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09/07/2020 | FRANCE | N°19DA00424,19DA00657

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 09 juillet 2020, 19DA00424,19DA00657


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 14 avril 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a refusé d'inscrire l'établissement " Ascométal usine des Dunes " à Leffrinckoucke sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante et d'enjoindre sous astreinte à ce ministre de procéder à cette inscrip

tion pour la période de 1966 à 2007, dans le délai d'un mois à compter de la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 14 avril 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a refusé d'inscrire l'établissement " Ascométal usine des Dunes " à Leffrinckoucke sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante et d'enjoindre sous astreinte à ce ministre de procéder à cette inscription pour la période de 1966 à 2007, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1504892 du 20 décembre 2018, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 14 avril 2015 et a enjoint à l'Etat de procéder à l'inscription de l'établissement " Ascométal usine des Dunes " à Leffrinckoucke sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante pour la période comprise de 1966 à 1985.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 19DA00424, les 20 février 2019 et 3 septembre 2019, la société Ascométal les Dunes SAS, représentée par la SCP Célice-Soltner-Texidor-Perier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... C... devant le tribunal administratif de Lille.

II. Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 19DA00657, le 18 mars 2019 et le 3 septembre 2019, la société Ascométal les Dunes SAS, représentée par la SCP Célice-Soltner-Texidor-Perier, demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Lille n° 1504892 du 20 décembre 2018.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 98-1194 du 31 décembre 1998 notamment son article 41 ;

- l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me F... A..., représentant la société Ascométal les Dunes et de Me D... E..., représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., salarié de l'usine Ascométal des Dunes à Leffrinckoucke a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 14 avril 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a rejeté sa demande d'inscription de l'usine Ascométal des Dunes sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante et d'enjoindre au ministre du travail de procéder à cette inscription pour la période de 1966 à 2007. La société Ascométal les Dunes SAS relève appel du jugement du 20 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du ministre en tant qu'elle porte sur la période comprise entre 1966 et 1985 et a enjoint à cette inscription dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement pour la période comprise entre 1966 et 1985.

Sur la requête n° 19DA00424 :

En ce qui concerne la recevabilité :

2. Le jugement du tribunal administratif de Lille qui annule le refus d'inscrire l'usine Ascométal des Dunes à Leffrinckoucke sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante et qui a enjoint au ministre de procéder à cette inscription pour la période comprise entre 1966 et 1985, préjudicie aux droits de la société Ascométal. Cette société, à laquelle la requête et l'ensemble de la procédure avaient été communiquées en première instance, aurait donc pu faire tierce opposition du jugement contesté et est par suite recevable à former appel du jugement du 20 décembre 2018. La circonstance qu'elle n'ait pas formulé d'observations en première instance est sans incidence sur la recevabilité de sa requête. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. C... en défense, ne peut qu'être rejetée.

En ce qui concerne la recevabilité de l'appel de la ministre du travail :

3. La ministre du travail demande l'annulation du jugement du 20 décembre 2018. Toutefois, de telles conclusions qui constituent un appel principal, ont été présentées pour la première fois dans le mémoire enregistré le 19 avril 2019, soit au-delà du délai d'appel de deux mois prévu par l'article R. 811-2 du code de justice administrative. Par suite, elles sont tardives et donc irrecevables. Si la ministre a fait valoir dans ses observations en réponse au moyen susceptible d'être relevé d'office tiré de l'irrecevabilité de son appel incident, que ses conclusions doivent être regardées comme une intervention au soutien de la requête, une personne qui a qualité pour faire appel n'est pas recevable à présenter une intervention. Par suite, ses conclusions sont également irrecevables dans ce cas.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

4. La société Ascométal soutient d'abord que la demande de première instance était irrecevable. Par deux décisions du 28 juillet 2005 et du 23 décembre 2009, le ministre chargé du travail a refusé l'inscription de l'usine des Dunes sur la liste des établissements ouvrant doit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante. Toutefois, ces deux décisions ont été notifiées au syndicat de la confédération générale du travail d'Ascométal et non à M.C.... Néanmoins, la société appelante établit que ce dernier a participé à la délibération du bureau de ce syndicat, le 9 février 2010, qui a décidé d'agir en justice contre la décision du 23 décembre 2009. Cependant, le refus d'inscrire un établissement sur la liste de ceux qui ouvrent droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante ne constitue ni un acte règlementaire, ni une décision individuelle. Par suite, M. C... était tiers par rapport à la décision du 23 décembre 2009 et il n'est pas par ailleurs établi qu'il ait eu connaissance de la décision du 28 juillet 2005. Ces décisions n'avaient donc acquis à son égard aucun caractère définitif. Par suite, il lui était loisible de demander à nouveau, à titre personnel l'inscription de l'usine Ascométal des Dunes sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante. En conséquence, la société Ascométal les Dunes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille n'a pas retenu la fin de non-recevoir qu'elle avait soulevée devant lui.

