La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/02/2020 | FRANCE | N°19DA01987

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 06 février 2020, 19DA01987


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 29 mai 2019 par lesquelles le préfet de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1901954 du 26 juillet 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 août 20

19, M. E..., représenté par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 29 mai 2019 par lesquelles le préfet de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1901954 du 26 juillet 2019, le magistrat désigné du tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 août 2019, M. E..., représenté par Me C... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 29 mai 2019 par lesquelles le préfet de l'Oise l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

----------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., né le 12 mai 1972, de nationalité géorgienne, a demandé l'asile en France, le 17 mai 2018. Sa demande a été rejetée par l'Office français des réfugiés et apatrides, le 29 mars 2019. Le préfet de l'Oise a alors prononcé à son encontre, le 29 mai 2019, une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, assorti d'une décision fixant le pays de renvoi. M. E... relève appel du jugement du tribunal administratif d'Amiens qui a rejeté sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de ces décisions.

2. D'une part, aux termes du paragraphe premier de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Ces stipulations sont toujours invocables à l'appui d'une obligation de quitter le territoire français, même lorsque celle-ci est prise sur le fondement du rejet d'une demande d'asile. Il en résulte que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Les stipulations précitées sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

3. D'autre part, le juge de l'excès de pouvoir peut prendre en compte des pièces postérieures à la décision contestée lorsqu'elles attestent d'un état antérieur.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. E... est arrivé en France avec son épouse et ses deux enfants mineurs. Sa fille aînée, née le 8 janvier 2008, souffre d'une scoliose sévère. Un certificat médical, établi le 5 octobre 2017 dans un centre médical géorgien, attestait que la déformation pouvait entraîner des difficultés à respirer et préconisait une chirurgie reconstructive de la colonne vertébrale. Les examens médicaux pratiqués en France, en août et septembre 2018, confirmaient une importante scoliose thoraco-lombaire. Un praticien hospitalier certifiait aussi, le 21 février 2019, antérieurement à la décision contestée, que l'enfant devait être hospitalisée et opérée d'une scoliose congénitale grave " dans les mois qui viennent ". A la même date, l'enfant était convoquée pour une nouvelle consultation hospitalière en chirurgie pédiatrique, le 21 mars 2019. Le 14 mai 2019, toujours antérieurement à la décision contestée, le même praticien hospitalier indiquait qu'une chirurgie de la colonne vertébrale était programmée le 3 septembre 2019, avec mise en place préalable d'un appareillage dès le 9 juillet 2019 et que la présence des parents aux côtés de leur fille était nécessaire. L'ensemble de ces pièces médicales avaient été fournies en première instance. Un certificat médical d'un autre praticien du même service hospitalier, certes postérieur à la décision contestée, en date du 9 août 2019, est produit pour la première fois en cause d'appel et vient décrire, de manière précise et circonstanciée, l'état de santé de la fillette, antérieur à la décision contestée, et les soins qu'ils nécessitent, décidés et entamés également antérieurement à la décision contestée. Ce dernier certificat précise que la scoliose de l'enfant constitue une déformation très sévère de la colonne vertébrale qui peut entraîner, si elle évolue, le décès. Il indique également que les choix thérapeutiques d'appareillage par halo crânien, puis de chirurgie, par arthrodèse du rachis, prescrits pour l'enfant, sont réservés aux cas les plus graves et sont à haut risque. Il atteste également que les soins impliquent un suivi hospitalier pendant un an et nécessitent la présence de la famille. Le praticien certifie enfin que cette chirurgie à haut risque et hautement spécialisée n'est pas réalisée en Géorgie. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'état de la fille aînée de l'appelant nécessite, à la date de la décision contestée, sa prise en charge pour soins en France et la présence à ses côtés de ses parents. Par suite, et dans les circonstances très particulières de l'espèce, l'obligation de quitter le territoire français de M. E... méconnaît l'intérêt supérieur de son enfant.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée. Par suite, cette décision est annulée, ainsi que, par voie de conséquence la décision lui allouant un délai de départ de trente jours pour l'exécution de l'éloignement et la décision fixant le pays de renvoi, qui se trouvent privées de base légale.

6. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ". Par suite, les conclusions de l'appelant à fins d'injonction de réexamen de sa situation et de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour sont sans objet et doivent être rejetées pour ce motif.

7. M. E... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, la somme de 1 000 euros à verser à Me B..., conseil de l'appelant, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 26 juillet 2019 est annulé.

Article 2 : Les décisions du 23 mai 2019 par lesquelles le préfet de l'Oise a obligé M. E... à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination sont annulées.

Article 3 : L'Etat versera à Me B..., avocat de M. E..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. E... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., au ministre de l'intérieur et à Me D... B....

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Oise.

2

N°19DA01987


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01987
Date de la décision : 06/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : KADOUCI - DEVOS AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-02-06;19da01987 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award