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06/02/2020 | FRANCE | N°18DA02458

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 06 février 2020, 18DA02458


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BSM a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Willems, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à lui verser une somme de 19 402,13 euros au titre du solde du marché dont elle était titulaire, assortie des intérêts moratoires ou, à défaut, des intérêts au taux légal, courant à compter du 15 juillet 2016, ainsi que de la capitalisation des intérêts, de condamner également la commune à lui verser les intérêts moratoires ou, à défaut, des intérêts

au taux légal, majorant la somme de 39 897,10 euros et courant du 15 janvier 2015 au ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société BSM a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner la commune de Willems, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à lui verser une somme de 19 402,13 euros au titre du solde du marché dont elle était titulaire, assortie des intérêts moratoires ou, à défaut, des intérêts au taux légal, courant à compter du 15 juillet 2016, ainsi que de la capitalisation des intérêts, de condamner également la commune à lui verser les intérêts moratoires ou, à défaut, des intérêts au taux légal, majorant la somme de 39 897,10 euros et courant du 15 janvier 2015 au 15 janvier 2016, ainsi que la capitalisation des intérêts et de condamner la commune à lui verser l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.

Par un jugement n° 1509738 du 16 octobre 2018, le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Willems à verser à la société BSM, d'une part, une somme de 19 402,13 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 7 décembre 2015, au taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le 1er juillet 2015, majoré de sept points, avec capitalisation des intérêts, d'autre part, les intérêts moratoires sur la somme de 20 393,86 euros toutes taxes comprises, au taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le 1er juillet 2015, majoré de sept points, à compter du 7 décembre 2015 et jusqu'au 15 janvier 2016, a mis à la charge de la commune de Willems la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2018, la commune de Willems, représentée par Me D... B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement en ce qu'il a fixé le solde du marché à la somme de 19 402,13 euros, et de fixer le solde du marché à la somme de 2 492,39 euros ;

3°) en tout état de cause, d'annuler le jugement en ce qu'il a prononcé la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de la société BSM la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me C... A..., représentant la commune de Willems.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement conclu le 24 août 2012, la commune de Willems a confié à la société BSM, pour un prix global et forfaitaire de 849 744,11 euros hors taxes (HT), la réalisation des travaux du lot n° 2 " charpente bois - ossature bois " de l'opération de réhabilitation d'un ancien site industriel en vue de la création d'un pôle associatif et culturel. La maîtrise d'œuvre du projet a été confiée à un groupement d'entreprises ayant pour mandataire la société Trace Architectes. Par un ordre de service n° 2, notifié le 19 septembre 2014, le délai d'exécution des travaux a été prorogé jusqu'au 30 septembre 2014. La réception des travaux a été prononcée le 31 décembre 2014, avec effet au 1er décembre 2014, assortie de réserves qui ont été levées le 8 janvier 2015. Par un courrier du 13 janvier 2015, la société BSM a adressé son projet de décompte final au maître d'œuvre, en arrêtant le montant de ses prestations à la somme de 865 996,891 euros hors taxes et le solde restant dû, à son crédit, à la somme de 39 897,10 euros toutes taxes comprises. Par une lettre du 15 juillet 2015, la société BSM a mis en demeure la commune de Willems de lui retourner le décompte général du marché puis, par une lettre reçue le 1er octobre suivant, l'a mise en demeure de lui verser le solde du marché tel qu'elle l'avait arrêté. Par un courrier du 7 octobre 2015, la commune de Willems a adressé à la société BSM le décompte général du marché, en arrêtant le montant des prestations du titulaire à la somme de 865 912,56 euros hors taxes et en lui appliquant des pénalités de retard, d'un montant de 17 010,85 euros. La société BSM a ensuite adressé à la commune, le 6 novembre 2015, un courrier intitulé " mémoire en réclamation ". La société BSM a demandé au tribunal administratif de Lille, dans le dernier état de ses écritures, de condamner la commune de Willems à lui verser, au titre du solde du marché, une somme qu'elle a fixée à 19 402,13 euros toutes taxes comprises, compte tenu du paiement par la commune, en cours d'instance, de la somme de 20 393,86 euros toutes taxes comprises au titre de la situation mensuelle n° 14. Elle a également demandé l'application des intérêts moratoires ainsi que leur capitalisation. Par un jugement du 16 octobre 2019, le tribunal administratif de Lille a fait droit à la demande de la société BSM, à l'exception de sa demande relative à l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement. La commune de Willems relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la date d'achèvement des travaux :

