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17/07/2020 | FRANCE | N°18DA01039

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 juillet 2020, 18DA01039


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2012 ainsi que des pénalités correspondantes, d'autre part, d'ordonner le maintien du sursis de paiement de ces suppléments d'imposition et le remboursement des frais de garantie bancaire qu'il a exposés au titre de sa demande de sursis de paiement.

Par un jugement n° 1510025 du 23 mars 2018,

le tribunal administratif de Lille a déchargé M. A... des pénalités pour activit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille, d'une part, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2009 à 2012 ainsi que des pénalités correspondantes, d'autre part, d'ordonner le maintien du sursis de paiement de ces suppléments d'imposition et le remboursement des frais de garantie bancaire qu'il a exposés au titre de sa demande de sursis de paiement.

Par un jugement n° 1510025 du 23 mars 2018, le tribunal administratif de Lille a déchargé M. A... des pénalités pour activité occulte dont ont été assorties les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à sa charge au titre des années 2009 et 2010 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 23 mai 2018, le 5 octobre 2018, le 24 décembre 2018 et le 15 mai 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Lille n'a pas fait droit aux conclusions de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge de ces suppléments d'imposition et pénalités à concurrence de la somme de 92 229 euros ;

3°) d'ordonner le maintien du sursis de paiement et le remboursement des frais de garantie bancaire exposés au titre de sa demande de sursis de paiement ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu :

- l'avis de dégrèvement du 23 novembre 2018 ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Binand, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a fait l'objet en 2013 d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2009 à 2012, et, en 2014, d'une vérification de comptabilité de son activité de joueur de poker au titre de ces mêmes années. A l'issue de ces contrôles, l'administration a estimé que cette activité était imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et a évalué d'office les revenus que M. A... en avait retirés au cours des années en cause. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu qui en ont résulté pour M. A... ont été assorties de l'intérêt de retard et de la majoration de 80 % des droits pour activité occulte prévue par le c) du 1. de l'article 1728 du code général des impôts. Par un jugement du 23 mars 2018, le tribunal administratif de Lille a prononcé la décharge des majorations pour activité occulte infligées à M. A... au titre des années 2009 et 2010 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Dans le dernier état de ses écritures devant la cour, M. A..., qui a pris acte du dégrèvement par l'administration, au cours de l'instance d'appel, des redressements mis à sa charge au titre des années 2009 et 2010, relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant, d'une part, à la décharge des suppléments d'imposition assignés au titre des années 2011 et 2012, ainsi que des pénalités correspondantes, à concurrence de la somme de 92 229 euros, d'autre part, au remboursement des frais qu'il a exposés pour constituer une garantie nécessaire à l'obtention du sursis de paiement, et maintient en cause d'appel ses conclusions aux fins de sursis de paiement des impositions contestées.

Sur la recevabilité des conclusions de la requête relatives au sursis de paiement et aux frais de constitution de garanties :

2. En premier lieu, les conclusions de M. A... tendant au maintien du sursis de paiement des impositions en litige sont irrecevables dès lors que, sitôt que les premiers juges se sont prononcés au fond, leur décision rend à nouveau exigibles les impositions dont ils n'ont pas prononcé la décharge. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " (...) Si le contribuable a constitué des garanties autres qu'un versement en espèces, les frais qu'il a exposés lui sont remboursés dans les limites et conditions fixées par décret. ". En l'absence de litige né et actuel entre le comptable du Trésor et le contribuable concernant le remboursement des frais de constitution de garanties, M. A... n'est pas recevable, en tout état de cause, à présenter, dans le cadre de sa demande en décharge, des conclusions tendant au remboursement de ces frais.

Sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article 97 du code général des impôts : " Les contribuables soumis obligatoirement ou sur option au régime de la déclaration contrôlée sont tenus de souscrire chaque année, dans des conditions et délais prévus aux articles 172 et 175, une déclaration dont le contenu est fixé par décret ". Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : / (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal ; / (...) / Les dispositions de l'article L. 68 sont applicables dans les cas d'évaluation d'office prévus aux 1° et 2°.". L'article L. 68 du même livre, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige, prévoit que : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. / Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure : / (...) / 3° Si le contribuable s'est livré à une activité occulte, au sens du troisième alinéa de l'article L. 169 ; (...) ". Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître, comme il est indiqué à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives.

