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30/01/2020 | FRANCE | N°18DA00927

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 30 janvier 2020, 18DA00927


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Lixxbail a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'hôpital local de Gournay-en-Bray à lui verser une somme de 68 383,75 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa requête, ou, subsidiairement, une somme de 56 188,08 euros en réparation de son préjudice.

Par un jugement n°1601170 du 13 mars 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 mai 201

8 et 25 novembre 2019, la société Lixxbail, représentée par Me B... A..., demande à la cour :

1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Lixxbail a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner l'hôpital local de Gournay-en-Bray à lui verser une somme de 68 383,75 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa requête, ou, subsidiairement, une somme de 56 188,08 euros en réparation de son préjudice.

Par un jugement n°1601170 du 13 mars 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 mai 2018 et 25 novembre 2019, la société Lixxbail, représentée par Me B... A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'hôpital local de Gournay-en-Bray à lui verser la somme de 68 383,75 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la requête ;

3°) de mettre à la charge de l'hôpital local de Gournay-en Bray la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président-rapporteur,

- et les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'hôpital local de Gournay-en-Bray a conclu, le 5 septembre 2012, deux contrats portant, d'une part, sur la location de photocopieurs avec la société Lixxbail, d'autre part, sur la maintenance de ces photocopieurs et la formation de son personnel avec la société Debucy, aux droits desquels intervient désormais la société Desk Haute-Normandie. Les photocopieurs fournis par la société Debucy ont été livrés à l'hôpital le 18 décembre 2012, mais n'ont jamais été installés. L'hôpital local de Gournay-en-Bray a refusé de régler les loyers dont le paiement était demandé par la société Lixxbail et a prononcé, par une décision du 25 février 2013, la résiliation des deux contrats. Par un jugement du 13 juin 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de la société Lixxbail tendant à la condamnation de l'hôpital local de Gournay-en-Bray à lui verser les sommes qu'elle estime lui être dues en exécution du contrat et à l'indemniser de son préjudice économique lié à la résiliation de ce contrat. La société Lixxbail relève appel de ce jugement.

Sur l'exception de nullité du contrat :

2. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel. Ainsi, lorsque le juge est saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat, les parties à ce contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d'office, aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige. Par exception, il en va autrement lorsque, eu égard, d'une part, à la gravité de l'illégalité et, d'autre part, aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat. Ces circonstances doivent ainsi être directement liées au vice de passation retenu.

3. En premier lieu, le contrat conclu entre l'hôpital et la société Lixxbail, qui constitue un marché public au sens des dispositions de l'article 1er du code des marchés publics, était d'un montant global de 54 840 euros hors taxes. Si ce marché, dont le montant était ainsi inférieur au seuil de 200 000 euros hors taxes prévu à l'article 26 du code des marchés publics alors applicable, mais supérieur au seuil de 15 000 euros de l'article 28 dernier alinéa, pouvait ainsi être passé selon la procédure adaptée de l'article 28, il était, toutefois, soumis aux principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures rappelés au II de l'article 1er du code des marchés publics et devait, par suite, faire l'objet de mesures de publicité et de mise en concurrence adaptées.

4. Il est constant que le contrat conclu le 5 septembre 2012 entre la société Lixxbail et l'hôpital local de Gournay-en-Bray n'a pas été précédé de mesures de publicité ni de mise en concurrence. L'hôpital local de Gournay-en-Bray soutient que le contrat, établi sur un formulaire émanant de la société Lixxbail, a été signé le jour même de sa remise, sans production des conditions générales de location, ni d'un quelconque cahier des charges. Toutefois, ces circonstances sont indépendantes du choix fait par l'hôpital local de Gournay-en-Bray de ne pas mettre en œuvre une procédure de publicité et de mise en concurrence. Eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, ce vice imputable à l'hôpital local de Gournay-en-Bray qui s'en prévaut, et dont il n'est pas établi ainsi qu'il procèderait de manœuvres frauduleuses ou dolosives de la part de la société cocontractante ou qu'il aurait affecté les conditions dans lesquelles l'hôpital a donné son consentement, ne saurait être regardé comme d'une gravité telle que le juge doive écarter le contrat liant l'hôpital. Par suite, l'exception de nullité du contrat opposée par l'hôpital local de Gournay-en-Bray doit être écarté.

