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04/06/2020 | FRANCE | N°20DA00167

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 04 juin 2020, 20DA00167


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 2 décembre 2016 par laquelle le préfet du Nord a refusé de modifier son état civil sur son titre de séjour temporaire.

Par un jugement n° 1701182 du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2020, Mme F..., représentée par Me E... B..., demande à la cour :

1°) d'ann

uler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 2 décembre 2016 par laquelle le préfet du Nord a refus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 2 décembre 2016 par laquelle le préfet du Nord a refusé de modifier son état civil sur son titre de séjour temporaire.

Par un jugement n° 1701182 du 21 mai 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2020, Mme F..., représentée par Me E... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 2 décembre 2016 par laquelle le préfet du Nord a refusé de modifier son état civil sur son titre de séjour temporaire ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Nord de rectifier son état civil dans son dossier administratif à la préfecture du Nord, dans le fichier national des étrangers et sur son titre de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Nord de réexaminer sa situation sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

- les observations de Me E... B..., représentant Mme A... F....

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., ressortissante arménienne, déclare être entrée en France en 2005 et avoir fait usage d'une identité d'emprunt auprès des autorités françaises en vue d'obtenir un titre de séjour, au titre de la vie privée et familiale. A compter du 15 octobre 2008, Mme F... a ainsi été mise en possession d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale, supportant l'identité de Mme C... D..., épouse F..., née le 7 juin 1964 à Tchaykend. Ce titre de séjour a été régulièrement renouvelé, jusqu'en 2016. Par plusieurs courriers adressés au préfet du Nord entre 2013 et 2016, la requérante a demandé au préfet du Nord que soit substituée à cette identité d'emprunt sa véritable identité, à savoir celle de Mme A... F..., née le 15 novembre 1964 à Hartich, en produisant à l'appui de cette demande, une copie de son passeport délivré le 13 août 1998 par les autorités arméniennes. Par une décision du 2 décembre 2016, le préfet du Nord a refusé de faire droit à cette demande. Mme F... relève appel du jugement du 21 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. " Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

3. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de la demande de titre de séjour déposée en 2008, la requérante a présenté aux services de la préfecture du Nord, en vue de justifier de son état civil, un acte de naissance délivré le 7 février 1969 supportant l'identité de Mme C... D..., née le 7 juin 1964 à Tchaykend, qui ne correspondrait pas, selon elle, à sa véritable identité, en précisant qu'elle ne disposait pas d'un passeport. A l'appui de ses différentes demandes de modification de l'état-civil portées sur son titre de séjour, et adressées au préfet du Nord à compter de 2013, Mme F..., dont l'époux né en 1959 et les deux enfants, nés en 1984 et 1987, résident en France en séjour régulier au titre de la vie privée et familiale et y exercent une activité professionnelle, s'est prévalue d'un passeport délivré par les autorités arméniennes le 13 août 1998, au nom de Mme A... F..., née le 15 novembre 1964. Elle s'est également prévalue, devant l'autorité préfectorale, de son acte de mariage, des actes de naissance de ses deux enfants, nés en Arménie, d'un nouveau passeport délivré par les autorités arméniennes, valable de 2013 à 2023, et d'un acte de naissance arménien, authentifié par apostille le 5 juin 2017, faisant mention de cette même identité. Le préfet du Nord, qui n'a pas procédé au retrait du titre de séjour délivré à Mme F... et a aussi régulièrement procédé chaque année à son renouvellement depuis 2013, après avoir été informé de son identité, ne conteste pas sérieusement l'authenticité et le caractère probant des documents concordants produits au soutien de ses différentes demandes, en se bornant à souligner, pour lui opposer la fraude, qu'elle avait mentionné un état civil différent lors de sa première demande de titre de séjour. Dès lors, ces documents doivent, dans les circonstances très particulières de l'espèce, être regardés comme présentant un caractère probant et concordant. Dans ces conditions, il appartenait au préfet du Nord, qui doit être regardé comme ayant été informé dès 2013 de l'identité réelle de la requérante, de rectifier son titre de séjour ainsi qu'elle le sollicitait. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décision du 2 décembre 2016 par laquelle le préfet du Nord a refusé de modifier l'état civil de Mme F... sur son titre de séjour temporaire doit être annulée.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme F... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 2 décembre 2016.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. L'annulation prononcée par le présent arrêt, eu égard au motif sur lequel elle est fondée, implique qu'il soit enjoint au préfet du Nord de modifier l'état civil de Mme F... dans son dossier administratif à la préfecture du Nord, dans le fichier national des étrangers et sur son titre de séjour. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Nord de procéder à ces modifications dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me B..., avocat de Mme F..., une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1701182 du 21 mai 2019 du tribunal administratif de Lille et la décision du 2 décembre 2016 du préfet du Nord sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord de modifier l'état civil de Mme F... dans son dossier administratif à la préfecture du Nord, dans le fichier national des étrangers et sur son titre de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à Me E... B..., avocat de Mme F..., une somme de

1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que Me E... B... renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme F... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F..., au ministre de l'intérieur, au préfet du Nord et à Me E... B....

Le greffier,

C. SIRE

N°20DA00167 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20DA00167
Date de la décision : 04/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-04 Droits civils et individuels. État des personnes. Questions diverses relatives à l`état des personnes.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : BERTHE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-04;20da00167 ?
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