5. M. A... fait valoir qu'il pouvait légitimement considérer, de bonne foi, qu'il n'exerçait pas une activité de joueur de poker soumise à l'impôt sur le revenu. Sur ce point, il résulte de l'instruction que s'il ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises et n'a pas déposé la déclaration prévue à l'article 97 du code général des impôts au titre des années 2011 et 2012 restant en litige, ce n'est qu'à la fin de l'année 2011, par la réponse ministérielle " Filipetti " publiée le 15 novembre 2011, dont les termes ont été repris ensuite au n°20 de l'instruction BOI-BNC-CHAMP-10-30-40 du 20 septembre 2012, que l'administration a expressément indiqué qu'elle estimait que les gains réalisés au poker, y compris joué en ligne, étaient, dans certaines conditions, imposables à l'impôt sur le revenu. Par suite, et alors, en outre, que la circonstance que le poker soit qualifié de jeu de hasard par les juridictions civiles et pénales au sens des lois et règlements pris en matière de police des jeux était de nature à induire en erreur le contribuable sur la nature de ses obligations déclaratives, l'absence de souscription par M. A... de déclaration fiscale au titre de l'année 2011 doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme ayant constitué une erreur justifiant qu'il ne se soit pas acquitté de ses obligations. En revanche, ces mêmes éléments ne sont pas de nature à justifier que M. A... ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives au titre de l'année 2012 dès lors que l'administration avait alors exprimé, par l'instruction du 20 septembre 2012, sa position sur la taxation de tels gains.

6. Il résulte de ce qui précède que, l'activité de joueur de poker exercée en 2011 par M. A... ne pouvant être regardée comme une activité occulte, le bénéfice qu'il en a retiré ne pouvait être évalué d'office sans que l'administration ne lui adresse au préalable une mise en demeure de s'acquitter de ses obligations déclaratives sous trente jours. Or, il est constant que cette formalité, qui, lorsqu'elle est requise par les dispositions précitées de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, constitue une garantie, n'a pas été accomplie par l'administration. Dès lors, M. A... doit être déchargé de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu qui lui a été assignée au terme d'une procédure d'imposition irrégulière au titre de l'année 2011. En revanche, cette activité devant être regardée comme une activité occulte au titre de l'année 2012, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé, au titre de cette année, de la garantie procédurale attachée à l'envoi de la mise en demeure, prévue par les dispositions de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, qui ne trouvait pas à s'appliquer dans un tel cas.

En ce qui concerne le bien-fondé de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012 :

S'agissant de l'application de la loi fiscale :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 92 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. / (...) ". Si la pratique, même habituelle, de jeux de hasard ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits, au sens des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts, en raison de l'aléa qui pèse sur les perspectives de gains du joueur, il en va différemment de la pratique habituelle d'un jeu d'argent opposant un joueur à des adversaires lorsqu'elle permet à celui-ci de maîtriser de façon significative l'aléa inhérent à ce jeu, par les qualités et le savoir-faire qu'il développe, et lui procure des revenus significatifs. Les gains qui en résultent sont alors imposables, en application de l'article 92 du code général des impôts, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, alors même que le contribuable exercerait aussi par ailleurs une activité professionnelle.

8. D'une part, si le jeu de poker, et plus particulièrement la version de ce jeu dénommée " Texas Hold'em Poker " pratiquée par M. A..., fait intervenir des distributions aléatoires de cartes communes et de cartes propres à chaque joueur, un joueur peut parvenir, grâce à l'expérience, la compétence et l'analyse de la psychologie de ses adversaires, à maîtriser le caractère aléatoire du résultat et à accroître de façon sensible sa probabilité de percevoir des gains importants. D'autre part, il résulte de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que les revenus nets de M. A... tirés de son activité de joueur se sont élevés à 84 978 euros en 2012. Excédant sensiblement ses revenus salariaux, ces gains, qui dépassent de plus du double ceux de l'année 2011, ont ainsi représenté, à eux seuls, 76,6 % des revenus de M A.... En outre, le requérant a participé à plus de 15 000 tournois de poker en ligne en France, contre 5 000 en 2011. Dans ces conditions, eu égard à l'exercice par M. A... de la pratique habituelle du poker en 2012, pour un volume horaire comparable au demeurant à celui d'un emploi à temps plein, et au montant significatif des recettes qu'il en a tirées, les gains résultant de cette activité doivent être regardés comme procédant d'une occupation lucrative ou d'une source de profits constituant des revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, au sens des dispositions précitées de l'article 92 du code général des impôts, alors même que M. A... disposait, par ailleurs, d'une activité professionnelle salariée et que ces gains auraient présenté un caractère fluctuant selon les années.

