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17/07/2020 | FRANCE | N°19DA02403

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 juillet 2020, 19DA02403


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 août 2019 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai de deux ans, d'autre part, d'enjoindre, au préfet du Nord de lui d

élivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 août 2019 par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai de deux ans, d'autre part, d'enjoindre, au préfet du Nord de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Par un jugement nos 1907225, 1907757 du 12 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a, notamment, rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 octobre 2019, M. C..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 22 août 2019 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 19 juin 1981, est entré régulièrement sur le territoire français le 10 septembre 2005, sous couvert d'un passeport national revêtu d'un visa de long séjour lui permettant de poursuivre des études supérieures en France. Il a alors bénéficié, le 22 novembre 2005, d'un certificat de résidence d'un an portant la mention " étudiant ". Il a ensuite obtenu, le 1er août 2007, un changement de statut, ainsi que la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " salarié ", qui a été régulièrement renouvelé jusqu'au 21 juillet 2013. Le 19 juin 2013, M. C... a de nouveau sollicité un changement de statut, aux fins d'obtenir la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " commerçant ". N'ayant toutefois pas justifié de la réalité de l'activité commerciale dont il se prévalait, il a fait l'objet, le 24 juin 2015, d'un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français. M. C... a de nouveau fait l'objet, le 28 février 2017, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Interpellé le 21 août 2019 au cours d'un contrôle d'identité effectué à Lille, à l'occasion duquel sa situation irrégulière au regard du droit au séjour a été mise en évidence, M. C... a fait l'objet, le 22 août 2019, d'un arrêté par lequel le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai de deux ans et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. C... relève appel du jugement du 12 septembre 2019 en tant que, par ce jugement, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. Il ressort des motifs mêmes de l'arrêté contesté que ceux-ci, qui ne se bornent pas à viser les dispositions et stipulations applicables à la situation de M. C..., ni à reproduire des formules préétablies, mais exposent les éléments essentiels caractérisant la situation familiale et personnelle de l'intéressé, comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles se fonde la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. Ces motifs ont, par suite, mis M. C... à même de comprendre les raisons pour lesquelles cette mesure a été prise à son égard et de les contester utilement. Ils constituent une motivation suffisante au regard de l'exigence posée par les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par celles de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, alors même qu'ils ne décrivent pas d'une manière exhaustive la situation de l'intéressé.

3. Eu égard notamment à ce qui a été dit au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Nord n'aurait pas procédé à un examen particulier et suffisamment attentif de la situation de M. C... avant de lui faire obligation de quitter le territoire français.

4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / 1. Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; / (...) ".

5. Il résulte de ces stipulations que, pour pouvoir prétendre à la délivrance de plein droit d'un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", le ressortissant algérien dont le séjour en France a été pour partie effectué par lui en qualité d'étudiant doit établir par tout moyen qu'il réside sur le territoire français depuis plus de quinze ans. Il appartient donc à M. C..., qui est entré en France pour y poursuivre des études supérieures et qui a été admis au séjour en tant qu'étudiant, d'établir qu'il y résidait habituellement depuis plus de quinze ans à la date de l'arrêté contesté. Toutefois, étant entré sur le territoire français le 10 septembre 2005, il ne pourrait, comme il l'allègue d'ailleurs, justifier au plus que d'un séjour habituel d'un peu moins de quatorze ans en France à la date de l'arrêté contesté, ce qu'il ne fait d'ailleurs pas par les seules pièces qu'il produit, qui ne comportent que deux pièces afin d'établir sa présence au cours de chacune des années 2006 et 2007. Dès lors, le moyen tiré par M. C... de ce qu'il se serait trouvé, à la date de l'arrêté contesté, en situation de prétendre de plein droit à la délivrance d'un certificat de résidence sur le fondement des stipulations précitées du 1. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et que cette situation aurait fait légalement obstacle à ce qu'il fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

6. Ainsi qu'il vient d'être dit, M. C... n'établit pas qu'il résidait en France, comme il l'allègue, depuis près de quatorze ans à la date de l'arrêté contesté. Il ressort, en outre, des pièces du dossier qu'il est célibataire et sans enfant. S'il fait état d'un " enracinement dans la société française ", il n'assortit toutefois cette assertion d'aucune précision, ni d'aucune pièce de nature à justifier des liens amicaux ou sociaux qu'il aurait pu tisser depuis son arrivée en France, tandis qu'il n'allègue pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu durant vingt-quatre ans. Enfin, s'il est constant que M. C... a exercé, au cours des six années durant lesquelles il a été titulaire d'un certificat de résidence d'un an l'autorisant à travailler, une activité salariée en tant qu'employé de boucherie, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a cessé, en 2013, d'exercer cette activité, afin de s'installer, en tant qu'artisan boucher, dans le cadre d'une société à responsabilité limitée qui a été au demeurant placée en redressement judiciaire dès sa première année d'exercice. Dans ces conditions, le préfet du Nord, pour faire obligation à M. C... de quitter le territoire français, n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que la décision faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision refusant d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette mesure d'éloignement doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que la décision faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel l'intéressé pourra être reconduit d'office devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette mesure doit être écarté.

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

9. En vertu du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français dont elle détermine la durée, en tenant compte de la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Ces dispositions précisent également que des circonstances humanitaires peuvent justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour.

10. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à une obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères que ces dispositions énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que l'étranger puisse, à sa seule lecture, en connaître les motifs.

11. Pour faire interdiction à M. C... de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, le préfet du Nord a, selon les motifs mêmes de l'arrêté contesté, pris en compte les conditions de l'entrée en France de l'intéressé, le fait que celui-ci n'avait pu justifier disposer que de peu de liens sur le territoire français et le fait qu'il s'était soustrait à deux précédentes mesures d'éloignement, tout en constatant que le comportement de M. C... n'était pas constitutif d'une menace pour l'ordre public. Enfin, ces motifs précisent que l'autorité préfectorale a notamment fait porter son appréciation, sur la base de ces éléments, sur le choix de la durée d'effet de la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, le préfet du Nord, qui a examiné l'ensemble des critères prévus par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a suffisamment motivé, en fait comme en droit, sa décision.

12. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que la décision faisant obligation à M. C... de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune des illégalités invoquées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français avant l'expiration d'un délai de deux ans devrait être annulée par voie de conséquence de l'annulation de cette mesure doit être écarté.

13. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., qui, comme il a été dit aux points 1 et 5, est entré régulièrement sur le territoire français le 10 septembre 2005, ne pouvait se prévaloir, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, d'un séjour habituel de quatorze années sur le territoire français, mais qu'il pouvait cependant justifier d'un séjour de six années effectué dans des conditions régulières. Il justifie, en outre, de perspectives d'insertion professionnelle dans son pays, que lui procure l'exercice en France de l'activité de boucherie. Toutefois, M. C... ne fait état d'aucune attache familiale ni d'aucune relation particulière sur le territoire français, tandis que, célibataire et sans enfant, il n'allègue pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Enfin, il est constant que, si la présence de M. C... sur le territoire français ne représente pas une menace pour l'ordre public, l'intéressé n'a pas spontanément déféré à deux précédentes mesures d'éloignement. Dès lors, en retenant qu'il y avait lieu, au regard de l'ensemble de ces considérations, d'interdire à M. C... un retour sur le territoire français durant deux ans, laquelle durée n'apparaît pas excessive compte tenu des circonstances de l'espèce, le préfet du Nord n'a ni méconnu les dispositions susmentionnées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni commis une erreur d'appréciation.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Nord.

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02403
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : ZAIRI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-17;19da02403 ?
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