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17/09/2020 | FRANCE | N°19DA01573

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 septembre 2020, 19DA01573


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, à hauteur, pour ces deux années, des sommes respectives de 8 690 euros et de 91 772 euros.

Par un jugement n° 1700865 du 10 mai 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête e

t un mémoire, enregistrés le 9 juillet 2019 et le 20 novembre 2019, M. A..., représenté par Me C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui lui ont été assignées au titre des années 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, à hauteur, pour ces deux années, des sommes respectives de 8 690 euros et de 91 772 euros.

Par un jugement n° 1700865 du 10 mai 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 juillet 2019 et le 20 novembre 2019, M. A..., représenté par Me C... et Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa demande tendant à être déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu à hauteur de la somme de 47 898 euros en droits, de l'intérêt de retard à hauteur de 5 556 euros et de la majoration de 80 % des droits d'un montant de 38 318 euros mis à sa charge au titre de l'année 2010 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique, tendant à éviter les doubles impositions et à établir les règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Binand, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., a fait l'objet d'un contrôle sur pièces au titre de l'année 2009 et d'un examen contradictoire de sa situation fiscale au titre de l'année 2010. A l'issue des opérations de contrôle, l'administration lui a assigné, par une proposition de rectification du 19 novembre 2013 pour l'année 2009 et par une proposition de rectification du 6 novembre 2013 pour l'année 2010, des redressements d'impôt sur le revenu au titre de ces deux années, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, à raison de prestations d'assistance et de conseil rendues au moyen d'un établissement stable constitué en France, par la société privée à responsabilité limitée (SPRL) de droit belge EB Consulting, dont M. A... était le gérant et associé unique. Ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ont été assorties de pénalités, notamment pour activité occulte sur le fondement du c. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts. En réponse à la réclamation de M. A... contre ces redressements, qui ont été mis en recouvrement en 2014, l'administration lui a fait savoir qu'elle entendait maintenir les impositions supplémentaires en cause, en imposant toutefois les revenus concernés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et non plus dans celle des bénéfices industriels et commerciaux. M. A... relève appel du jugement du 10 mai 2019 du tribunal administratif de Lille en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2010, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur la substitution de base légale :

2. Si l'administration peut, à tout moment de la procédure, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, une telle substitution ne saurait avoir pour effet de priver le contribuable de la faculté, prévue par les articles L. 59 et L. 59 A du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction alors en vigueur, de demander la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque celle-ci est compétente pour connaître du différend relatif à une question de fait dont la solution commande le bien-fondé du nouveau motif invoqué par l'administration. Il résulte des dispositions du 4° de l'article L. 56 du livre des procédures fiscales que cette faculté, attachée à la procédure de redressement contradictoire, n'est pas applicable dans les cas de taxation ou d'évaluation d'office des bases d'imposition, sauf, comme en dispose l'article L. 76 de ce livre, lorsque le contribuable est taxé d'office en application de l'article L. 69, à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle.

3. Il résulte de l'instruction que l'administration, faisant application des dispositions du 1° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales à M. A... qui n'avait pas déposé de déclaration de revenus en dépit d'une mise demeure, a évalué d'office les bénéfices de l'année 2010 qu'elle a rehaussés initialement dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Il n'est ni établi ni même allégué que M. A... se serait trouvé dans le cas de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, prévu à l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, qui est celui des contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 de ce livre. Par suite, M. A..., qui, faute d'avoir déposé dans le délai légal ou après mise en demeure la déclaration prévue à l'article 97 du code général des impôts, entrait dans le champ d'application des dispositions du 2° de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales prévoyant dans un tel cas l'évaluation d'office des bénéfices non commerciaux, n'est pas fondé à soutenir qu'en substituant à la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux initialement retenue pour assoir l'imposition contestée, celle des bénéfices non commerciaux, l'administration l'a privé de la garantie tenant à la faculté de saisir la commission départementale des impôts directs et des chiffres d'affaires, dont il ne disposait pas à l'origine.

Sur l'application de la loi fiscale :

4. Pour imposer entre les mains de M. A... le bénéfice que la société EB Consulting a retiré des prestations d'assistance et de conseil qu'elle a rendues, l'administration s'est fondée, d'une part, sur les dispositions du 4° de l'article 8 du code général des impôts dont il résulte que, lorsque il est une personne physique, l'associé unique d'une société à responsabilité limitée est personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à ses droits dans la société, d'autre part, sur les dispositions du 2° de l'article 4 bis de ce code selon lesquelles sont passibles de l'impôt sur le revenu les personnes de nationalité française ou étrangère, ayant ou non leur domicile fiscal en France, qui recueillent des bénéfices ou revenus dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions, à savoir, en l'espèce, la convention fiscale signée le 10 mars 1964 entre la France et la Belgique. M. A... soutient, d'une part, que la société EB Consulting, par son statut et le régime fiscal auquel elle est assujettie en Belgique, n'est pas au nombre des sociétés visées au 4° de l'article 8 du code général des impôts, d'autre part, qu'en application des stipulations de cette convention, les revenus considérés ne sauraient être imposés qu'en Belgique.