9. En second lieu, la qualification de jeu de hasard que peut revêtir la pratique du poker pour l'application des différents textes portant réglementation de la police des jeux et l'interprétation qu'en a donnée la Cour de cassation, ainsi que les dispositions de l'article 126 de l'annexe IV au code général des impôts, relatives à l'impôt sur les spectacles, jeux et divertissements, sont, contrairement à ce que soutient le requérant, sans incidence sur l'application par le juge de l'impôt des règles relatives à l'imposition des revenus tirés de la pratique habituelle du poker. M. A... ne peut davantage se prévaloir de la décision n° C-344/13 et C 367/13 du 22 octobre 2014 par laquelle la Cour de justice de l'Union européenne, saisie d'une question préjudicielle à l'occasion d'un litige portant sur l'imposition des gains au jeu de poker d'un contribuable italien, a dit pour droit, après avoir rappelé que la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, que les articles 52 et 56 du traité de fonctionnement de l'Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à la législation d'un État membre soumettant à l'impôt sur le revenu les gains issus de jeux de hasard réalisés dans des établissements de jeux situés dans d'autres États membres, et exonère dudit impôt des revenus similaires lorsqu'ils proviennent d'établissements situés sur son territoire national, alors qu'il n'est pas établi, ni même allégué par le requérant, que l'imposition contestée procéderait d'une telle différence de traitement.

S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :

10. En premier lieu, aux termes de l'interprétation donnée par l'administration au paragraphe n° 118 de la documentation de base référencée 5 G-116 à jour au 15 septembre 2000 : " La pratique, même habituelle, de jeux de hasard tels que loteries, tombolas ou jeux divers, ne constitue pas une occupation lucrative ou une source de profits devant donner lieu à imposition au nom des personnes participant à ces jeux ". Cette doctrine, qui reprend la réponse ministérielle " Crépeau " publiée le 3 octobre 1979 dont le requérant se prévaut également, ne concerne pas la pratique de jeux d'argent dans les conditions indiquées au point 7 et ne mentionne pas qu'elle concernerait, dans tous les cas, le jeu de poker. Ainsi, les extraits susmentionnés de la documentation de base ainsi que la réponse ministérielle " Crépeau " publiée le 3 octobre 1979 ne contiennent aucune interprétation formelle du texte fiscal dont M. A... puisse se prévaloir utilement.

11. En second lieu, aux termes de la réponse ministérielle " Filipetti " publiée le 15 novembre 2011, dont les termes sont repris au n°20 de l'instruction BOI-BNC-CHAMP-10-30-40 du 20 septembre 2012 : " Les gains réalisés à l'occasion de jeux, même pratiqués de manière habituelle, ne constituent pas, au sens de l'article 92 du code général des impôts, une occupation lucrative ou une source de profits devant donner lieu à imposition. Toutefois, selon la doctrine publiée de l'administration fiscale (référencée 5 G-116 n° 8 61 et 119), sont imposables au titre de la catégorie des bénéfices non commerciaux, les gains réalisés par les joueurs professionnels dans des conditions permettant de supprimer ou d'atténuer fortement l'aléa normalement inhérent aux jeux de hasard. Cette position est pleinement applicable à la pratique habituelle du jeu de poker, y compris en ligne, dès lors que le jeu de poker ne peut être regardé comme un jeu de pur hasard et sous réserve qu'il soit exercé dans des conditions assimilables à une activité professionnelle. L'imposition des gains ainsi réalisés par des joueurs de poker est d'ailleurs confirmée par la jurisprudence (tribunal administratif de Clermont-Ferrand, le 21 octobre 2010, n° 09-640, Petit). La position de l'administration fiscale apparaît par conséquence très claire. ". La pratique par M. A... du jeu de poker, telle qu'elle ressort notamment de ses déclarations sur les sites internet qui y sont consacrés, suit une méthodologie rigoureuse destinée, par une sélection appropriée de parties jouées le plus souvent en parallèle, à minimiser les risques de perte et à rechercher la rentabilité, de sorte que le jeu de poker, pratiqué dans de telles conditions, ne peut être regardé comme un jeu de pur hasard. Ainsi, par son caractère habituel, l'importance de l'activité déployée et l'intention lucrative qui l'anime, la pratique du jeu de poker dans de telles conditions est assimilable à une activité professionnelle. Par suite, M. A... ne peut se prévaloir de l'interprétation de la loi fiscale contenue dans la réponse ministérielle précitée ou les extraits précités de l'instruction BOI-BNC-CHAMP-10-30-40 du 20 septembre 2012.