Sur la responsabilité contractuelle de l'hôpital local de Gournay-en-Bray :

5. Il appartient au juge de rechercher si la résiliation litigieuse est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité pour la société Lixxbail. Seule une faute d'une gravité suffisante est de nature à justifier, en l'absence de clause prévue à cet effet, la résiliation d'un marché public aux torts exclusifs de son titulaire.

6. Contrairement à ce que soutient l'hôpital local de Gournay-en-Bray, la circonstance que la société Lixxbail n'a pas contesté, dans le délai de deux mois de sa notification, la validité de la résiliation du contrat, prise le 25 février 2013, est sans incidence sur la recevabilité ou même le bien-fondé des conclusions indemnitaires présentées par la société Lixxbail tendant à l'indemnisation de son préjudice du fait de l'irrégularité de cette mesure de résiliation.

7. Si la société Lixxbail soutient, à nouveau, en appel que la résiliation n'est fondée sur aucun motif d'intérêt général, il résulte de l'instruction, et en particulier des termes même de lettre de résiliation, que l'hôpital local de Gournay-en-Bray a résilié le contrat en raison de la faute commise par la société dans l'exécution de ses obligations contractuelles. Dès lors, la société Lixxbail n'est pas fondée à soutenir que la résiliation serait irrégulière au motif tiré de l'absence de motif d'intérêt général.

8. Aux termes de l'article 1er des conditions générales de location : " 1) Le locataire choisit, sous son entière responsabilité, le matériel désigné aux conditions particulières, auprès du fournisseur de son choix (...). /2) Le fournisseur ou son représentant livre le matériel au(x) lieu(x) indiqué(s) par le locataire à ses frais, risques et périls selon les conditions convenues. /Le locataire en effectue la réception tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire du bailleur et signe un document (bon de livraison, ordre de transport etc.) attestant cette réception. (...). / 3) A la réception du matériel, le fournisseur adressera au bailleur un avis de livraison dûment régularisé attestant que le matériel est conforme à la commande, en parfait état de fonctionnement et mentionnant la date de signature du document de réception par le locataire. En conséquence, la production auprès du bailleur de cet avis de livraison transfère la propriété du matériel au bailleur qui en règle le prix au fournisseur. / Dès lors, le locataire ne pourra plus invoquer la responsabilité du bailleur pour remettre en cause tout ou partie des clauses du contrat (...) /4) En cas de non-conformité du matériel ou d'état défectueux pour cause d'avarie, ou pour tout autre cause, le locataire devra en refuser la réception et aviser le bailleur sous 48 heures par pli recommandé en précisant la raison du refus (...). 6) A défaut d'avis de livraison en bonne et due forme produit dans un délai de trois mois à compter de la signature du contrat, le matériel sera considéré comme non conforme et sa propriété ne sera pas transférée au bailleur. (...) ". Aux termes de l'article 2 des conditions générales de location : " (...). / 2°) (...) La location prend effet à la date de transfert de propriété au profit du bailleur. ".

9. La société Lixxbail soutient que n'étant ni le fournisseur, ni l'installateur du matériel, aucun manquement contractuel ne peut lui être reproché dans l'exécution du contrat conclu avec l'hôpital local de Gournay-en-Bray, qui n'avait pour objet que de financer les photocopieurs. Néanmoins, il résulte des stipulations précitées, qu'avant d'acquérir la propriété du matériel puis de le louer, la société Lixxbail, bailleur, s'engage à s'assurer de la conformité du matériel commandé et de son parfait fonctionnement, par le biais de " l'avis de livraison dûment régularisé " qu'elle exige du fournisseur. Cette obligation contractuelle implique, nécessairement, l'installation de ce matériel sur le réseau électrique et informatique de l'hôpital. Il n'est, en outre, pas contesté que les photocopieurs, objets du contrat en litige, devaient être installés par un professionnel spécifiquement formé, et que cette procédure d'installation était incluse dans l'offre commerciale faite à l'hôpital par le représentant commercial de la société Debucy, qui a démarché l'hôpital local de Gournay-en-Bray et lui a proposé, ensuite, de signer deux contrats distincts, l'un portant la location financière, l'autre portant sur la maintenance. En outre, si la société Lixxbail fait valoir que l'avis de livraison transmis par le fournisseur relatait bien une installation des photocopieurs et une mise en marche effective du matériel le 15 décembre 2012, il ressort de la copie de la lettre de voiture du transporteur, dont la société Lixxbail admet avoir été destinataire en même temps que l'avis de livraison, que la livraison des photocopieurs n'a été effectuée que le 18 décembre 2012. D'ailleurs, le fournisseur n'a pas dûment complété le point 3 de l'avis de livraison en omettant de mentionner la date de signature du document devant attester de la livraison du matériel. Aux termes de ce point 3, le fournisseur certifiait également que le locataire avait " réceptionné le matériel sans restriction, ni réserve, que ce dernier a une parfaite connaissance des conditions d'utilisation et d'entretien du matériel ", ce qui n'était pas manifestement pas le cas au vu du caractère contradictoire des documents adressés à la société Lixxbail. Par suite, la société Lixxbail n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a commis aucune faute suffisamment grave dans l'exécution du contrat, de nature à justifier la résiliation de ce contrat.

