Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner le centre hospitalier Sambre-Avesnois à lui verser une somme de 527 727,90 euros en indemnisation des préjudices subis lors de sa prise en charge le 13 octobre 2012. Dans le cadre de la même instance, la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise ainsi que la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile de France ont demandé la condamnation du centre hospitalier de Sambre-Avesnois à leur verser une somme de 164 452,17 euros au titre des débours exposés pour le compte de M. C....
Par un jugement n° 1608493 du 27 mars 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions indemnitaires de M. C... pour tardiveté et a condamné le centre hospitalier de Sambre-Avesnois à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise une somme de 42 815,70 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2018 ainsi que les arrérages échus de la pension d'invalidité versée à M. C... assortis des intérêts au taux légal à compter du 31 mai 2018 et les arrérages futurs de la pension d'invalidité au fur et à mesure de leur versement et sur justificatifs.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 mai 2019, 18 juillet 2019 et 12 septembre 2019, le centre hospitalier de Sambre-Avesnois, représenté par Me B... E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter les conclusions de première instance de la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F... D..., présidente de chambre,
- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C... né le 11 août 1965, a été victime, le 13 octobre 2012, d'un accident domestique consécutif à la chute d'une meuleuse sur le pied gauche. Il s'est alors rendu au service des urgences du centre hospitalier de Sambre-Avesnois, où une plaie sur la face interne du quart inférieur de la jambe, au-dessus de la malléole interne, a été diagnostiquée. Il a bénéficié, en ambulatoire, d'une suture de sept points non résorbables et de deux points de Vicryl. Au cours du mois d'octobre 2012, M. C... a constaté une inflammation des points de suture et un écoulement. Le 4 décembre 2012, une imagerie par résonnance magnétique a été réalisée, qui a révélé une section du tendon tibial antérieur avec rétractation des deux éléments tendineux et une brèche estimée à environ quatre centimètres. Le 6 décembre 2012, M. C... a consulté un chirurgien orthopédiste qui a immobilisé la cheville dans une orthèse afin d'éviter une aggravation de la rétractation tendineuse. Le 19 décembre 2012, au cours de l'intervention chirurgicale, ce chirurgien a constaté une section traumatique du tibial antérieur gauche à sept semaines. Par un jugement avant dire droit en date du 5 février 2014, le tribunal administratif de Lille a diligenté une expertise médicale. L'expert a remis son rapport le 20 mai 2014. M. C... a ensuite adressé une demande indemnitaire préalable au centre hospitalier de Sambre-Avesnois. Le centre hospitalier de Sambre-Avesnois interjette appel du jugement du 27 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a retenu sa responsabilité et l'a condamné à rembourser le montant des débours exposés par la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France et la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise dans le cadre de la prise en charge médicale de M. C....
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Sambre-Avesnois :
2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) ".
3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, qu'aucune exploration de la plaie en milieu chirurgical n'a été réalisée lors de la prise en charge de M. C... le 13 octobre 2012, alors qu'une telle exploration compte tenu de la nature de la plaie qui avait entraîné un jet artériel de 15 centimètres s'imposait, de sorte que la section du tendon tibial antérieur gauche que l'intéressé présentait à la suite de son accident n'a pas pu être diagnostiquée. Si le centre hospitalier de Sambre-Avesnois soutient qu'une exploration de la plaie a été réalisée puisqu'il a été relevé " absence de lésion tendineuse ", il résulte de l'instruction que la fiche de service de médecine d'urgence, qui établit la liste de l'ensemble des soins prodigués lors de l'arrivée de M. C... aux urgences, ne mentionne nullement une exploration chirurgicale. En tout état de cause, à supposer qu'une telle exploration ait eu lieu, la mention de l'absence de lésion tendineuse révèle alors une erreur de diagnostic. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la responsabilité du centre hospitalier de Sambre-Avesnois était engagée en raison de la prise en charge fautive de M. C....
4. Toutefois, en l'absence de consolidation de son état de santé à la date de l'expertise et en l'absence de toute indication dans le rapport sur les éventuelles conséquences du retard de diagnostic sur l'état de santé de M. C..., la cour n'est pas en mesure de statuer sur l'évaluation des débours exposés pour le compte de ce dernier par la caisse régionale d'assurance maladie d'Ile-de-France et la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise directement imputables au retard de diagnostic. Il y a lieu dans ces conditions pour la cour d'ordonner avant dire droit une expertise de nature à l'éclairer sur ces questions.
DÉCIDE :
Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la requête du centre hospitalier de Sambre-Avesnois, avant dire droit, procédé à une expertise en vue :
1°) d'examiner M. C..., de prendre connaissance de son entier dossier médical ;
2°) de décrire les conséquences du manquement fautif résultant du retard de diagnostic sur son état de santé en précisant notamment si ce manquement présente un lien de causalité direct et certain avec les séquelles dont M. C... reste atteint ;
3°) de donner un avis sur le point de savoir si le retard de diagnostic a fait perdre à M. C... une chance de bénéficier d'une prise en charge différente et plus précoce qui aurait limité ses séquelles ; de donner son avis, le cas échéant, sur l'ampleur de la chance perdue par l'intéressé de limiter ses séquelles en la quantifiant ;
4°) de préciser, éventuellement, si l'état de santé de M. C... peut être considéré comme consolidé et dans l'affirmative, en fixer la date ;
5°) le cas échéant, de décrire l'ensemble des préjudices pouvant être regardés comme directement et exclusivement imputables au retard de diagnostic commis par le centre hospitalier de Sambre-Avesnois lors de la prise en charge de M. C... ;
6°) de fournir toutes précisions complémentaires que l'expert jugera utile à la solution du litige et de nature à permettre d'apprécier l'étendue du préjudice.
Article 2 : Pour l'accomplissement de sa mission, l'expert pourra se faire communiquer les documents relatifs au suivi médical, aux actes de soins et aux diagnostics pratiqués qu'il estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission et pourra entendre tous sachants.
Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2, R. 621-9 et R. 621-14 du code de justice administrative. Le rapport d'expertise sera déposé en deux exemplaires dans le délai fixé par le président de la cour à compter de la date de notification du présent arrêt en application de l'article R. 621-2 de ce code. L'expert en notifiera des copies aux parties intéressées.
Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statués en fin d'instance.
Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Sambre-Avesnois et à la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise.
Copie sera adressée à M. A... C....
N°19DA01228 2