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06/10/2020 | FRANCE | N°20DA00007

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 06 octobre 2020, 20DA00007


Vu les autres pièces du dossier et, notamment, les pièces complémentaires enregistrées le 10 mars 2020 pour M. E....

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer

des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le r...

Vu les autres pièces du dossier et, notamment, les pièces complémentaires enregistrées le 10 mars 2020 pour M. E....

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... C..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant de la République démocratique du Congo, né le 20 décembre 1990, a déclaré être entré en France le 1er février 2016. Le 2 mai 2018, il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision du 29 novembre 2018 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 10 mai 2019 de la Cour nationale du droit d'asile. Il relève appel du jugement du 3 septembre 2019 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 juin 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi de cette mesure.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En vertu des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les décisions individuelles défavorables doivent comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement. La décision portant obligation de quitter le territoire français vise notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle expose les circonstances de fait relatives à la situation de M. E... quant à son entrée irrégulière sur le territoire français, aux conditions de son séjour en France, à sa demande d'asile, et à la circonstance qu'il conserve des attaches familiales dans son pays d'origine. Ainsi, et alors même que ces motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, ladite décision répond aux exigences de motivation posées par l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

3. Le droit d'être entendu, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des principes généraux du droit de l'Union européenne, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision d'éloignement, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. En outre, selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne C-383/13 PPU du 10 septembre 2013, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision défavorable est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.

4. Dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ont été définitivement refusés à l'étranger, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. L'étranger qui présente une demande d'asile ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra, si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui ont été refusés, faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur à la préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié. Il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est d'ailleurs pas allégué par M. E..., qu'il aurait sollicité en vain un entretien auprès des services préfectoraux, ni qu'il ait été empêché de présenter spontanément des observations avant que ne soit prise la décision d'éloignement en litige assortie d'un délai de trente jours. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit à être entendu doit être écarté.

5. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ".

6. Il résulte de l'ensemble des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 et des articles R. 511-1 et R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que, dès lors qu'il dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet doit, lorsqu'il envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E... ait transmis aux services de la préfecture les pièces médicales relatives à son suivi pour stress post-traumatique causé par les événements ayant eu lieu en République démocratique du Congo. S'il a produit, devant la Cour nationale du droit d'asile, deux certificat médicaux, dont l'un fait état de lésions cicatricielles et l'autre d'un état de stress post-traumatique, ces éléments ne permettaient pas de présumer que la mesure d'éloignement serait susceptible d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de M. E..., qui n'a, au demeurant, jamais sollicité de titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Maritime n'était pas tenu de saisir le collège des médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, avant de prendre la décision du 6 juin 2019 portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté.

8. Il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté en litige, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. E... avant de prendre la décision contestée. Dès lors, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation particulière de l'intéressé doit être écarté.

9. Il ressort des pièces du dossier que M. E... bénéficie d'un suivi au sein d'un service de psychiatrie et d'un suivi au sein du service d'hépato-gastroentérologie. Il déclare également être porteur du virus de l'hépatite B. Si les pièces médicales versées au dossier font état d'un suivi médical régulier et de la nécessité pour le requérant de suivre un traitement médicamenteux composé notamment d'antidépresseurs, aucune d'entre elles ne permet de démontrer l'indisponibilité du traitement approprié aux pathologies de M. E... dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

10. La décision attaquée vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel elle se fonde. En outre, elle précise la nationalité de M. E... et énonce que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

11. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée.

13. M. E..., dont la demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 29 novembre 2018, confirmée par une décision du 10 mai 2019 de la Cour nationale du droit d'asile, n'apporte aucun élément actuel et personnel de nature à établir les risques qu'il encourrait en cas de retour en République démocratique du Congo. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

N°20DA00007 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00007
Date de la décision : 06/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Anne Seulin
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : SELARL EDEN AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-10-06;20da00007 ?
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