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04/06/2020 | FRANCE | N°18DA00587

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 04 juin 2020, 18DA00587


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Radior France a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, pour un montant total de 346 681 euros.

Par un jugement n° 1501060 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregi

strés le 15 mars 2018, le 15 novembre 2018 et le 14 mai 2020, la SAS Radior France, représentée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Radior France a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, pour un montant total de 346 681 euros.

Par un jugement n° 1501060 du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 mars 2018, le 15 novembre 2018 et le 14 mai 2020, la SAS Radior France, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) Radior France, dont le siège est situé dans le département de l'Eure, est l'un des principaux fabricants mondiaux d'encres métalliques, grattables, ainsi que d'encres fluorescentes destinées à être utilisées en imprimerie. Compte-tenu du faible nombre d'entreprises commercialisant cette gamme de produits, la SAS Radior France réalise une importante part de son chiffre d'affaires à l'exportation, tant sur le territoire de l'Union européenne qu'hors de celui-ci. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. A l'issue de ce contrôle, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été envisagés par l'administration et portés à la connaissance de la SAS Radior France, par deux propositions de rectification, datées du 20 décembre 2013 et du 28 avril 2014, portant respectivement sur les périodes couvrant, d'une part, l'année 2010 et, d'autre part, les années 2011 et 2012. Ces rappels faisaient suite à la remise en cause du régime d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée sous lequel la SAS Radior France avait placé des ventes à un client établi en Russie, la société Tanzor, portées dans sa comptabilité, au motif que la réalité même de l'exportation des produits en cause n'était, selon l'administration, pas établie. Ces rehaussements ont été maintenus pour l'essentiel, par une décision du 28 avril 2014 faisant suite aux observations présentées par la SAS Radior France. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont été mis en recouvrement le 8 août 2014, pour une somme totale de 346 681 euros en droits et pénalités. La SAS Radior France relève appel du jugement du 25 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012.

2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. / II. 1° Est considéré comme livraison d'un bien, le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire. / (...) ". En vertu du a) du 1 de l'article 269 de ce code, le fait générateur de la taxe se produit au moment de la livraison du bien. Toutefois, aux termes de l'article 262 du même code, dans sa rédaction applicable : " I. Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° les livraisons de biens expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte, en dehors de la Communauté européenne ainsi que les prestations de services directement liées à l'exportation ; / 2° les livraisons de biens expédiés ou transportés par l'acheteur qui n'est pas établi en France, ou pour son compte, hors de la Communauté européenne (...) ainsi que les prestations de services directement liées à l'exportation./ (...) ".

3. Pour l'application de ces dernières dispositions, l'article 74 de l'annexe III au code général des impôts précise : "1. Les livraisons réalisées par les assujettis et portant sur des objets ou marchandises exportés sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée à condition : / (...) / c. que l'assujetti exportateur établisse pour chaque envoi une déclaration d'exportation, conforme au modèle donné par l'administration et détienne à l'appui de sa comptabilité ou du registre prévu au a l'exemplaire numéro 3 de la déclaration d'exportation visé par l'autorité douanière compétente, conformément au code des douanes communautaires et ses dispositions d'application. Lorsque la déclaration d'exportation est établie dans le cadre de la procédure électronique telle que prévue par le règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 modifié établissant le code des douanes communautaires et les textes pris pour son application, il produit la certification de sortie délivrée par le bureau d'exportation. Toutefois, lorsque la sortie du territoire communautaire effectuée à partir de la France est réalisée par l'entremise d'un intermédiaire agissant au nom et pour le compte d'autrui désigné comme expéditeur des biens sur la déclaration d'exportation, ou lorsque des opérateurs interviennent dans une livraison commune de marchandises à l'exportation, ou en cas de groupage, les assujettis exportateurs qui ne figurent pas dans la rubrique exportateur de la déclaration en douane mettent à l'appui de leur comptabilité ou du registre prévu au a un exemplaire de leurs factures visées par la personne habilitée ou autorisée à déclarer en douane et annotées des références permettant d'identifier la déclaration en douane correspondante. / Lorsque l'intermédiaire est habilité ou autorisé à déclarer en douanes et a obtenu de l'administration des douanes et droits indirects un agrément spécifique à la procédure du dédouanement des envois express, l'assujetti exportateur met à l'appui de sa comptabilité ou du registre prévu au a le document comportant tous les éléments d'information requis par l'administration, qui lui a été remis par cet intermédiaire. / d. que, dans les cas où l'assujetti exportateur ne produit pas les justificatifs prévus au c (...), il mette à l'appui de sa comptabilité ou du registre mentionné au a l'un des éléments de preuve alternatifs ci-après, pour justifier de la sortie des biens expédiés vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne (...) : / 1° La déclaration en douane authentifiée par l'administration des douanes du pays de destination finale des biens ou une attestation de cette administration accompagnée, le cas échéant, d'une traduction officielle ; / 2° Tout document de transport des biens vers un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne (...) ou tout document afférent au chargement du moyen de transport qui quitte la Communauté européenne pour se rendre dans le pays (...) de destination finale hors de la Communauté ; / 3° Tout document douanier visé par le service des douanes compétent et utilisé pour la surveillance de l'acheminement des biens vers leur destination finale hors de la Communauté, lorsqu'il s'agit de biens soumis à des contrôles particuliers ; / (...) / 5° Pour tous les produits autres que ceux soumis à accises et lorsqu'il s'agit d'une livraison effectuée dans les conditions prévues au premier alinéa du 2° du I de l'article 262 du code général des impôts, une déclaration du transporteur ou du transitaire qui a pris en charge les biens, accompagnée de la preuve du paiement des biens par le client établi dans un pays n'appartenant pas à la Communauté européenne / (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée des livraisons de biens à un destinataire établi hors du territoire de l'Union européenne est subordonnée, notamment, à la condition que le bien ait été expédié ou transporté hors de France par le vendeur, par l'acquéreur ou par un tiers pour leur compte, à destination d'un Etat situé hors du territoire de l'Union européenne. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à l'impôt ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération. Pour l'application de ces principes et s'agissant de la réalité de la livraison d'une marchandise sur le territoire d'un Etat tiers à l'Union européenne, seul le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est, pour l'application des dispositions précitées de l'article 262 du code général des impôts, en mesure de produire, qu'il ait ou non effectué lui-même le transport, une déclaration d'exportation afférente aux produits exportés ou tout élément de preuve alternatif mentionné à l'article 74 de l'annexe III au code général des impôts comme étant de nature à justifier la livraison effective de ces produits.

