Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 22 mars 2019 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités italiennes, en vue de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 1901099 du 18 avril 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 juillet 2019, M. F... B..., représenté par Me C... E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 mars 2019 du préfet du Nord ;
3°) d'enjoindre au préfet du Nord de prendre en charge l'instruction de sa demande d'asile, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
- l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement ;
- l'arrêté du 20 décembre 2017 portant expérimentation de la régionalisation de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région Hauts-de-France ;
- l'arrêté du 9 juillet 2018 portant prorogation de l'expérimentation de la régionalisation de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région Hauts-de-France ;
- l'arrêté du 2 octobre 2018 modifiant l'arrêté du 20 décembre 2017 portant expérimentation de la régionalisation de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région Hauts-de-France ;
- l'arrêté du 10 mai 2019 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement (métropole) ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.
Une note en délibéré présentée pour le préfet du Nord par Me A... D... a été enregistrée le 5 février 2020.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., de nationalité congolaise, né le 27 mars 1991, a présenté une demande d'asile. Il relève appel du jugement du 18 avril 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 22 mars 2019 par lequel le préfet du Nord a décidé son transfert aux autorités italiennes, pour l'examen de sa demande d'asile. Le préfet du Nord, qui n'a pas produit d'observations en défense, a versé au dossier une pièce dont il ressort qu'il a ensuite informé les autorités italiennes que M. B... a pris la fuite et que le délai de transfert est prolongé juqu'au 18 octobre 2020.
2. L'article 37-1 de la Constitution prévoit que la loi et le règlement peuvent comporter, pour un objet et une durée limités, des dispositions à caractère expérimental. Aux termes de l'article R. * 742-1 du code de l'entrée et de sortie des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable jusqu'à sa modification par le décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019 : " L'autorité compétente pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, assigner à résidence un demandeur d'asile en application de l'article L. 742-2 et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. La même autorité est compétente pour faire conduire l'étranger assigné à résidence en vue d'assurer sa présentation aux convocations de l'autorité administrative et aux entretiens prévus dans le cadre de la procédure de détermination de l'Etat responsable de la demande d'asile et pour saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de requérir les services de police ou les unités de gendarmerie en application des quatrièmes et cinquièmes alinéas de l'article L. 742-2. Un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements ". En outre, depuis l'entrée en vigueur du décret du 23 janvier 2019 précité, des dispositions similaires figurent à l'article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 : " Le préfet de département est compétent en matière d'entrée et de séjour des étrangers ainsi qu'en matière de droit d'asile. En matière d'asile, un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer ces missions dans plusieurs départements ".
3. Sur le fondement des dispositions de l'article R.* 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un arrêté conjoint a été pris le 20 décembre 2015 par le ministre de l'intérieur également chargé de l'asile, pour la région des Hauts-de-France, sous la forme d'une expérimentation au sens de l'article 37-1 de la Constitution. Les deux premiers articles de cet arrêté ont prévu, dans leur version d'origine, que le préfet du département du Nord est l'autorité administrative compétente, pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile, assigner à résidence le demandeur, renouveler l'attestation de demande d'asile et prendre la décision de transfert, non seulement s'agissant des demandes d'asile qu'il a lui-même enregistrées, c'est-à-dire, en application d'un arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'Etat responsable de leur traitement, celles de demandeurs domiciliés dans le Nord et le Pas-de-Calais à l'exception de l'arrondissement de Calais, mais aussi, s'agissant des demandes d'asile enregistrées par le préfet du département de l'Oise, lequel est compétent, en application du même arrêté du 20 octobre 2015, pour enregistrer les demandes d'asile des demandeurs domiciliés dans l'Aisne, l'Oise, et la Somme. Ainsi, sous l'empire de cette expérimentation, le préfet du Nord était compétent pour prendre des décisions de transfert et d'assignation à résidence à l'égard de demandeurs ayant leur domicile dans le Nord, mais aussi dans le Pas-de-Calais à l'exception de l'arrondissement de Calais, l'Aisne, l'Oise et la Somme, et ce, pour les demandes d'asile enregistrées à compter du 1er décembre 2017, ainsi qu'un arrêté du 1er mars 2018 est venu ultérieurement le préciser. L'article 3 de ce même arrêté du 20 décembre 2017 précisait clairement, comme l'exige l'article 37-1 de la Constitution, que ses dispositions s'appliquent à titre expérimental jusqu'au 30 juin 2018.