2. D'une part, aux termes de l'article 41 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés de travaux : " 41.1. Le titulaire avise, à la fois, le maître de l'ouvrage et le maître d'œuvre, par écrit, de la date à laquelle il estime que les travaux ont été achevés ou le seront. Le maître d'œuvre procède, le titulaire ayant été convoqué, aux opérations préalables à la réception des ouvrages dans un délai qui est de vingt jours à compter de la date de réception de l'avis mentionné ci-dessus ou de la date indiquée dans cet avis pour l'achèvement des travaux, si cette dernière date est postérieure. 41.1.1. Le représentant du pouvoir adjudicateur, avisé par le maître d'œuvre de la date de ces opérations, peut y assister ou s'y faire représenter. Le procès-verbal prévu à l'article 41.2 mentionne soit la présence du représentant du pouvoir adjudicateur, soit, en son absence, le fait que le maître d'œuvre l'avait avisé. En cas d'absence du titulaire à ces opérations, il en est fait mention au procès-verbal qui lui est notifié. 41.1.2. Dans le cas où le maître d'œuvre n'a pas arrêté la date de ces opérations dans le délai fixé, le titulaire en informe le représentant du pouvoir adjudicateur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Celui-ci fixe la date des opérations préalables à la réception, au plus tard, dans les trente jours qui suivent la réception de la lettre adressée par le titulaire, et la notifie au titulaire et au maître d'œuvre ; il les informe également qu'il sera présent ou représenté à la date des constatations et assisté, s'il le juge utile, d'un expert, afin que puissent être mises en application les dispositions particulières suivantes : - si le maître d'œuvre dûment convoqué n'est pas présent ou représenté à la date fixée, cette absence est constatée et les opérations préalables à la réception sont effectuées par le représentant du pouvoir adjudicateur et son assistant éventuel ; - il en est de même si le maître d'œuvre présent ou représenté refuse de procéder à ces opérations. 41.1.3. A défaut de la fixation de cette date par le représentant du pouvoir adjudicateur, la réception des travaux est réputée acquise à l'expiration du délai de trente jours susmentionné. (...). 41.3. Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'œuvre, le maître de l'ouvrage décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. S'il prononce la réception, il fixe la date qu'il retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée au titulaire dans les trente jours suivant la date du procès-verbal. / La réception prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. Sauf le cas prévu à l'article 41.1.3, à défaut de décision du maître de l'ouvrage notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'œuvre s'imposent au maître de l'ouvrage et au titulaire. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 9 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) : " (...). 9.2 Réception par dérogation aux articles 41.1 à 41.3 du CCAG : La réception a lieu à l'achèvement de l'ensemble des travaux relevant des lots considérés. Elle prend effet à la date de cet achèvement. Chaque titulaire avise le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre de la date à laquelle il estime que ses travaux ont été achevés ou le seront. Le maître d'œuvre a à sa charge de provoquer les opérations de réception lorsque l'ensemble des travaux est achevé. Le maître d'œuvre procède à ces opérations dans un délai de vingt jours, à compter de la réception de la lettre du titulaire l'avisant de l'achèvement des derniers travaux. Postérieurement à cette action, la procédure de réception se déroule simultanément pour tous les lots considérés comme il est stipulé à l'article 41 du CCAG ". Aux termes de l'article dernier du même cahier des clauses administratives particulières : " (...) L'article 9.2 du présent cahier déroge aux articles 41.1 à 41.3 du CCAG. ".

