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15/10/2020 | FRANCE | N°18DA01341

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 15 octobre 2020, 18DA01341


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011, soit la somme totale de 22 191 euros, et de lui accorder le remboursement de cette somme, assortie d'intérêts au taux de 4,80 % l'an à compter du 20 novembre 2015.

Par un jugement n° 1600663 du 24 mai 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédur

e devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrée les 2 juillet 2018, 3 ja...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011, soit la somme totale de 22 191 euros, et de lui accorder le remboursement de cette somme, assortie d'intérêts au taux de 4,80 % l'an à compter du 20 novembre 2015.

Par un jugement n° 1600663 du 24 mai 2018, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrée les 2 juillet 2018, 3 janvier 2019 et 29 juillet 2020, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2011, soit la somme totale de 22 191 euros, et de lui accorder le remboursement de cette somme, assortie d'intérêts au taux de 4,80 % l'an à compter du 20 novembre 2015.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... B..., première conseillère,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... exerce la profession de chirurgien-dentiste. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration a notamment relevé qu'il n'avait pas déclaré la somme de 56 000 euros, perçue lors de remplacements qu'il avait effectués pour l'un de ses confrères, et que celle-ci devait être réintégrée dans ses revenus imposables au titre de l'année 2011, dans la catégorie des traitements et salaires. Les rehaussements envisagés ont été portés à la connaissance de M. C... par deux propositions de rectification successives, en date du 9 décembre 2014 et du 10 mars 2015. Le service a rejeté les observations formulées par le contribuable à la suite de cette dernière proposition de rectification. M. C... relève appel du jugement du 24 mai 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales, assorties de pénalités, auxquelles il a, en conséquence, été assujetti au titre de l'année 2011.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

3. En application de ces dispositions, il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure de redressement mise en oeuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus de tiers afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition. Elle n'est toutefois tenue à cette obligation qu'en ce qui concerne ceux des renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour établir les impositions et notamment ceux dont elle s'est prévalue au cours de la procédure de redressement, y compris dans la réponse aux observations du contribuable.

4. Il résulte de l'instruction, d'une part, que la proposition de rectification adressée à M. C... le 10 mars 2015 mentionnait que, pour rehausser le revenu imposable de l'intéressé, dans la catégorie des traitements et salaires, l'administration s'est fondée sur les énonciations des contrats de travail établis les 24 janvier 2011, 23 mai 2011 et 26 septembre 2011, en vertu desquels le contribuable avait effectué des remplacements pour un autre chirurgien-dentiste, et sur le relevé du compte 62261 figurant dans la comptabilité de ce dernier, dont les écritures faisaient apparaître le paiement à M. C... de la somme totale de 56 000 euros. La proposition de rectification du 10 mars 2015 précisait, en outre, que ces documents avaient été obtenus par l'administration à l'occasion d'une vérification de la comptabilité de ce confrère. Par une lettre du 14 avril 2015, le service a fait parvenir à M. C..., avant la mise en recouvrement des impositions en litige, la copie de ces documents et de l'avis de vérification qui avait été adressé à son confrère le 28 août 2014. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification du 10 mars 2015, que le rehaussement serait fondé sur d'autres éléments non communiquées à M. C..., notamment sur la déclaration annuelle des salaires établie par son confrère. Par suite, alors même que la précédente proposition de rectification adressée au contribuable, en date du 9 décembre 2014, ne comportait aucune indication sur l'origine des éléments utilisés par l'administration, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré des conditions d'obtention par l'administration des documents sur lesquels est fondé le rehaussement de ses revenus imposables dans la catégorie " traitements et salaires " :

5. L'appréciation portée par la juridiction administrative sur la régularité de la vérification de comptabilité suivie à l'égard de l'employeur d'un contribuable, au cours de laquelle le service a recueilli des éléments sur lesquels il s'est fondé pour rehausser les bases d'imposition à l'impôt sur le revenu de ce contribuable, est, par elle-même, sans influence sur la régularité de la procédure d'imposition distincte diligentée à l'égard de ce dernier. Il en va de même des illégalités susceptibles d'entacher le bien-fondé des impositions mises à la charge de l'employeur du contribuable. M. C..., qui n'établit pas, ni même n'allègue, que la vérification de la comptabilité du confrère pour lequel il avait effectué des remplacements, en tant qu'elle portait sur l'année 2011, aurait en réalité eu pour seul but le rehaussement de ses propres bases d'imposition, ne peut, dès lors, utilement se prévaloir de l'irrégularité éventuelle de cette vérification de comptabilité, ni invoquer l'expiration du délai de reprise par l'administration des impositions dues par ce confrère.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la prescription :

6. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / (...) ". Aux termes de l'article L. 189 de ce livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de redressement (...) ". L'article L. 57 du même livre prévoit que la proposition de rectification que l'administration adresse au contribuable " doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ".

7. Pour produire un effet interruptif de prescription en application des dispositions précitées de l'article 189 du livre des procédures fiscales, une proposition de rectification doit répondre aux exigences de motivation prescrites par les dispositions de l'article L. 57 de ce même livre.

8. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification, initiale, adressée à M. C... le 9 décembre 2014 indiquait la catégorie d'impôt en cause, l'année d'imposition ainsi que la nature et le montant du rehaussement envisagé en énonçant qu'il s'agissait d'une somme non déclarée de 56 000 euros perçue par le contribuable, en 2011, en vertu d'un contrat de travail signé le 24 janvier 2011 avec un confrère clairement identifié, et imposable dans la catégorie des traitements et salaires sur le fondement des dispositions de l'article 79 du code général des impôts. Ces mentions étaient suffisamment explicites pour permettre à M. C... d'engager une discussion contradictoire avec l'administration et de présenter utilement ses observations. La proposition de rectification du 9 décembre 2014, qui satisfaisait à l'exigence de motivation prescrite par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, était par suite de nature à interrompre la prescription pour l'année 2011 en matière d'impôt sur le revenu. La circonstance que cette proposition de rectification ne mentionnait pas l'origine des informations utilisées par l'administration pour fonder le rehaussement et ne donnait pas d'autres précisions sur la teneur des pièces dont elles étaient issues, alors qu'en vertu des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, le contribuable doit être informé sur ces deux points pour lui permettre de demander à l'administration, avant la mise en recouvrement, une copie des éléments obtenus de tiers sur lesquels sont fondés les rehaussements, n'est pas de nature à caractériser une insuffisance de motivation de la proposition de rectification.

En ce qui concerne les rehaussements des revenus imposables de M. C... :

9. Aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ". Aux termes de l'article 79 du même code : " Les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères concourent à la formation du revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu. / (...) ".

10. L'administration, qui a remis en cause le montant des revenus déclarés par M. C..., supporte la charge la preuve du bien-fondé des redressements en litige dès lors que celui-ci n'a pas accepté, dans les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, les rehaussements envisagés dans la proposition de rectification du 10 mars 2015.

11. Pour rehausser le revenu imposable de M. C... au titre de l'année 2011, dans la catégorie des traitements et salaires, le service s'est fondé sur les contrats de travail conclus entre l'intéressé et son confrère en vue du remplacement de ce dernier durant les périodes, notamment, du 7 février au 30 avril 2011 et du 22 août au 19 décembre 2011, et sur l'extrait du compte de charges 62261 de l'exercice clos par ce dernier en 2011, enregistrant au titre des " honoraires rétrocédés " à l'intéressé, d'un montant total de 56 000 euros, plusieurs écritures correspondant à des paiements par chèque en mai, juin, octobre, novembre et décembre de cette année, et une écriture, intitulée " paiement perso ", passée en décembre 2011.

12. En premier lieu, il résulte de l'avis de vérification adressé à ce chirurgien-dentiste le 28 août 2014, produit par M. C..., que la vérification de comptabilité, engagée au cours de l'année 2014, à l'occasion de laquelle l'administration a obtenu les documents susmentionnés, portait sur la période du 1er janvier 2011 au 31 janvier 2013. Si M. C... fait valoir qu'en qualité de membre d'un organisme de gestion agréé, son confrère devait en principe bénéficier des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales qui, dans leur rédaction alors en vigueur, réduisaient dans cette hypothèse à deux ans le droit de reprise de l'administration en matière d'impôt sur le revenu, ces mêmes dispositions étaient seulement susceptibles, ainsi d'ailleurs que le mentionne l'avis de vérification du 28 août 2014, de faire obstacle à ce qu'une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu soit mise à la charge de ce dernier au titre de l'année 2011 à l'issue du contrôle diligenté en 2014. Par ailleurs, les documents considérés consistaient en un extrait de la comptabilité vérifiée et des pièces justificatives, visées par l'article 54 du code général des impôts, devant être présentées au vérificateur par le confrère de M. C... à l'appui de sa comptabilité. Ainsi, quelles que soient les conséquences de l'éventuelle irrégularité de la procédure d'imposition conduite à l'égard d'un tiers sur la possibilité pour l'administration de se prévaloir à l'encontre d'un contribuable des documents obtenus dans le cadre de cette procédure, M. C... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que les contrats de travail et l'extrait de la comptabilité de son confrère ne lui étaient pas opposables.

13. En deuxième lieu, les éléments réunis par l'administration, mentionnés au point 11, permettent d'établir le versement à M. C..., par son confrère, de la somme de 56 000 euros, dès lors que le requérant n'apporte, pour sa part, aucun élément concret de nature à faire apparaître qu'il n'aurait pas effectivement disposé de cette somme au cours de l'année 2011.

14. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de ce que la somme considérée a été effectivement perçue par le requérant au cours de l'année durant l'année d'imposition et qu'elle a, par suite, à bon droit, procédé à sa réintégration dans le revenu imposable de M. C....

15. En troisième et dernier lieu, et à supposer que le requérant ait réellement entendu contester le bien-fondé des impositions mises à sa charge au titre de l'année 2011 dans la catégorie des revenus fonciers, la contestation par M. C... des rehaussements relatifs aux revenus fonciers n'est assortie d'aucun moyen.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à la décharge et au remboursement, assorti d'intérêts, des impositions contestées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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No18DA01341


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01341
Date de la décision : 15/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Généralités.

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Questions communes - Divers.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Traitements - salaires et rentes viagères.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: Mme Dominique Bureau
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SCP BEJIN CAMUS BELOT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-10-15;18da01341 ?
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