4. Un arrêté du ministre de l'intérieur du 9 juillet 2018 a ensuite prorogé cette expérimentation, jusqu'au 31 décembre 2018. Toutefois, aucun arrêté ultérieur n'est intervenu pour proroger une nouvelle fois l'expérimentation. Un autre arrêté du 2 octobre 2018 du ministre de l'intérieur, également en charge de l'asile, a certes modifié l'arrêté du 20 décembre 2017, mais sur un tout autre point dès lors qu'il s'agissait seulement et exclusivement d'étendre le champ géographique de l'expérimentation, d'abord limité aux demandes enregistrées par les préfets des départements du Nord et de l'Oise, à l'ensemble des départements de la région Hauts-de-France. Cet arrêté du 2 octobre 2018, qui s'est borné à modifier le seul article 1er de l'arrêté du 20 décembre 2017, et ce, pour étendre seulement le champ géographique de l'expérimentation, ne peut en aucun cas être regardé comme ayant eu pour effet de pérenniser l'expérimentation. Il s'ensuit qu'en l'absence de nouvelle prorogation, l'expérimentation de la régionalisation de la procédure d'examen de la demande d'asile dans la région Hauts-de-France a pris fin le 31 décembre 2018. Par voie de conséquence, chaque préfet de département a retrouvé sa compétence antérieure à l'expérimentation pour prendre les mesures, notamment de transfert et d'assignation à résidence, en cause, c'est-dire celles prévues au premier alinéa de l'article R.* 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et à l'article 11-1 du décret du 29 avril 2004, selon lesquels chaque préfet de département est compétent pour assigner à résidence un demandeur d'asile en application de l'article L. 742-2 et prendre une décision de transfert à son égard en application de l'article L. 742-3, quelle que soit par ailleurs la compétence des préfets pour enregistrer les demandes et déterminer le cas échéant l'Etat responsable de celles-ci. Ainsi, s'agissant de l'enregistrement des demandes d'asile et de la détermination de l'Etat responsable, c'est l'arrêté du 20 octobre 2015 déjà cité qui s'applique. Il prévoit, pour la région des Hauts-de-France, que le préfet du Nord est compétent pour le Nord et le Pas-de-Calais, à l'exception de l'arrondissement de Calais qui relève de la compétence du préfet du Pas-de-Calais, et que le préfet de l'Oise est compétent pour l'Aisne, l'Oise, et la Somme. Cette compétence ne vaut que pour l'enregistrement des demandes d'asile et la détermination de l'Etat responsable. Pour le reste, et en particulier pour assigner à résidence le demandeur d'asile, pour renouveler l'attestation de demande d'asile et pour prendre la décision de transfert, chaque préfet de département a retrouvé sa compétence naturelle, à l'égard des étrangers ayant leur domicile dans le département de son ressort.
5. L'arrêté du 10 mai 2019 du ministre de l'intérieur, pris sur le fondement du dernier alinéa de l'article 11-1 du décret du 29 avril 2004 dans sa rédaction issue du décret du 23 janvier 2019, désigne les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer le préfet responsable de leur traitement, et donne aussi compétence à ces mêmes préfets, notamment pour assigner à résidence le demandeur, renouveler l'attestation de demande d'asile et prendre la décision de transfert. Cet arrêté, qui n'institue pas une expérimentation, mais un dispositif pérenne, prévoit ainsi, pour la région Hauts-de-France, que pour l'enregistrement de la demande d'asile et la délivrance de la première attestation de demande d'asile, le préfet du Nord est compétent pour le Nord et le Pas-de-Calais, à l'exception de l'arrondissement de Calais qui relève de la compétence du préfet du Pas-de-Calais, et que le préfet de l'Oise est compétent pour l'Aisne, l'Oise, et la Somme. En revanche, pour les autres mesures, c'est-à-dire la détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile, le renouvellement de l'attestation de demande d'asile, la décision de transfert et celle d'assignation à résidence, le même arrêté prévoit que le préfet du Nord est compétent pour toutes les demandes d'asile concernant des demandeurs domiciliés dans un département de la région Hauts-de-France. Ayant vocation à mettre un dispositif pérenne en place, il abroge par ailleurs, en son article 5, plusieurs arrêtés, notamment l'arrêté du 20 octobre 2015 et l'arrêté du 20 décembre 2017, ce qui était au demeurant inutile s'agissant de ce dernier puisque, ainsi qu'il a été dit au point 4, l'expérimentation instituée par cet arrêté était devenue caduque depuis le 1er janvier 2019.
