Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 7 février 2019 par lequel le préfet de l'Eure a prononcé son expulsion pour menace grave à l'ordre public.
Par un jugement n° 1901183 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 décembre 2019, M. A... B..., représenté par Me C... E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté du 7 février 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur,
- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant marocain né le 1er février 1980, relève appel du jugement du 5 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 février 2019 par lequel le préfet de l'Eure a prononcé son expulsion du territoire français.
Sur la légalité externe de l'arrêté contesté :
2. L'arrêté d'expulsion contesté comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde. Il est, par suite, suffisamment motivé.
3. Aux termes de l'article L. 522-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " (...) Devant la commission, l'étranger peut faire valoir toutes les raisons qui militent contre son expulsion. Un procès-verbal enregistrant les explications de l'étranger est transmis, avec l'avis motivé de la commission, à l'autorité administrative compétente pour statuer. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé. (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que la commission d'expulsion s'est réunie le 31 janvier 2019 et a émis un avis favorable à l'expulsion de M. A... B..., ce qui est précisé à la fois par une fiche intitulée " avis de la commission du 31 janvier 2019 ", signée de ses trois membres, comportant la mention manuscrite " avis favorable en application de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ", et du procès-verbal du même jour, qui comporte seulement cette même mention. Ainsi, si la commission a donné le sens de son avis, elle n'a pas pour autant explicitement précisé les motifs l'ayant conduit à émettre un tel avis. Par suite, l'avis de la commission d'expulsion n'a pas été émis dans les conditions fixées par l'article L. 522-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé l'intéressé d'une garantie.
6. Il ressort des pièces du dossier que pour prendre l'arrêté en litige, le préfet a également disposé du procès-verbal de la commission d'expulsion, lequel énonce les multiples condamnations de M. A... B... depuis son entrée en France, les différents éléments de sa situation personnelle et familiale et notamment la nature de ses attaches en France et au Maroc, ainsi que son absence de projet à sa sortie de prison. Il y est également mentionné les observations de M. A... B..., recueillies au cours de cette réunion, et notamment le fait qu'il souhaitait retourner au Maroc. Ce faisant, au regard de l'ensemble de ces éléments, il ne ressort pas des pièces du dossier que le vice affectant l'avis de la commission ait été susceptible d'exercer en l'espèce une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il aurait privé l'intéressé d'une garantie. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'avis de la commission d'expulsion doit être écarté.
7. Aucune disposition législative ou réglementaire n'impose que l'avis émis par la commission d'expulsion soit rendu à l'unanimité de ses membres. D'ailleurs, ni l'avis, ni les termes de l'arrêté contesté ne mentionnent que cet avis a été rendu à l'unanimité. La seule circonstance que le préfet ait précisé, dans son mémoire en défense de première instance, que l'avis aurait émis à l'unanimité des membres de la commission est, par suite, sans incidence sur la régularité de la procédure menée devant la commission d'expulsion.
Sur la légalité interne de l'arrêté contesté :
8. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ".
9. Les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public. Lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace pour prononcer l'expulsion d'un étranger, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.
10. Il ressort des pièces du dossier que le requérant, arrivé en France en 2002, a été incarcéré à compter du 21 avril 2004, jusqu'en 2019. Il a fait l'objet de treize condamnations pour des faits commis entre 2002 et 2007, tels qu'acquisition, offre et cession non autorisée de stupéfiants, usage illicite de stupéfiants, agression sexuelle commise en réunion, vols avec violence. Il a été condamné, en dernier lieu, en 2009, à dix ans de réclusion criminelle par la cour d'assise des Côtes d'Armor, pour des faits de viol commis sous la menace d'une arme. Il ressort également des termes du jugement du tribunal de l'application des peines de Nantes du 17 janvier 2018, qui a ordonné le placement sous surveillance judiciaire de l'intéressé à compter de sa libération et pour une période de dix-sept mois, que selon des éléments d'évaluation médicaux et pluridisciplinaires, M. A... B... présente une dangerosité potentielle avec un risque de récidive avéré. Dans ces conditions, eu égard à la gravité et au caractère répété des actes délictuels et criminels commis par M. A... B..., y compris pendant son incarcération, le préfet a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer qu'il représente une menace grave pour l'ordre public justifiant son expulsion.
11. Si M. A... B... soutient que son ancienne épouse, de nationalité française, dont il est divorcé, bénéficiait d'un permis de visite jusqu'en août 2012, il ressort des termes des rapports du service pénitentiaire d'insertion et de probation qu'il n'a pas continué à entretenir un lien avec elle, depuis lors. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier, et notamment des termes du rapport du directeur du centre de détention de Val-de-Reuil, que l'intéressé, qui bénéficiait de six permis de visite actifs, n'a reçu aucune visite depuis son incarcération à Val-de-Reuil. En outre, il reconnaît ne plus avoir de contact avec sa fille, âgée de quatorze ans. Ses allégations selon lesquelles la mère de sa fille s'opposerait à ce qu'il maintienne un lien affectif avec sa fille sont, en outre, dépourvues de tout commencement de preuve. Il a également été inactif en détention, en dépit de plusieurs propositions de postes de travail. Par suite, le préfet de l'Eure n'a pas plus commis d'erreur d'appréciation, ni d'erreur de fait en estimant, dans les motifs de l'arrêté en litige, qu'il ne contribuait pas à l'entretien et à l'éducation de sa fille.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Eure.
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N°19DA02734
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