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27/07/2020 | FRANCE | N°20DA00287

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 27 juillet 2020, 20DA00287


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 1er avril 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n° 1902285 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 f

évrier 2020, Mme E..., représentée par Me B... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 1er avril 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n° 1902285 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 février 2020, Mme E..., représentée par Me B... D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er avril 2019 de la préfète de la Seine-Maritime ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... A..., présidente de chambre,

- et les observations de Me B... D..., représentant Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante de la République du Congo née le 4 janvier 1992, est entrée en France le 10 octobre 2017. Le 9 février 2018, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui a été refusé par arrêté du 1er avril 2019 de la préfète de la Seine-Maritime lui faisant également obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure. Mme E... relève appel du jugement du 3 octobre 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

3. Dans son avis du 12 décembre 2018, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de Mme E... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut devrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'elle pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques de son système de santé. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressée souffre de troubles psychiatriques se traduisant par une schizophrénie. A la date de la décision attaquée, elle bénéficiait d'un traitement médicamenteux composé d'un anti-psychotique (Haldol) et d'un antiparkinsonien (Lepticur). Pour remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII, Mme E... soutient que les médicaments qu'elle prend ne sont pas disponibles dans son pays d'origine en produisant un court extrait de la sixième édition de la liste des médicaments essentiels, établie en 2013 par le ministère de la santé de la République du Congo. Toutefois, il résulte de la version intégrale de cette liste, que l'haldol et l'haloperidol, qui est la dénomination commerciale internationale de l'haldol, y figurent. L'haloperidol y figure tant sous la forme d'une solution injectable que sous la forme de comprimés. Par suite, contrairement à ce qui est soutenu par la requérante, ce médicament n'a pas été retiré de la sixième édition de la liste des médicaments disponibles en République du Congo. Si le Lepticur ou sa substance active, ne figurent pas sur cette liste, la requérante n'apporte en tout état de cause aucun élément relatif à d'éventuelles contre-indications à la substitution de ce médicament à un autre médicament de la même classe thérapeutique, alors que la mention " non substituable " ne figure sur aucun des documents médicaux produits au dossier. Enfin, les certificats médicaux se bornent à indiquer que l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut devrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité sans remettre en cause la disponibilité des traitements qu'elle suit en république du Congo. Dès lors, les documents versés à l'instance ne sont pas de nature à infirmer l'appréciation du collège des médecins du service médical de l'OFII. Par suite, Mme E... n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Mme E... est entrée en France le 10 octobre 2017. Il ressort des pièces du dossier qu'elle est célibataire et sans charge de famille en France. Elle n'établit pas avoir tissé des liens d'une particulière intensité sur le territoire français alors même que sa soeur et ses neveux et nièces y résident. En outre, l'intéressée n'est pas dépourvue d'attache familiale en république du Congo où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans et où résident ses enfants mineurs, ainsi que leur père. Enfin, elle ne démontre pas l'insertion professionnelle dont elle se prévaut. Par suite, la préfète de la Seine-Maritime n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le refus de titre de séjour n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de la requérante.

5. Mme E... a présenté une demande d'admission au séjour sur le fondement des seules dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Or, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. En application de ce principe, les moyens tirés de ce que la décision en litige méconnaîtrait les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du même code sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

6. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour, doit être écarté.

7. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) ".

8. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 3 et 4 et du présent arrêt, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision fixant le pays de destination :

9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception d'illégalité de de la décision faisant obligation à Mme E... de quitter le territoire français, doit être écarté.

10. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; / 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il établit être légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) ". Aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

11. Ainsi qu'il a été dit précédemment au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E... ne pourrait bénéficier d'un traitement médical approprié à son état de santé, en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, les moyens tirés de la violation des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions accessoires de la requérante aux fins d'injonction et celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F..., au ministre de l'intérieur et à Me B... D....

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00287
Date de la décision : 27/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Christine Courault
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : GRAVELOTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-27;20da00287 ?
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