5. En application de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, les salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales peuvent bénéficier d'une allocation de cessation anticipée d'activité. La liste des établissements donnant droit à une telle allocation est fixée par arrêté interministériel. Peuvent seuls être légalement inscrits sur cette liste, les établissements dans lesquels les opérations de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de calorifugeage ou de flocage à l'amiante ont, compte tenu notamment de leur fréquence et de la proportion de salariés qui y ont été affectés, représenté sur la période en cause une part significative de l'activité de ces établissements.

6. L'usine des Dunes était une aciérie, spécialisée dans la fabrication d'aciers spéciaux, et particulièrement de produits longs. Il ressort tout d'abord des pièces du dossier et notamment du courrier du directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du 21 décembre 2001 que des opérations de calorifugeage, qui consistent à appliquer de l'amiante ou à incorporer de l'amiante à un élément pour assurer son isolation thermique, ne concernaient que certains des fours utilisés entre les années soixante et 1979. Ces fours, au nombre de trois, comprenaient une plaque d'amiante à des fins d'isolation thermique entre un blindage métallique et une épaisseur de briques réfractaires. Pour annuler le refus d'inscription de l'usine Ascométal des Dunes à Leffrinckoucke sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante pour la période comprise entre 1966 et 1985, le tribunal administratif de Lille s'est principalement fondé sur le courrier précité du 21 décembre 2001 ainsi que sur les dizaines d'attestations d'anciens salariés. Toutefois, si ce courrier indique, comme l'ont relevé les premiers juges que les opérations de maintenance des fours étaient effectuées par les salariés de l'usine dans leur ensemble. Il précise également que les fours étaient détruits et reconstruits une fois par an et que, tous les six mois, avaient lieu des réparations avec manipulation des plaques d'amiante, sans indiquer que l'ensemble des salariés participait à ces opérations lourdes. Ce courrier n'établit pas, ainsi, que ces opérations de réparation concernaient une part significative des salariés de l'usine. Il ne ressort pas non plus des écritures de M. C..., qui ne produit aucune pièce nouvelle en cause d'appel, que les attestations produites fassent état de manipulation des plaques d'amiante assurant l'isolation thermique des fours par l'ensemble des salariés de l'usine. Les jugements du tribunal des affaires de sécurité sociale de Lille et de la cour d'appel de Douai dont il fait état statuent sur la faute inexcusable de l'employeur et donc sur l'exposition des salariés à l'amiante. Ils n'ont dès lors pas pour objet de caractériser des activités de calorifugeage. Si certains d'entre eux indiquent aussi que le salarié concerné effectuait la réparation des fours comprenant des matériaux amiantés voire qu'il manipulait de l'amiante à des fins d'isolation thermique, ils ne précisent pas la fréquence de ces interventions. De même, si certaines attestations produites établissent la manipulation d'amiante à des fins d'isolation thermique, elles ne comportent pas d'indications précises permettant de caractériser la fréquence de ces activités et la proportion de salariés qui y étaient affectés. La société produit, pour sa part, un témoignage d'un employé de l'usine de 1946 à 1987 qui confirme que les fours étaient en réfection une fois par an et qui indique que la maçonnerie des briques réfractaires n'était refaite que tous les dix ans, en évitant de toucher aux plaques d'amiante, cette intervention étant en outre effectuée, à compter des années soixante, par une entreprise extérieure. Une autre attestation d'un agent de maîtrise, entré dans l'entreprise le 28 septembre 1964, confirme que la réfection totale des fours avait lieu une fois par an sur une durée de huit à dix jours et précise que l'entretien des fours était assuré par cinq maçons fumistes, travaillant en deux équipes de huit heures. Il témoigne encore de ce que l'entretien courant des fours se faisait sans utilisation de produits amiantés. Enfin, cette attestation mentionne que l'effectif concerné par les fours contenant une isolation par plaque d'amiante était de 194 personnes, sans pour autant préciser que l'ensemble de ces salariés participait aux opérations de réparation avec manipulation des plaques amiantées. D'autres pièces du dossier indiquent que l'effectif global était compris sur la période en cause entre 3 000 et 3 400 salariés et que le service entretien comprenait entre 234 et 320 salariés. Il n'est pas non plus établi que la totalité de l'effectif du service entretien aurait été amenée à manipuler les plaques d'amiante, lors des opérations de réparation lourde mentionnées précédemment. Le nombre de salariés victimes de maladies professionnelles en lien avec l'amiante, s'il établit par ailleurs l'exposition de ceux-ci à l'amiante, ne permet pas de caractériser la part significative des opérations de calorifugeage dans l'activité de l'usine. Il ne résulte donc pas de l'ensemble de ces éléments que la fréquence des activités de calorifugeage des fours par la manipulation des plaques d'amiante qui les isolaient et la proportion des salariés qui y étaient affectés établissent que cette activité représente une part significative de l'activité de l'usine Ascométal des Dunes.