12. Il résulte des points 4 à 11 que c'est à bon droit que l'administration a mis à la charge de M. A... une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012, à raison des profits réalisés par celui-ci dans le cadre de l'exercice de son activité de joueur de poker.

Sur les pénalités :

En ce qui concerne l'année 2011 :

13. Il résulte des points 4 à 6 du présent arrêt que M. A... est fondé à demander à être déchargé de l'intérêt de retard et de la majoration de 80 %, prévue par le c) du 1. de l'article 1728 du code général des impôts, assis sur la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu qui a été mise à sa charge au titre de l'année 2011.

En ce qui concerne l'année 2012 :

S'agissant de l'intérêt de retard :

14. M. A... n'est pas fondé à demander à être déchargé de l'intérêt de retard qui assortit le redressement d'impôt sur le revenu qui, ainsi qu'il a été dit au point 12, a été mis à sa charge, à bon droit, au titre de l'année 2012.

S'agissant de la majoration de 80 % :

15. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : / (...) / c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. / (...) ". Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi dont elles sont issues, que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives.

16. En premier lieu, M. A... soutient que l'engagement par l'administration d'une vérification de comptabilité en 2014, alors qu'elle avait procédé à un examen contradictoire de sa situation fiscale en 2013, n'a eu d'autre but pour celle-ci que d'user de la faculté offerte, en application de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable aux opérations de contrôle engagées à compter du 8 décembre 2013, de lui assigner des redressements de bénéfices non commerciaux sans mise en demeure préalable en cas d'exercice d'une activité occulte. Toutefois, aux termes des dispositions du 3° de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, dans leur rédaction applicable lors de l'engagement de cet examen contradictoire de la situation fiscale, les bénéfices non commerciaux de M. A..., qui ne s'était pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce et n'avait pas déclaré les revenus retirés de son activité de joueur de poker dans le délai légal prévu par l'article 97 du code général des impôts, étaient susceptibles d'être évalués d'office sans qu'il soit besoin pour l'administration de lui adresser une mise en demeure préalable. Dès lors, et en tout état de cause, le détournement de procédure et le manquement à l'obligation de loyauté dans les opérations de contrôle allégués par M. A... ne sont pas établis. Il s'ensuit que M. A... n'est pas fondé à soutenir que la majoration de 80 % en cas de découverte d'une activité occulte, appliquée par l'administration, est assise sur des droits qui auraient été rappelés au titre de l'année 2012 à l'issue d'une procédure d'imposition irrégulière.

17. En second lieu, M. A... fait valoir qu'il pouvait légitimement considérer, de bonne foi, qu'il n'exerçait pas une activité de joueur de poker soumise à l'impôt sur le revenu. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, M. A... ne peut, s'agissant de l'année 2012, être regardé comme établissant avoir commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives au titre de cette année.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à demande la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2011, de l'intérêt de retard correspondant, de la pénalité pour activité occulte prévue par les dispositions du c) du 1. de l'article 1728 du code général des impôts qui lui a été infligée au titre de l'année 2011 et à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement du 23 mars 2018 du tribunal administratif de Lille. Enfin, il a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante en appel dans la mesure des dégrèvements prononcés par l'administration et de la décharge prononcée par le présent arrêt, le versement à M. A... d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : M. A... est déchargé de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à sa charge au titre de l'année 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 2 : Le jugement du 23 mars 2018 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

4

N°18DA01039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA01039
Date de la décision : 17/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices non commerciaux - Personnes - profits - activités imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christophe Binand
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SOCIÉTÉ D'AVOCATS ERNST et YOUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-17;18da01039 ?
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