10. Aux termes de l'article 5 des conditions générales de location : " Le locataire renonce à tout recours contre le bailleur du fait du matériel. Il décharge expressément le bailleur de toute obligation de garantie pour tout vice ou défaut caché du matériel, même s'ils prennent naissance au cours de la location et il ne pourra réclamera au bailleur aucune indemnisation à ce titre, par dérogation à l'article 1721 du code civil. ". La société appelante ne saurait utilement se prévaloir de ces stipulations dès lors que, d'une part, l'hôpital local de Gournay-en-Bray n'a exercé aucun recours contre la société Lixxbail et, d'autre part, le litige porte non, sur un vice ou défaut caché du matériel, mais sur sa non-installation. La société ne peut davantage invoquer la méconnaissance par son cocontractant des stipulations du 4) de l'article 1er des conditions générales de location en vertu desquelles en cas de non-conformité du matériel ou d'état défectueux pour cause d'avarie, ou pour tout autre cause, le locataire doit refuser la réception et aviser le bailleur sous 48 heures dès lors que l'hôpital s'est uniquement fait livrer les photocopieurs sans qu'ils ne soient jamais mis en service dans l'établissement.

11. Si la société Lixxbail invoque les stipulations des articles 32.1 et 32.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de fournitures courantes et de service, relatifs aux conditions de résiliation par le pouvoir adjudicateur, pour faute du titulaire, il ne résulte ni des conditions générales, ni des conditions particulières du contrat de location que les parties se soient référées à ce cahier. A défaut d'une telle référence, les stipulations invoquées n'ont pas de caractère contractuel et ne peuvent dès lors être opposées à l'hôpital local de Gournay-en-Bray. En tout état de cause, en admettant même que l'hôpital a commis une faute en n'adressant pas une mise en demeure préalable à son cocontractant avant de résilier le contrat, cette irrégularité procédurale n'est pas de nature à ouvrir droit à une indemnisation dès lors que le bien-fondé de la résiliation est établi ainsi qu'il a été dit au point 9.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Lixxbail n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Sur les conclusions d'appel provoquées dirigées contre la société Desk Haute Normandie :

13. Compte tenu de l'ensemble de ce qui a été dit, les conclusions de l'hôpital local de Gournay-en-Bray tendant à être garanti par la société Debucy, devenue la société Desk Haute- Normandie, de toute condamnation prononcée à son encontre sont dépourvues d'objet et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

Sur l'injonction demandée par l'hôpital de Gournay-en-Bray :

14. Les conclusions d'appel incident de l'hôpital local de Gournay-en-Bray tendant à ce qu'il soit enjoint à la société Lixxbail de procéder à l'enlèvement à ses frais des photocopieurs soulèvent un litige distinct du litige indemnitaire principal. Par suite, ces conclusions doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'hôpital local de Gournay-en-Bray, qui n'est pas la partie perdante, une somme à verser à la société Lixxbail au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Lixxbail, le versement à l'hôpital local de Gournay-en-Bray d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit à celles de la société Desk Haute Normandie. La présente instance n'ayant entraîné aucuns dépens, les conclusions présentées par les sociétés Lixxbail et Desk Haute-Normandie au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Lixxbail est rejetée.

Article 2 : La société Lixxbail versera à l'hôpital local de Gournay-en-Bray une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la société Desk Haute-Normandie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des dépens sont rejetées.

Article 4 : Le surplus des conclusions de l'hôpital local de Gournay-en-Bray est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Lixxbail, à l'hôpital local de Gournay-en Bray et à la société Desk Haute-Normandie.

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N°18DA00927

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N°"Numéro"


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00927
Date de la décision : 30/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : ALEXANDRE - LEVY - KAHN

Origine de la décision
Date de l'import : 09/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-01-30;18da00927 ?
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