6. En outre, l'article 4 de l'arrêté du 10 mai 2019 prévoit que ses dispositions sont applicables aux demandes d'asile enregistrées à compter de sa publication, laquelle est intervenue au Journal Officiel de la République française du 17 mai 2019, de sorte qu'il ne couvre pas la période comprise entre la fin de l'expérimentation et son entrée en vigueur. Il existe, ainsi, une période intermédiaire durant laquelle le préfet du Nord n'était plus compétent pour prendre des arrêtés de transfert et d'assignation à résidence à l'égard de demandeurs d'asile domiciliés dans un autre département que celui du Nord, du fait de la fin de l'expérimentation, et pas encore compétent, le dispositif pérenne n'étant pas encore en vigueur. Ainsi, la compétence du préfet du Nord pour prendre des arrêtés de transfert et d'assignation à résidence, tels que l'arrêté attaqué, dépend à la fois de la date à laquelle ils ont été pris, de la date à laquelle la demande d'asile a été enregistrée et de son lieu d'enregistrement, mais aussi du lieu du domicile du demandeur. Le préfet du Nord est dès lors compétent, tout d'abord, pour prendre un arrêté de transfert ou d'assignation à résidence concernant un demandeur domicilié ... au plus tard le 31 décembre 2018, sous l'empire de l'expérimentation encore en vigueur, ensuite, pour prendre un arrêté de transfert ou d'assignation à résidence concernant un demandeur domicilié ... dont la demande d'asile a été enregistrée à compter du 17 mai 2019 et, toujours, pour prendre des actes concernant des demandeurs domiciliés dans le département du Nord, quelle que soit la date d'enregistrement de leur demande d'asile. En revanche, le préfet du Nord est incompétent lorsqu'il a pris, à compter du 1er janvier 2019, un arrêté de transfert ou d'assignation à résidence concernant un demandeur domicilié ..., autre que le département du Nord, dont la demande d'asile a été enregistrée avant le 17 mai 2019.
7. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de M. B... a été enregistrée le 8 janvier 2019, à la préfecture de l'Oise, soit à une date antérieure au 17 mai 2019, alors qu'il était domicilié .... Le préfet du Nord n'était, par suite, pas encore compétent pour décider du transfert de M. B... aux autorités italiennes par un arrêté du 22 mars 2019, alors que l'expérimentation de régionalisation avait pris fin et qu'il n'entrait pas dans le champ d'application du dispositif pérenne mis en œuvre dans les conditions rappelées aux points 5 et 6.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et de l'arrêté du 22 mars 2019 en litige.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. L'exécution du présent arrêt implique seulement qu'il soit enjoint au préfet du Nord de transmettre le dossier de M. B... au préfet territorialement compétent pour en connaître, dans le délai d'un mois à compter de la notification, afin que celui-ci l'instruise et statue à nouveau, soit pour prendre un nouvel arrêté de transfert, soit pour délivrer à l'intéressé une attestation de demande d'asile, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. M. B... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par décision du 15 juillet 2019. Par suite, son avocat ne pouvant se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sa demande au titre des dispositions précitées doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1901099 du 18 avril 2019 du tribunal administratif d'Amiens et l'arrêté du 22 mars 2019 du préfet du Nord sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Nord, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, de transmettre le dossier de M. B... au préfet territorialement compétent pour en connaître afin que celui-ci l'instruise et statue à nouveau, soit pour prendre un nouvel arrêté de transfert, soit pour délivrer à l'intéressé une attestation de demande d'asile.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., au ministre de l'intérieur, au préfet du Nord et à Me C... E....
N° 19DA01675 2