4. Il résulte de l'instruction, et il n'est pas contesté par la commune de Willems, que celle-ci n'a pas notifié à la société BSM, titulaire du lot n° 2 du marché, dans le délai de trente jours à compter du procès-verbal de réception, sa décision de prononcer la réception des travaux avec réserves, et de fixer comme date d'achèvement des travaux le 1er décembre 2014, alors pourtant que la maîtrise d'œuvre avait proposé, dans le procès-verbal des opérations préalables à la réception, de fixer cette date au 30 septembre 2014. Si le dernier article du cahier des clauses administratives particulières applicable au litige stipule que l'article 9.2 du présent cahier déroge aux articles 41.1 à 41.3 du cahier des clauses administratives générales, il ne résulte pas pour autant de la lecture combinée des stipulations de cet article 9-2 et de l'article 41 du cahier des clauses administratives générales, que l'article 41.3 de ce même cahier applicable aux marchés de travaux doit être écarté, la dérogation ainsi prévue ne portant que sur la phase des opérations de réception concernant le titulaire du marché et le maître d'œuvre. Dès lors, en application des stipulations l'article 41.3 du cahier des clauses administratives générales, la date d'achèvement des travaux est celle du 30 septembre 2014, telle que proposée par le maître d'œuvre. Par suite, la commune de Willems n'est pas fondée à soutenir que la date d'achèvement des travaux à prendre en compte doit être celle du 1er décembre 2014, voire même celle du 31 décembre 2014.

En ce qui concerne les pénalités de retard :

5. Aux termes de l'article 4.3.1 du cahier des clauses administratives particulières : " Pénalités de retard dans l'exécution des travaux / Les dispositions suivantes sont appliquées, lot par lot, en cas de retard dans l'exécution des travaux, comparativement au calendrier détaillé d'exécution élaboré et éventuellement modifié (...) a. Retard dans le délai d'exécution propre au lot considéré : / il est fait application de la pénalité journalière indiquée paragraphe c. ci-après (...) c. Montant de la pénalité et de la retenue prévues aux paragraphes a. et b. : / Le montant de la pénalité (...) est fixée à 1/3000 ème du montant HT du marché du lot concerné par jour calendaire de retard. / (...) /. En plus des pénalités journalières définies ci-dessus, le titulaire subit une pénalité de 1/3000ème du montant HT en prix de base du marché par jour calendaire de retard, en cas de non-respect de la date limite d'achèvement ou du délai d'exécution des travaux. ".

6. Il résulte de l'instruction que le démarrage des travaux a été fixé au 28 mai 2013, par un ordre de service prévoyant que la fin du délai pour l'exécution des prestations interviendrait dans un délai de quinze mois. Par un ordre de service n° 2, le délai d'exécution a ensuite été reporté au 30 septembre 2014. La commune de Willems soutient que des pénalités de retard pouvaient être appliquées pour la période allant du 30 septembre 2014 au 31 décembre 2014, date à laquelle les réserves ont été définitivement levées. Eu égard à ce qui a été dit au point 4, et alors même qu'elle a dû effectuer certains travaux pour assurer la levée des réserves, la société BSM doit être regardée comme ayant assuré ses prestations dans le délai d'exécution des travaux fixé par le marché, soit le 30 septembre 2014. Par ailleurs, le procès-verbal de constat établi le 1er octobre 2014 par un huissier de justice, qui ne concerne pas des travaux de charpente et d'ossature en bois, objet du lot dont est titulaire la société BSM, n'est pas davantage de nature à démontrer l'inachèvement des travaux. Dès lors, la commune de Willems n'est pas fondée à soutenir que des pénalités de retard pouvaient être appliquées à la société BSM.

En ce qui concerne la capitalisation des intérêts :

7. Contrairement ce que soutient la commune de Willems, la circonstance que la société BSM n'a pas demandé, dans son mémoire en réclamation, la capitalisation des intérêts, ne faisait pas obstacle à ce qu'elle présente pour la première fois une telle demande devant le juge du fond. Par suite, la commune de Willems n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à la demande de capitalisation des intérêts présentées par la société BSM.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société BSM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la commune de Willems de la somme qu'elle demande sur ce fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Willems le versement de la somme de 1 500 euros à la société BSM sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Willems est rejetée.

Article 2 : La commune de Willems versera à la société BSM une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Willems et à la société BSM.

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N°18DA02458

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA02458
Date de la décision : 06/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP BIGNON LEBRAY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-02-06;18da02458 ?
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