5. Il appartient au juge de l'impôt, saisi d'un litige portant sur le traitement fiscal d'une opération impliquant une société de droit étranger, d'identifier dans un premier temps, au regard de l'ensemble des caractéristiques de cette société et du droit qui en régit la constitution et le fonctionnement, le type de société de droit français auquel la société de droit étranger est assimilable. Compte tenu de ces constatations, il lui revient ensuite de déterminer le régime applicable à l'opération litigieuse au regard de la loi fiscale française.

6. D'une part, les sociétés privées à responsabilité limitée (SPRL) de droit belge, dont il n'est pas contesté qu'en vertu du droit belge des sociétés le capital est divisé en parts égales, non librement cessibles, entre des associés qui ne répondent des dettes sociales qu'à concurrence de leurs apports et peut, sous certaines conditions, être réuni entre les mains d'un associé unique, doivent, pour l'application du droit français, être assimilées, à des sociétés à responsabilité limitée (SARL) dont l'associé unique est une personne physique, si tel est le cas. Si M. A..., dont il est constant qu'il est l'associé unique de la société EB Consulting, soutient que cette société doit être regardée, au regard du régime fiscal dont elle bénéficie en Belgique, comme ayant opté pour l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, il est constant qu'elle n'a ni spontanément, ni même, à l'occasion des opérations de vérification de comptabilité dont elle a fait l'objet, exercé une telle option en France. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que l'administration aurait refusé à la société EB Consulting cette possibilité d'option. Par suite l'administration était fondée, en application du 4° de l'article 8 du code général des impôts, à imposer entre les mains de M. A... le bénéfice de la société EB Consulting imposable en France.

7. D'autre part, aux termes de stipulations du 1. de l'article 7 de la convention fiscale conclue le 10 mars 1964 : " Les revenus ou profits qu'un résident d'un Etat contractant tire de l'exercice d'une profession libérale ou d'autres activités personnelles et dont le régime n'est pas spécialement fixé par les dispositions de la présente Convention ne sont imposables dans l'autre Etat contractant que si, pour l'exercice de son activité, ledit résident y dispose d'une installation fixe qu'il utilise de façon régulière. Dans cette éventualité, les revenus ou profits provenant de l'activité exercée dans ce dernier Etat ne sont imposables que dans cet Etat. ".

8. Il résulte de l'instruction que la société EB Consulting réalisait des prestations au profit d'un seul client établi en France, la société Astradec, à l'exception d'une unique prestation réalisée au profit de la société Dre à l'occasion d'une opération commerciale impliquant la société Astradec. Il résulte de la convention signée entre la société EB Consulting et la société Astradec que la réalisation de ces prestations reposait en priorité sur les compétences de M. A..., la cessation des fonctions de celui-ci emportant d'ailleurs la résiliation de cette convention. En se bornant à faire valoir que la société EB Consulting, dont le siège social est établi à l'adresse personnelle d'habitation de M. A... et qui ne compte aucun salarié, s'acquittait de ses obligations administratives en Belgique par le biais des services d'un expert-comptable, M. A..., qui supporte la charge de la preuve, en vertu des dispositions de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales et de l'article R. 194-1 de ce livre, n'apporte pas d'élément au soutien de ses allégations permettant d'établir que les prestations telles qu'elles sont décrites au point 2.1 de cette convention, en particulier celles relatives à la gestion et au management du personnel de la société Astradec, qu'il exerçait d'ailleurs antérieurement en qualité de dirigeant rémunéré, ne nécessitaient pas sa présence régulière sur place dans les locaux de cette société et en utilisant les moyens matériels de cette dernière. Il suit de là que, ainsi que les premiers juges l'ont relevé, les prestations de service effectuées par la société EB Consulting doivent être regardées comme ayant été réalisées dans une installation fixe en France, au sens des stipulations précitées de l'article 7 de la convention fiscale conclue le 10 mars 1964.

9. Il résulte de ce qui précède que l'administration était fondée à imposer entre les mains de M. A... les bénéfices que la société EB Consulting a retirés de cette activité.

Sur les pénalités :

10. Aux termes du 1. de l'article 1728 du code général des impôts : " Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. ". Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre État que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.

11. M. A... soutient que les bénéfices redressés ont été dûment déclarés et imposés en Belgique par la société EB Consulting et qu'il s'est mépris, de ce fait, sur les obligations déclaratives qui seraient susceptibles de lui incomber personnellement en France. Toutefois, en se bornant à produire une déclaration fiscale en Belgique de ses revenus de gérant de la société EB Consulting, d'un montant sensiblement inférieur aux bénéfices redressés et qu'il ne justifie pas au demeurant avoir déposée, sans apporter d'éléments relatifs à l'imposition en Belgique de la société EB consulting dont il se prévaut, le requérant n'établit pas que le manquement à ses obligations déclaratives serait constitutif d'une erreur. Par suite, l'administration était fondée à faire application dans la présente affaire des dispositions précitées de l'article 1728 du code général des impôts.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des redressements d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, qui ont été mis à sa charge, en droits et pénalités, au titre de l'année 2010. Il s'ensuit que la requête de M. A... doit être rejetée, en toutes ses conclusions, y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°19DA01573


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