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04/06/2020 | FRANCE | N°19DA01880

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 04 juin 2020, 19DA01880


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 mars 2019 par lequel la préfète de la Somme a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, lui a refusé le séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter

du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1901266 du 4 juin 2019, la présidente...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler l'arrêté du 26 mars 2019 par lequel la préfète de la Somme a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, lui a refusé le séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1901266 du 4 juin 2019, la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 août 2019, M. B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 mars 2019 de la préfète de la Somme ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Somme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée ou familiale ", dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Binand, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant nigérian né le 12 décembre 1984, est entré en France le 6 novembre 2016, selon ses déclarations, pour y solliciter l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 29 décembre 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 12 décembre 2018. Statuant sur sa demande de réexamen, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides l'a déclarée irrecevable par une décision du 18 février 2019. Par un arrêté du 26 mars 2019, la préfète de la Somme a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, lui a refusé le séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. B... relève appel du jugement du 4 juin 2019 par lequel la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, le premier juge a, au point 11 de son jugement, qui est suffisamment motivé, écarté le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, les moyens tirés, d'une part, de ce que le premier juge aurait omis de répondre à ce moyen et, d'autre part, de l'insuffisance de motivation du jugement sur ce point doivent être écartés.

3. En second lieu, si M. B... soutient que le tribunal, en s'appuyant sur des pièces non versées à l'instance par les parties pour relever qu'il était célibataire et sans enfant, se serait prononcé ultra petita, ce moyen, par l'argumentaire venant à son soutien, ne relève pas de la régularité mais du bien-fondé du jugement attaqué dès lors qu'il ne porte pas sur l'objet ou l'étendue des conclusions présentées devant le premier juge. A supposer que le requérant ait entendu soutenir que le jugement aurait été rendu sans respecter le principe du contradictoire, il ressort des pièces du dossier de première instance que la présidente du tribunal administratif d'Amiens s'est fondée sur les éléments produits en défense par la préfète de la Somme, qui ont été soumis au contradictoire, dont, notamment, l'attestation de demande d'asile de M. B..., en date du 17 octobre 2017, et son attestation de domiciliation en date du 4 mars 2019. Par suite, le moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Ce droit implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaitre, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard, une mesure d'éloignement. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause et ne fait pas valoir d'éléments nouveaux. Enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile, a, pu, à l'occasion de cette demande, préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demandait son admission au séjour et produire tous les éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait disposé d'informations tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure d'éloignement qu'il conteste. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué est intervenu en méconnaissance du droit d'être entendu qu'il tire d'un principe général du droit de l'Union européenne.

6. En deuxième lieu, M. B... déclare vivre en France avec une ressortissante nigériane en situation régulière avec laquelle il a eu un enfant, né en France le 5 mai 2017. Il fait également valoir que sa compagne a eu un enfant né sans-vie le 8 juin 2019. Toutefois, si le requérant produit au dossier les actes de naissance établissant sa paternité, il ne justifie pas, par les pièces produites tant en première instance qu'en appel, dont une attestation manuscrite, établie par sa compagne, mentionnant une vie commune au 10 avril 2019, soit postérieurement à l'arrêté contesté, de la réalité de la vie commune avec sa compatriote à la date de cet arrêté. En outre, le requérant ne justifie pas contribuer à l'éducation et à l'entretien de son enfant. Il n'établit pas davantage être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans. Dans ces conditions, eu égard au caractère récent de son entrée en France et aux conditions de son séjour sur le territoire français, l'arrêté attaqué ne porte pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. En conséquence, cet arrêté ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni davantage les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, il n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

7. En troisième lieu, si la préfète de la Somme a, il est vrai, relevé, à tort, que M. B..., n'avait pas d'enfant en France, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait pris une décision différente en prenant en considération la présence en France d'un enfant né de ses oeuvres et les attaches familiales, d'un caractère peu intense, mentionnées au point précédent, dont l'intéressé indique disposer en France.

8. En quatrième lieu, M. B... soutient que, dès lors qu'il a présenté une demande de réexamen de sa demande d'asile et que cette demande a été rejetée comme irrecevable par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 18 février 2019, la mesure d'éloignement prise à son encontre le 26 mars 2019 porte atteinte à son droit au recours effectif. Toutefois, le droit au recours effectif n'implique pas que l'étranger qui fait l'objet d'une procédure accélérée et qui dispose du droit de contester la décision de rejet qui lui est opposée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides devant la Cour nationale du droit d'asile, puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours devant cette juridiction. Au demeurant, l'étranger est à même de faire valoir utilement l'ensemble de ses arguments dans le cadre d'une procédure écrite et de se faire représenter à l'audience par un conseil. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Somme, en l'obligeant à quitter le territoire français, l'a privé du droit d'exercer un recours effectif contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides rejetant sa demande de réexamen de sa demande de protection internationale, et aurait ainsi méconnu l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En cinquième lieu, ainsi qu'il a été dit au point 6, M. B... n'établit pas qu'il contribuerait effectivement à l'éducation et à l'entretien de son enfant, avec lequel il ne vit pas, ni même qu'il entretiendrait une relation stable et durable avec cet enfant. Dans ces conditions, la préfète de la Somme, en faisant obligation à M. B... de quitter le territoire français, n'a pas porté atteinte à l'intérêt supérieur de cet enfant, qui, au demeurant, ne sera pas séparé de sa mère. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. M. B..., dont la demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, se borne à alléguer, sans apporter aucune précision ni produire aucune pièce au soutien de cette assertion, qu'il craint pour sa vie, sa liberté ou sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêté sera notifié à M. C... B..., au ministre de l'intérieur et à Me A....

Copie en sera transmise pour information au préfet du Nord.

N°19DA01880


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01880
Date de la décision : 04/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christophe Binand
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : AARPI QUENNEHEN et TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-04;19da01880 ?
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