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02/04/2020 | FRANCE | N°19DA00655

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (quater), 02 avril 2020, 19DA00655


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 26 juin 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1803826 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enr

egistrée le 18 mars 2019, Mme A..., représentée par Me B... F..., demande à la cour :

1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 26 juin 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1803826 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mars 2019, Mme A..., représentée par Me B... F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 juin 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Maritime, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement au profit de son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, son conseil renonçant dans cette hypothèse au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... D..., première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... A..., ressortissante angolaise née le 25 décembre 1965, relève appel du jugement rendu le 29 janvier 2019 par le tribunal administratif de Rouen, qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 26 juin 2018, par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, si le troisième alinéa de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que le médecin ayant établi le rapport médical sur l'étranger malade ne siège pas au sein du collège de trois médecins formulant l'avis au vu duquel le préfet doit prendre sa décision, aucune disposition légale ou réglementaire ou aucun principe n'exige que l'avis émis par le collège indique l'auteur du rapport médical. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il ne peut appartenir qu'à l'autorité administrative d'apporter les éléments qu'elle est seule à détenir et qui permettent l'identification du médecin ayant rédigé le rapport. Si un requérant met en doute l'exactitude des éléments ainsi fournis par l'administration, et, par suite, la régularité de la composition du collège de médecins, il ne peut utilement soutenir que l'administration se constituerait ainsi une preuve à elle-même sans apporter des éléments circonstanciés au soutien de son moyen.

3. En l'espèce, il ressort de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 10 avril 2018, et de l'attestation datée du 5 novembre 2018 signée de la directrice territoriale de l'OFII, documents produits au dossier par la préfète en première instance, que l'auteur du rapport médical sur l'état de santé de l'intéressée n'a pas fait partie du collège de trois médecins ayant émis l'avis au vu duquel la préfète a pris sa décision. A défaut pour l'appelante de verser au dossier des éléments susceptibles de remettre en cause l'exactitude des mentions portées sur ces documents et relatives à l'identité des médecins ayant eu à connaître de son état de santé, il ressort donc des pièces du dossier qu'a été respectée l'interdiction posée par le troisième alinéa de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. En deuxième lieu, Mme A... n'apportant pas davantage d'éléments au soutien de ses allégations mettant en doute l'exactitude de l'attestation du 5 novembre 2018 en tant qu'elle indique que le rapport du médecin instructeur a été transmis le 9 mars 2018 au collège de médecins, le moyen tiré de ce que ce rapport n'aurait pas été transmis au collège des médecins préalablement à l'émission de son avis doit être écarté.

5. En troisième lieu, il ressort de la consultation du site internet de l'OFII, accessible tant au juge qu'aux parties, que les trois médecins formant le collège qui a rendu l'avis au vu duquel la préfète a pris la décision en litige ont été nommés par une décision datée du 2 avril 2018 prise par le directeur général de l'office et publiée sur le site internet sus-évoqué. Par suite, le moyen tiré de ce que les médecins composant le collège n'auraient pas été régulièrement nommés manque en fait.

6. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'avant d'émettre son avis, le médecin de l'OFII rédacteur du rapport médical à transmettre au collège des médecins a convoqué, par courrier daté du 26 septembre 2017, Mme A... pour un examen clinique fixé au 25 octobre 2017. L'appelante soutient que le décès d'un de ses enfants la veille de ce rendez-vous l'a empêchée de s'y rendre, qu'elle aurait fait avertir le service de son empêchement et aurait attendu en vain d'être à nouveau convoquée, et que, dans ces conditions et dès lors que le rapport du médecin a été transmis au collège de médecins sans qu'elle ait fait l'objet de l'examen clinique prévu par le médecin instructeur lui-même, l'avis rendu par le collège de médecins serait irrégulier. Si, comme l'ont relevé les premiers juges, la seule pièce versée au dossier de première instance faisant état d'une information de l'OFII datait du 21 décembre 2017, est dorénavant versée en appel l'attestation d'une animatrice du centre d'hébergement de l'intéressée, qui appuie ses dires. Cependant, alors que l'acte de décès produit ne corrobore pas les écritures de l'appelante quant au sexe de la personne décédée et ne fournit aucune certitude quant à son lien de filiation avec Mme A..., ce document est insuffisant par lui-même à établir que, comme le prétend l'intéressée, elle aurait prévenu ou fait prévenir le service médical territorial de son empêchement dès ce décès connu. Dans ces conditions, le moyen précité doit être écarté.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

