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06/10/2020 | FRANCE | N°19DA01726

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 06 octobre 2020, 19DA01726


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 18 février 2019 du préfet de l'Eure refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n° 1900910 du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet de l'Eure de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " v

ie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 18 février 2019 du préfet de l'Eure refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n° 1900910 du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Rouen a fait droit à sa demande et a enjoint au préfet de l'Eure de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 juillet 2019 et le 18 mai 2020, le préfet de l'Eure demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Rouen.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Muriel Milard, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 13 mai 1970, entrée en France le 23 novembre 2011, a demandé le 9 janvier 2012 son admission au séjour en qualité d'étranger malade sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle s'est vue délivrer sur ce fondement une carte de séjour temporaire qui lui a été renouvelée jusqu'en 2017. Elle a demandé, le 17 janvier 2018, le renouvellement de son titre de séjour sur le même fondement. Par un arrêté du 18 février 2019, le préfet de l'Eure a refusé à Mme B... le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure. Le préfet de l'Eure relève appel du jugement du 5 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté. Mme B... demande également, par la voie de l'appel incident, l'annulation du même jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'injonction d'une carte de résident portant la mention " longue durée UE ".

Sur l'appel principal :

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

3. Pour annuler l'arrêté du 18 février 2019, les premiers juges ont estimé que Mme B... établissait par les éléments médicaux qu'elle produisait, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie médicale et que les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avaient été méconnues. Le préfet de l'Eure soutient que les seuls éléments médicaux produits, non circonstanciés, par l'intéressée ne sont pas de nature à infirmer l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII et que le traitement du glaucome est disponible en République démocratique du Congo. L'avis émis le 14 septembre 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précise que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont elle est originaire, elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressée souffre d'un diabète et d'hypertension et présente également aux deux yeux un glaucome chronique à angle ouvert évolué, ainsi que cela ressort d'un certificat médical établi le 14 mars 2018 par un praticien hospitalier spécialisé de l'hôpital universitaire de la Pitié Salpêtrière de Paris. Il ressort également de l'attestation médicale de deux médecins ophtalmologistes de l'hôpital Saint-Joseph à Kinshasa/Limete en République démocratique du Congo du 15 février 2011 produite par la requérante que l'intéressée souffre d'une pathologie oculaire qui requiert un traitement dans un milieu plus spécialisé à l'étranger. Cet état de fait est d'ailleurs corroboré par le même praticien hospitalier de la Pitié-Salpêtrière de Paris dans un autre certificat médical du 22 février 2019 qui, bien qu'établi postérieurement à la décision en litige, reprend des éléments de fait mentionnés précédemment, qui précise que le glaucome chronique à angle ouvert évolué dont souffre l'intéressée présente un caractère non contrôlé menaçant de cécité et que l'absence de traitement adapté dans un centre spécialisé des maladies rares tel que le service d'ophtalmologie de l'hôpital, aurait des conséquences fonctionnelles graves ophtalmiques pour Mme B.... En outre, si le préfet de l'Eure soutient que la pathologie ophtalmique de l'intéressée se soigne en première intention par des bétabloquants et des analogues de prostaglandines disponibles en République démocratique du Congo, ces seuls éléments ne permettent pas d'établir que Mme B... pourrait disposer de l'ensemble des soins nécessaires que requiert son état de santé dans son pays d'origine. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que c'est à bon droit que les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour annuler l'arrêté du 18 février 2019 contesté.

Sur l'appel incident de Mme B... :

5. Aux termes de l'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Une carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE " est délivrée de plein droit à l'étranger qui justifie : / 1° D'une résidence régulière ininterrompue d'au moins cinq ans en France au titre de l'une des cartes de séjour temporaires ou pluriannuelles ou de l'une des cartes de résident prévues au présent code, à l'exception de celles délivrées sur le fondement des articles L. 313-7, L. 313-7-1, L. 313-7-2 ou L. 313-13, du 3° de l'article L. 313-20, des articles L. 313-23, L. 316-1 ou L. 317-1 ou du 8° de l'article L. 314-11 (...). / 2° De ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses besoins. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance. Sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles ainsi qu'aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L.5423-3 du code du travail. La condition prévue au présent 2° n'est pas applicable lorsque la personne qui demande la carte de résident est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ; / 3° D'une assurance maladie (...) ".

6. Mme B... demande l'annulation du jugement du 5 juillet 2019 du tribunal administratif de Rouen en tant qu'après avoir fait droit à sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 février 2019, il a seulement enjoint au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois et rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à ce que le préfet lui délivre une carte de résident portant la mention " longue durée UE ". Toutefois, il ressort de l'arrêté contesté que Mme B... n'a pas sollicité la délivrance d'une carte de résident portant la mention " longue durée UE " mais seulement le renouvellement du titre de séjour qui lui avait été délivré sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet n'étant pas tenu d'examiner une demande de titre de séjour sur un autre fondement que celui demandé, par suite, eu égard au motif d'annulation de cet arrêté retenu à bon droit par les premiers juges, celui-ci impliquait seulement la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il en résulte que les conclusions incidentes présentées par Mme B... doivent être rejetées.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Eure n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 18 février 2019 attaqué, tandis que l'appel incident de Mme B... doit être rejeté.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à Me A... au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me A... renonce à la part contributive de l'Etat.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Eure est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de Mme B... sont rejetées.

Article 3 : L'Etat versera à Me A... la somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

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N°19DA01726


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01726
Date de la décision : 06/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Seulin
Rapporteur ?: Mme Muriel Milard
Rapporteur public ?: M. Baillard
Avocat(s) : PAULHAC

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-10-06;19da01726 ?
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