5. La SAS Radior France a réalisé, au cours de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, des ventes de biens issus de sa production qu'elle a placées sous le régime d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévu par les dispositions précitées du I de l'article 262 du code général des impôts. Elle a précisé avoir livré ces biens à la société Tanzor en Russie. Pour justifier de l'effectivité de ces opérations d'exportation, elle a fourni au vérificateur des exemplaires n°1 de déclarations d'exportation non visées par le bureau des douanes de sortie de l'Union européenne et dont plusieurs des mentions requises étaient manquantes, des factures correspondant à ces ventes, auxquelles étaient annexés des bons de réception des produits par les transporteurs, des copies d'ordres de virement international ne faisant aucune mention de sa cliente, la société Tanzor, mais émanant de sociétés ayant procédé à ces virements majoritairement établies dans des pays autres que la Russie, des procès-verbaux de réception cosignés par la société Tanzor et par l'un des transporteurs missionnés par elle, ainsi qu'une attestation récapitulative émise le 7 novembre 2014, soit postérieurement à la période en litige, par laquelle l'administration des douanes lituanienne précise avoir retrouvé des données se rapportant à des déclarations d'exportation présentées par la SAS Radior France en 2010. L'administration a toutefois écarté ces documents, eu égard à leur absence d'authentification et aux lacunes qu'ils présentaient, comme n'étant pas de nature, même pris dans leur ensemble, à permettre à la SAS Radior France de justifier de la réalité des opérations d'exportation, ni, par suite, de l'éligibilité des ventes mentionnées sur ces documents au régime d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée sous lequel elle les avait placées.

6. La SAS Radior France conteste cette analyse et, afin de justifier de l'exportation effective de ses produits hors du territoire de l'Union européenne au cours de la période d'imposition en litige, a versé à l'instruction en appel, en ce qui concerne la quasi-totalité des opérations en cause, la copie des certificats de sortie correspondants, du modèle IE 599, issus du système informatisé européen de contrôle des exportations ECS, rédigés en lituanien, avec leur traduction par un interprète assermenté, et faisant mention du franchissement de la frontière lituanienne par un chargement de produits expédié par la SAS Radior France et destiné à être livré en Russie à la société Tanzor. La SAS Radior a également obtenu du service territorial des douanes de Kaunas, en Lituanie, et non de sociétés de courtage en douane, l'authentification de la plupart de ces documents par l'apposition d'un cachet et la signature d'une autorité responsable. Elle fournit, s'agissant de certaines des opérations pour lesquelles cette authentification n'a pu être obtenue, la copie des certificats de sortie correspondants, du modèle IE 599, signés par le transporteur, lesquels sont également accompagnés d'une édition, issue du logiciel informatique de l'administration lituanienne des douanes, du volet n°1 de la déclaration d'exportation, dont les mentions sont renseignées et concordantes, cette édition étant certifiée conforme au document original par une autorité responsable du service en charge du contrôle des procédures douanières. Si toutefois le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir, dans ses dernières écritures en défense, que les recherches conduites par ses services n'ont mis en évidence aucune demande d'exportation présentée par la SAS Radior France au cours de la période d'imposition en litige, la société conteste ce point en faisant valoir, sans être contredite, que les demandes en cause ont été formées par un agent importateur mandaté par la société Tanzor. Les justificatifs et éléments d'information ainsi fournis par la SAS Radior France en appel, dont le caractère probant n'est, dans ces conditions, pas sérieusement contesté par le ministre, sont de nature à justifier de la réalité de la majeure partie des opérations d'exportation réalisées par elle à destination de son client russe, la société Tanzor, au cours de la période en litige. Si toutefois ces justificatifs ne couvrent pas l'ensemble des exportations revendiquées, ils conduisent, eu égard aux opérations d'exportation de biens déjà admises par l'administration au vu des observations précédemment présentées par la SAS Radior France, à accorder à celle-ci la décharge, en droits et pénalités, de l'ensemble des rappels de taxe sur la valeur ajoutée demeurant en litige.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Radior France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros au titre des frais de procédure exposés par la SAS Radior France.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501060 du 25 janvier 2018 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : La SAS Radior France est déchargée, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, pour un montant total de 346 681 euros.

Article 3 : L'Etat versera à la SAS Radior France la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Radior France et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

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N°18DA00587


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00587
Date de la décision : 04/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : KPMG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-06-04;18da00587 ?
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