Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 4 mars 2016 par laquelle le centre hospitalier de Clermont-de-l'Oise a prononcé son licenciement pour faute grave et insuffisance professionnelle et de condamner le centre hospitalier de Clermont-de-l'Oise à lui verser la somme totale de 31 134,31 euros en réparation de ses préjudices, assortie des intérêts au taux légal.
Par un jugement n° 1601108 du 11 mai 2018, le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision du 4 mars 2016 et a rejeté les conclusions indemnitaires.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2020, M. C..., représenté par Me F... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Clermont-de-l'Oise à lui verser la somme totale de 36 134,31 euros en indemnisation de l'ensemble des préjudices subis ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Clermont-de-l'Oise la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A... D..., présidente de chambre,
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,
- et les observations de Me F... B..., représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. E... C... a été recruté par le centre hospitalier de Clermont-de-l'Oise à compter du 3 avril 2012, d'abord par contrats à durée déterminée successivement renouvelés, puis a conclu le 29 mars 2013 un contrat à durée indéterminée en qualité d'agent d'entretien qualifié. Par une décision du 4 mars 2016, la directrice du centre hospitalier de Clermont-de-l'Oise a prononcé son licenciement pour faute grave et insuffisance professionnelle à compter du 1er avril 2016. M. C... relève appel du jugement du 11 mai 2018 par lequel le tribunal administratif d'Amiens, après avoir annulé cette décision pour défaut de motivation, a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. " Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l'autorité compétente vaut décision de rejet. Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d'un délai de deux mois à compter du jour de l'expiration de la période mentionnée au premier alinéa. Néanmoins, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi. La date du dépôt de la réclamation à l'administration, constatée par tous moyens, doit être établie à l'appui de la requête. ".
3. Il résulte de l'instruction que les premiers juges ont rejeté les conclusions indemnitaires et pécuniaires de M. C... au motif qu'il n'apportait pas la preuve du dépôt de sa demande indemnitaire préalable adressée au centre hospitalier de Clermont-de-l'Oise. Toutefois, M. C... justifie en appel avoir présenté au centre hospitalier, par courrier du 26 avril 2016 adressé par lettre recommandée avec accusé de réception, une réclamation tendant au versement d'une indemnité réparant les préjudices subis en raison du licenciement illégal prononcé à son encontre. Cette réclamation a donné lieu, avant que les premiers juges ne statuent, à une décision implicite de rejet. Par suite, et dès lors qu'il est loisible au requérant d'apporter pour la première fois en appel la preuve des diligences effectuées pour lier le contentieux indemnitaire avant la saisine du tribunal, M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande comme irrecevable.
4. Il y a lieu, dans ces conditions, pour la cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif d'Amiens.
Sur les conclusions indemnitaires et pécuniaires :
5. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction.
6. Par son jugement n° 1601108 en date du 11 mai 2018, le tribunal administratif d'Amiens a annulé pour insuffisance de motivation la décision du 4 mars 2016 prononçant le licenciement de M. C... pour faute grave et insuffisance professionnelle. Il résulte de l'instruction que M. C... a été licencié pour avoir été l'auteur de dégradations et pour avoir refusé de transporter seul un patient, depuis le centre hospitalier, vers les urgences, alors qu'il avait été recruté comme agent d'entretien qualifié et qu'une telle mission ne relevait pas de ses attributions. Ces faits ne sont pas contredits par le centre hospitalier de Clermont-de-l'Oise, qui n'a pas produit de mémoire en défense expliquant les motifs pour lesquels M. C... avait été licencié, alors que ce dernier conteste aussi avoir été l'auteur de dégradations. L'illégalité tirée du défaut de motivation présente ainsi, dans les circonstances particulières de l'espèce, un lien direct de causalité avec le préjudice de perte de revenus et le préjudice moral subis par M. C..., lequel, au demeurant, ne demande pas à être réintégré.
7. Il résulte de l'instruction que M. C... percevait une rémunération mensuelle nette égale à 1 366 euros sur les trois derniers mois précédant son licenciement. A la suite de son licenciement prenant effet au 1er avril 2016, il a perçu des allocations de retour à l'emploi à compter du 12 avril 2016 jusqu'au mois d'octobre 2017, pour un montant total de 15 725,42 euros. M. C... n'ayant pas demandé à être réintégré, la période à prendre en compte pour le calcul de l'indemnisation au titre de la perte de revenus court du 1er avril 2016 jusqu'au 11 mai 2018, date du jugement du tribunal administratif d'Amiens, soit vingt-quatre mois et demi de salaire.
8. Dans ces conditions, il sera fait une exacte appréciation du préjudice correspondant à la perte de revenus de M. C... en l'évaluant à la somme totale de 33 467 euros, dont il convient de déduire 15 725,42 euros au titre des allocations de retour à l'emploi perçues par l'intéressé, soit un solde de 17 741,58 euros. Il y a donc lieu de condamner le centre hospitalier de Clermont-de-l'Oise à verser à M. C... une indemnité de 17 741,58 euros au titre de la perte de revenus, à laquelle il convient d'ajouter la somme de 3 000 euros au titre du préjudice moral subi par l'intéressé, soit une indemnité totale de 20 741,58 euros.
9. S'agissant des autres demandes de l'intéressé, l'annulation de la décision d'éviction illégale d'un agent public implique que la décision de licenciement n'est jamais intervenue. Dès lors, les conclusions présentées par M. C... tendant à ce qu'il lui soit versé une indemnité de licenciement, ainsi qu'une indemnité réparant le non-respect par le centre hospitalier de la durée de préavis d'un licenciement réputé n'être jamais intervenu, ne peuvent qu'être rejetées.
10. M. C... soutient également que le centre hospitalier de Clermont-de-l'Oise lui serait redevable d'une somme de 286,65 euros au titre de congés payés qu'il n'aurait pas pu prendre du fait de son licenciement illégal. Toutefois, il n'établit, ni même n'allègue n'avoir pu bénéficier de ses jours de congés dans le cadre de son contrat, du fait de l'administration. Dès lors, les conclusions tendant à ce qu'il lui soit versé une indemnité compensatrice de congés ne peuvent qu'être rejetées.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à demander la condamnation du centre hospitalier de Clermont-de-l'Oise à lui verser la somme totale de 20 741,58 euros.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge du centre hospitalier de Clermont-de-l'Oise le versement à M. C... d'une somme de 1 500 euros.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1601108 du 11 mai 2018 du tribunal administratif d'Amiens est annulé.
Article 2 : Le centre hospitalier de Clermont-de-l'Oise est condamné à verser à M. C... la somme de 20 741,58 euros.
Article 3 : Le centre hospitalier interdépartemental de Clermont-de-l'Oise versera à M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
N°18DA01387 2