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02/04/2020 | FRANCE | N°19DA02691,19DA02692

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 02 avril 2020, 19DA02691,19DA02692


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 4 juin 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902368 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a annul

é l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté du 4 juin 2019.

Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 4 juin 2019 par lequel le préfet de la Seine-Maritime lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1902368 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'ensemble des décisions contenues dans l'arrêté du 4 juin 2019.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2019 sous le n° 19DA02691, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen.

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II. Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2019 sous le n° 1902692, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution du jugement du tribunal administratif de Rouen du 7 novembre 2019.

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Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme E... B..., présidente de chambre, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 19DA02691 et n° 19DA02962 présentées par le préfet de la Seine-Maritime, présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

2. M. A... qui déclare être entré en France le 27 mars 2008, a indiqué être ressortissant nigérian et être né le 6 août 1974. Le 24 avril 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet interjette appel du jugement du 7 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 4 juin 2019 refusant à M. A... la délivrance du titre de séjour sollicité, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et fixant le pays de destination. Il demande également à la cour d'ordonner la suspension de l'exécution du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

3. Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. " et aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

5. Pour contester l'authenticité de l'acte de naissance que M. A... a présenté à l'appui de sa demande de titre de séjour, le préfet s'est fondé sur un rapport de la direction interdépartementale de la police aux frontières, versé, pour la première fois en appel, dans son intégralité. Ce service, après avoir procédé à une comparaison avec le modèle authentique figurant dans sa base documentaire, a indiqué que ce document était contrefait compte tenu des nombreuses anomalies qu'il comporte : couleurs de l'emblème non conformes, support imprimé au moyen d'une impression à jet d'encre alors qu'elle aurait dû l'être en " offset ", photographie imprimée alors qu'elle aurait dû être rapportée avec un timbre sec, absence de timbre sec au niveau de la signature de l'autorité, absence de deux timbres secs au verso en haut de page, présence d'un timbre humide de mauvaise qualité. L'ensemble de ces éléments est de nature à renverser la présomption d'authenticité résultant des dispositions de l'article 47 du code civil. Si l'intimé produit un passeport obtenu le 30 mai 2019, un tel document ne constitue pas un acte d'état civil mais un document de voyage et a pu être obtenu sur présentation de l'acte de naissance contrefait. Enfin, la déclaration sur l'honneur de Mme C... G... recueillie le 25 octobre 2018 devant la Haute Cour de Justice ne suffit pas davantage à établir l'état civil de l'intéressé, dès lors qu'elle consiste en une simple déclaration sur l'honneur dénuée de valeur juridique probante. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, pour ce motif annulé l'arrêté en litige.

6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Rouen et la cour.

Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

7. La décision en litige a été signée par Mme Houda Vernhet, secrétaire générale adjointe de la préfecture de la Seine-Maritime, qui a reçu délégation à cet effet, en cas d'absence ou d'empêchement du secrétaire général, par un arrêté du préfet de la Seine-Maritime du 23 avril 2019, publié le même jour au recueil des actes administratifs. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire ne peut, par suite, qu'être écarté.

8. La décision en litige vise les textes dont elle fait application et mentionne les faits qui en constitue le fondement. Elle mentionne en particulier l'usage d'une fausse identité dans le but de se voir admettre au séjour et fait état des éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de l'intéressé, précisant notamment la date d'entrée en France, qu'il est célibataire et père de deux enfants dont il n'établit pas subvenir à l'entretien et à l'éducation. Par suite, et alors même que ses motifs ne reprennent pas l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, la décision litigieuse est régulièrement motivée au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des termes de la décision contestée, que le préfet de la Seine-Maritime n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle et familiale de l'intéressé.

10. Il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour a été rejetée au motif, tiré de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que M. A... n'a présenté aucun document probant justifiant de son état civil et de sa nationalité. Il en résulte qu'il y a lieu d'écarter comme inopérant les moyens de la demande tirés du vice de procédure au regard des dispositions des articles L. 312-2 et L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de la méconnaissance des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 dudit code.

11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est père de deux enfants, Macvincent A..., né le 21 juillet 2006 de sa relation avec une ressortissante gambienne et Elisabeth A..., née le 02 septembre 2010, issue de sa relation avec une ressortissante russe. Toutefois, il ne justifie pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de ceux-ci par les documents qu'il produit, datés d'il y a plusieurs années pour la plupart, constitués de quelques mandats cash et d'attestations peu circonstanciées émanant d'amis. Si une décision du juge des enfants du 20 mai 2016 levant la procédure d'assistance éducative de sa fille fait état de ce qu'il voit celle-ci dans le cadre des visites organisées par le service éducatif, l'intimé ne produit aucun élément permettant d'établir que depuis cette date, il a maintenu des relations avec sa fille. Par suite, le préfet de la Seine-Maritime n'a pas, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le refus de titre de séjour n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. A....

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

12. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

13. Pour les motifs exposés aux points 5 et 10, il y lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 111-6 et R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celui tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11.

14. Pour les motifs exposés au point 11, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que celui tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

15. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ". Si M. A... allègue maintenir une relation affective avec ses enfants, il ne l'établit pas pour les motifs exposés au point 11. Dans ces conditions, le préfet n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

16. Les stipulations de l'article 9-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux personnes individuelles intéressées. Par suite, M. A... ne peut invoquer utilement les stipulations de cet article.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

17. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

18. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) / La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".

19. La décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et fait état des conditions d'entrée et de séjour en France de M. A..., de son maintien sur le territoire national en dépit des mesures d'éloignement prises à son encontre, de ce qu'il ne justifie pas de l'intensité des liens avec ses enfants et de la circonstance qu'il utilise un acte de naissance contrefait. Cette décision énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté.

20. Les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation, de la méconnaissance des articles 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés pour les motifs exposés au point 11.

21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Maritime est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté du 4 juin 2019.

Sur les conclusions de la requête tendant au sursis à l'exécution du jugement :

22. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur les conclusions du préfet de la Seine-Maritime tendant à l'annulation du jugement du 7 novembre 2019, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme demandée au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet de la Seine-Maritime enregistrée sous le numéro 19DA02692.

Article 2 : Le jugement n° 1902368 du 7 novembre 2019 du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 3 : La demande de première instance et les conclusions d'appel de M. A... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. H... A... et à Me D... F....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime

N°19DA02691,19DA02692 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02691,19DA02692
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Christine Courault
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : GRAVELOTTE ; GRAVELOTTE ; GRAVELOTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-04-02;19da02691.19da02692 ?
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