8. Dans son avis du 10 avril 2018, le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de cette prise en charge ne devrait pas entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Les certificats et attestations médicaux, ordonnances, note sociale produits au dossier par Mme A..., font état de pathologies diverses, dont certaines mentionnées comme étant guéries, sans qu'il ressorte de ces documents que ces pathologies seraient de nature à entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de prise en charge. Il en est notamment ainsi du syndrome anxio-dépressif dont souffre l'intéressée, que les attestations du psychiatre qualifient de " majeur " mais indiquent seulement qu'un traitement est nécessaire sans préciser les conséquences qu'un éventuel défaut de ce traitement auraient sur l'état de santé de Mme A.... Par suite, les pièces versées au dossier ne permettent pas d'établir, que contrairement à l'appréciation portée sur ce point par le collège des médecins de l'OFII, le défaut d'un traitement approprié à son état de santé serait de nature à entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dès lors, Mme A... ne peut utilement soutenir qu'elle ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour en litige méconnaîtrait les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

9. En sixième lieu, pour l'application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme pour l'application des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui, les unes et les autres, protègent d'une atteinte disproportionnée le droit au respect de la vie privée et familiale, l'étranger qui invoque la protection due à ce droit doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

10. Il ressort des pièces du dossier que si Mme A... déclare être entrée sur le territoire français le 6 novembre 2010 et y séjourner depuis, elle s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français depuis le rejet de sa demande d'asile et l'obligation de quitter ce territoire qui lui en a été faite par arrêté daté du 30 mai 2012 jusqu'à ses demandes de mai et juillet 2017 ayant donné lieu à la décision en litige. Certes, il ressort des pièces du dossier que Mme A... a appris la langue française, participe à des activités bénévoles et paraît entretenir, selon leurs attestations versées en appel, certaines relations avec deux enfants majeurs disposant d'un titre de séjour en France d'une durée d'un an. Cependant, alors que Mme A... était âgée de quarante-cinq ans lors de son entrée en France et que, selon une note sociale datée du 28 juillet 2018, elle conserve des liens familiaux dans son pays d'origine où résident des enfants majeurs, ces circonstances sont insuffisantes à établir qu'en prenant l'arrêté en litige, la préfète aurait porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus de lui délivrer un titre de séjour. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

11. En septième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ". Il ne résulte pas de la situation de Mme A..., telle que retracée dans les points précédents, que seraient caractérisées des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté. Pour les mêmes raisons, le moyen tiré de ce que le refus de titre de séjour en litige serait entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, l'appelante, qui n'établit pas l'illégalité du refus de titre de séjour, n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français en soulevant notamment le moyen tiré du vice de procédure qu'il convient d'écarter par les motifs énoncés aux points 3 à 6.

13. En deuxième lieu, pour les motifs exposés au point 8, doit être écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui interdit qu'une obligation de quitter le territoire français soit prise à l'encontre d'un étranger dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut serait de nature à entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

14. En troisième lieu, pour les motifs exposés au point 10, doivent être écartés les moyens tirés de ce que la décision en litige méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

15. En premier lieu, la décision attaquée vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lequel elle se fonde. En outre, elle précise la nationalité de Mme A... et énonce que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... aurait fait état, devant la préfète, de nouveaux éléments quant à ses craintes en cas de retour en Angola justifiant une motivation spécifique de l'arrêté litigieux sur le pays de renvoi. Ainsi, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision fixant le pays de destination manque en fait.

16. En second lieu, l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ", lequel stipule que " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

17. Les affirmations de Mme A..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 20 mai 2011, confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 10 avril 2012, sur les risques actuels et personnels qu'elle encourrait en cas de retour dans son pays d'origine ne sont étayées par aucun autre élément versé au dossier. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision fixant l'Angola comme pays de renvoi de l'intéressée serait contraire à l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions accessoires de la requérante aux fins d'injonction et d'astreinte et celles qu'elle présente au titre de l'article de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... A..., au ministre de l'intérieur et à Me B... F....

Copie sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

4

N°19DA00655


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (quater)
Numéro d'arrêt : 19DA00655
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Courault
Rapporteur ?: Mme Hélène Busidan
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-04-02;19da00655 ?
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