7. Si le courrier précité de la direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du 21 décembre 2001 fait état que les tuyauteries étaient calorifugées à l'amiante, la société produit une attestation d'un ancien employé de l'entreprise qui indique qu'après 1950, ce calorifugeage était effectué par de la laine de verre, et non par de l'amiante. Dans tous les cas, le courrier précité ne faisait pas état d'opérations de maintenance sur ces tuyauteries, alors que la société indique que celle-ci était effectuée par une entreprise extérieure. Il ne résulte pas de ces éléments que le calorifugeage des tuyauteries représente une part significative de l'activité de l'usine des Dunes.

8. Si le courrier précité du 21 décembre 2001 note l'utilisation de ferrailles amiantées comme matière première, aucune pièce du dossier ne permet, en tout état de cause, d'établir une telle utilisation, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif. De même, l'ancien responsable du service métallurgie de l'usine témoigne de ce que l'exploitation des lingotières ne comprenait pas d'utilisation d'amiante, contrairement à ce que soutient M. C....

9. Si des attestations font mention d'entreposage de produits amiantés, notamment des rondelles ou du port de vêtements de protection comprenant de l'amiante, ou encore de l'isolation par des joints amiantés des portes des fours à des fins d'étanchéité et non d'isolation thermique, ou également d'une intervention sur les toitures du bâtiment comprenant de l'amiante, ces utilisations ne constituent ni la fabrication de produits amiantés, ni du calorifugeage, ni du flocage. Elles ne peuvent donc pas être prises en compte pour l'inscription de l'établissement sur la liste prévue par l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998.

10. Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'est pas établi que la fréquence des opérations de calorifugeage à l'amiante et la proportion des salariés qui y étaient affectés constituent une part significative de l'activité de l'usine des Dunes. Par suite, la société Ascométal est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille, par le jugement contesté, a annulé la décision du 14 avril 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en tant qu'elle a refusé d'inscrire l'établissement " Ascométal usine des Dunes " à Leffrinckoucke sur la liste des établissements ouvrant droit au bénéfice de l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante pour la période comprise entre 1966 et 1985, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens d'irrégularité du jugement soulevés par la société Ascométal. En conséquence, M. C... n'ayant développé aucun autre moyen que ceux examinés aux points 4 à 9 du présent arrêt, sa demande devant le tribunal administratif de Lille doit être rejetée.

Sur la requête n° 19DA00657 :

11. Il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de sursis à exécution du jugement contesté, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par M. C....

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Ascométal les Dunes SAS, qui n'est pas la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille du 20 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : La demande de M. C... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions d'appel présentées par la ministre du travail sont rejetées.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de sursis à exécution de la requête n° 19DA00657.

Article 5 : Les conclusions présentées par M. C... dans les requêtes n° 19DA00424 et n° 19DA00657 sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ascométal, à M. B... C... et à la ministre du travail.

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N°19DA00424, 19DA00657

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00424,19DA00657
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-03 Travail et emploi. Conditions de travail.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP CELICE, SOLTNER, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 14/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-07-09;19da00424.19da00657 ?
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