Il résulte également de ce qui a été dit aux points 3 et 4 que le moyen tiré de la violation des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que le moyen tiré de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, base légale de la décision fixant le pays de renvoi, ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête, y compris ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00370
Date de la décision : 22/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Borot
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SEBBANE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-10-22;20da00370 ?
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