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02/04/2020 | FRANCE | N°19DA00678

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (quater), 02 avril 2020, 19DA00678


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... F... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 4 mai 2018 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1803792 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2019, Mme A... F..., rep

résentée par Me B... G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'ar...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... F... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 4 mai 2018 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1803792 du 10 janvier 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2019, Mme A... F..., représentée par Me B... G..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 mai 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre principal de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire de lui délivrer, sous huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, une autorisation temporaire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, à titre principal, le versement au profit de son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, son conseil renonçant dans cette hypothèse au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à titre subsidiaire, le versement à son profit de la même somme.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... E..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... F..., ressortissante congolaise née le 28 août 1975 qui a déclaré être arrivée en France le 11 novembre 2012, a obtenu en qualité d'étranger malade, sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la délivrance d'un premier titre de séjour d'un an à compter du 15 janvier 2014, renouvelé à trois reprises, jusqu'au 8 décembre 2017. Par arrêté du 4 mai 2018, le préfet de l'Eure a refusé de renouveler le titre de séjour, et lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme A... F... relève appel du jugement rendu le 10 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, si le troisième alinéa de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que le médecin ayant établi le rapport médical sur l'étranger malade ne siège pas au sein du collège de trois médecins formulant l'avis au vu duquel le préfet doit prendre sa décision, aucune disposition légale ou réglementaire ou aucun principe n'exige que le préfet s'assure préalablement à sa décision que l'interdiction posée par les dispositions sus-évoquées a été respectée, ou que l'avis émis par le collège indique l'auteur du rapport médical. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il ne peut appartenir qu'à l'autorité administrative d'apporter les éléments qu'elle est seule à détenir et qui permettent l'identification du médecin ayant rédigé le rapport. Si un requérant met en doute l'exactitude des éléments ainsi fournis par l'administration, et, par suite, la régularité de la composition du collège de médecins, il ne peut utilement soutenir que l'administration se constituerait ainsi une preuve à elle-même sans apporter des éléments circonstanciés au soutien de son moyen.

3. En l'espèce, il ressort de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 3 avril 2018, et de l'attestation datée du 20 novembre 2018 signée de la directrice territoriale de l'OFII, documents produits au dossier par le préfet en première instance, que l'auteur du rapport médical sur l'état de santé de l'intéressée n'a pas fait partie du collège de trois médecins ayant émis l'avis au vu duquel le préfet a pris sa décision. A défaut pour l'appelante de verser au dossier des éléments susceptibles de remettre en cause l'exactitude des mentions portées sur ces documents et relatives à l'identité des médecins ayant eu à connaître son état de santé, il ressort donc des pièces du dossier qu'a été respectée l'interdiction posée par le troisième alinéa de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, Mme A... F... n'a été privée d'aucune garantie de ce chef. S'il ressort de ces mêmes éléments que le préfet ne s'est pas assuré de ce respect préalablement au refus de titre de séjour en litige en date du 4 mai 2018, cette circonstance ne caractérise la méconnaissance d'aucune garantie, et est sans incidence sur la régularité du refus de titre de séjour en litige.

4. En deuxième lieu, l'avis du 3 avril 2018 du collège des médecins indique qu'il a été émis après qu'il en a été délibéré par le collège. Cette mention fait foi jusqu'à preuve du contraire, sans qu'il soit besoin d'exiger de l'administration la production d'aucun document qui établirait le respect de l'exigence de délibération préalable à l'émission de l'avis, posée par les dispositions du quatrième alinéa de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cette preuve contraire n'étant pas apportée par les seuls doutes de l'intéressée, le moyen tiré du non-respect d'une délibération collégiale préalable à l'émission de l'avis du collège des médecins de l'OFII ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, si l'appelante reproche au préfet de s'être prononcé sur son état de santé au seul vu de l'avis du collège des médecins de l'OFII, donné sous forme de cases cochées, il est rappelé que le secret médical interdit aux médecins émettant l'avis de révéler des informations sur la pathologie d'un patient ainsi que sur la nature de ses traitements médicaux, fût-ce en portant une appréciation sur l'état du système de soins dans le pays d'origine. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait cru en situation de compétence liée ou n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée, alors, en outre, qu'il a mentionné dans son arrêté d'autres circonstances de fait propres à la situation personnelle de Mme A... F....

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

7. Dans son avis du 3 avril 2018, le collège des médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les pièces médicales produites au dossier par Mme A... F..., qui indiquent notamment qu'elle nécessite une prise en charge médico-psychiatrique et que l'absence de soins peut entraîner des décompensations graves et sévères, le fait qu'elle est travailleuse handicapée et perçoit l'allocation adulte handicapé, et la circonstance qu'elle a précédemment obtenu pour cette même pathologie, qui selon elle n'évoluerait pas, un titre de séjour renouvelé trois fois sur avis du médecin de l'agence régionale de santé alors compétent pour donner l'avis médical préalable à la décision préfectorale, sont insuffisants à établir que le défaut d'une prise en charge médicale entraînerait pour Mme A... F... des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dès lors, la circonstance que l'intéressée ne pourrait pas bénéficier effectivement dans son pays d'origine du suivi médical nécessaire est sans incidence sur la légalité du refus de titre de séjour. Par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En dernier lieu, Mme A... F..., âgée de quarante-deux ans et demi à la date de l'arrêté en litige, fait valoir vivre à cette date depuis cinq ans et demi en France, justifie travailler depuis octobre 2016 en qualité d'agent de service sous contrat à durée indéterminée à temps partiel et affirme avoir retrouvé ses frères et soeur en France. Il est cependant constant qu'elle dispose d'attaches familiales en République Démocratique du Congo où vivent ses deux enfants mineurs et où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-sept ans. Dans ces conditions, en lui refusant un titre de séjour, le préfet de l'Eure n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'appelante.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, l'appelante, qui n'établit pas l'illégalité du refus de titre de séjour, n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français.

10. En deuxième lieu, pour les motifs exposés au point 7, doit être écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui interdit qu'une obligation de quitter le territoire français soit prise à l'encontre d'un étranger dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut serait de nature à entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. La décision attaquée vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel elle se fonde. En outre, elle précise la nationalité de Mme A... F... et énonce que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... F... aurait fait état, devant le préfet, d'éléments quant à ses craintes en cas de retour en République Démocratique du Congo justifiant une motivation spécifique de l'arrêté litigieux sur le pays de renvoi. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de destination manque en fait.

12. L'appelante, qui n'établit pas l'illégalité du refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme A... F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions accessoires de la requérante aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... F..., au ministre de l'intérieur et à Me B... G....

Copie sera adressée pour information au préfet de l'Eure.

5

N°19DA00678


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (quater)
Numéro d'arrêt : 19DA00678
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Hélène Busidan
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-04-02;19da00678 ?
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