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28/01/2020 | FRANCE | N°18DA00255

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2ème chambre, 28 janvier 2020, 18DA00255


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... épouse D... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision implicite par laquelle la commune d'Hirson a rejeté sa demande présentée le 13 août 2015 tendant à l'indemnisation de son préjudice, d'annuler la décision du 3 juin 2015 par laquelle la communauté de communes des trois rivières a rejeté sa demande présentée le 13 août 2015 tendant à l'indemnisation de son préjudice, de condamner la commune d'Hirson à lui verser la somme globale de 28 000 euros au titre de

s préjudices subis à la suite des désordres constatés sur sa propriété située 155...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... épouse D... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision implicite par laquelle la commune d'Hirson a rejeté sa demande présentée le 13 août 2015 tendant à l'indemnisation de son préjudice, d'annuler la décision du 3 juin 2015 par laquelle la communauté de communes des trois rivières a rejeté sa demande présentée le 13 août 2015 tendant à l'indemnisation de son préjudice, de condamner la commune d'Hirson à lui verser la somme globale de 28 000 euros au titre des préjudices subis à la suite des désordres constatés sur sa propriété située 155 rue Charles de Gaulle sur le territoire de la commune, de condamner la communauté de communes des trois rivières à lui verser la somme globale de 22 000 euros au titre des préjudices subis à la suite des désordres constatés sur sa propriété, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise aux fins de déterminer les causes des désordres constatés sur sa propriété, les moyens d'y remédier et d'évaluer les préjudices subis, d'enjoindre à la commune d'Hirson et à la communauté de communes des trois rivières de procéder aux travaux nécessaires pour mettre fin auxdits désordres et notamment de procéder à la réfection des trottoirs et des canalisations passant par sa propriété.

Par un jugement n° 1502349 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif d'Amiens a condamné la communauté de communes des trois rivières et la commune d'Hirson à verser à Mme D... respectivement les sommes de 4 150 euros et 1 500 euros en indemnisation de ses préjudices, a mis à leur charge une somme de 750 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 1er février 2018, 22 mai 2019 et 3 juin 2019, Mme E... B... épouse D..., représentée par Me A... C..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en tant qu'il a limité son indemnisation aux sommes de 4 150 euros et 1 500 euros ;

2°) de condamner la commune d'Hirson et la communauté de communes des trois rivières à lui verser respectivement les sommes de 28 000 euros et 22 000 euros en indemnisation de ses préjudices ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de rechercher la cause des désordres subis par sa propriété ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Hirson et de la communauté de communes des trois rivières une somme de 750 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... B... épouse D... est propriétaire d'un immeuble à usage d'habitation, qui constitue sa résidence secondaire, situé 155 rue Charles De Gaulle à Hirson. Elle a demandé au tribunal administratif d'Amiens de condamner la commune d'Hirson et la communauté de communes des trois rivières à l'indemniser des préjudices subis à la suite de dommages occasionnés à sa propriété. Elle interjette appel du jugement du 19 décembre 2017 en tant qu'il a limité son indemnisation. La commune d'Hirson et la communauté de communes des trois rivières interjettent appel du jugement en tant qu'il a fait droit à la demande de Mme D....

2. Il résulte de l'instruction que l'immeuble de Mme D... a présenté, à compter de l'année 2008, une humidité importante sur les murs de la cave et de la chambre située au rez-de-chaussée, et des inondations récurrentes de sa cave. Il résulte des expertises amiables diligentées à la demande de Mme D... que ces inondations, et les dépôts de boue consécutifs, fragilisent à terme la structure de l'immeuble. Il résulte également de l'instruction que les gonds du portail d'entrée de l'immeuble se sont descellés. Mme D... impute l'ensemble de ces désordres, d'une part, à une fuite sur la canalisation d'assainissement et, d'autre part, aux travaux de réfection des trottoirs réalisés par la commune.

3. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Pour obtenir réparation par le maître de l'ouvrage des dommages qu'il a subis, la victime doit démontrer, d'une part, la réalité de son préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et les dommages, lesquels doivent présenter un caractère anormal et spécial. Pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage d'établir que ces dommages résultent de la faute de la victime ou l'existence d'un événement de force majeure.

Sur les dommages subis par le portail :

4. Il résulte de l'instruction, et tant des écritures des parties que de l'attestation rédigée par l'entreprise ayant procédé aux travaux de réparations du portail de la propriété de Mme D..., que le descellement de ses gonds est directement imputable aux divers travaux d'aménagement réalisés sur le trottoir ayant consisté en des ajouts successifs d'enrobé, qui ont entraîné une modification du niveau du sol, notamment en période de gel, à l'origine du déséquilibre du portail. Si la commune d'Hirson conteste avoir été à l'origine des travaux en cause, d'une part, elle ne conteste pas les caractéristiques physiques du trottoir telles qu'elles ressortent des différentes expertises produites au dossier, d'autre part, elle reconnaît la réalisation de travaux d'aménagement de la voirie au droit de la propriété de Mme D... au cours de l'année 2009 et, enfin, elle n'invoque aucune autre cause au descellement des gonds du portail. Propriétaire du trottoir en cause, les dommages causés par sa configuration, alors-même qu'aucune faute n'aurait été commise, sont de nature à engager sa responsabilité à l'égard des tiers victimes de désordres causés par cette configuration. Dans les circonstances de l'espèce, le descellement des gonds du portail, ayant entraîné la chute de l'un des battants, et l'ayant rendu inutilisable, doit être regardé comme constituant un préjudice anormal et spécial. Mme D... est par suite fondée à demander que la somme de 600 euros, correspondant aux frais de réparation du portail, soit mise à la charge de la commune d'Hirson.

Sur les dommages liés aux infiltrations :

En ce qui concerne la responsabilité :

5. Il résulte de l'instruction que la réalité des dommages allégués par Mme D..., consistant en une humidité importante des murs de sa cave, régulièrement inondée, et des murs de l'une des chambres situées au rez-de-chaussée, qui a endommagé le plâtre et a entraîné le descellement du radiateur, est établie par les trois expertises réalisées à la demande de Mme D... et de la commune d'Hirson. Les dépôts de boues laissés par les inondations et l'humidité rémanentes sont en outre, selon les expertises, susceptibles d'endommager la structure de l'immeuble. Dans les circonstances de l'espèce, le caractère anormal et spécial des dommages subis doit par suite être regardé comme établi.

6. Il résulte des trois rapports d'expertises que ces désordres trouvent leur origine, d'une part, dans le mauvais état d'entretien des canalisations d'assainissement, et d'autre part, dans l'ajout sur le trottoir au niveau de la propriété de Mme D... de couches d'enrobé supplémentaires ayant modifié son inclinaison. S'agissant des canalisations de collecte des eaux usées, il résulte d'une inspection télévisuelle réalisée par la société Véolia en 2010, et des expertises, qu'elles étaient peu entretenues, et présentaient plusieurs fuites, notamment au droit de la propriété de Mme D.... La responsabilité de la communauté de communes des trois rivières, qui a la charge de leur entretien, est donc engagée. S'agissant de l'enrobé des trottoirs, il résulte des expertises diligentées que son accumulation a entraîné une hausse du niveau des trottoirs au-delà de la barrière de capillarité des murs de la maison ayant conduit à la formation d'une légère contrepente entraînant les eaux pluviales en direction des murs de l'immeuble, favorisant ainsi les infiltrations d'eau en partie à l'origine des dommages subis par la propriété de Mme D.... Contrairement à ce que soutient la commune d'Hirson, maître d'ouvrage des trottoirs, la réalité des ajouts successifs d'enrobé est suffisamment établie par les pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 4. Dans ces conditions et alors même que la communauté de communes est seule compétente en matière d'assainissement, la responsabilité de la commune d'Hirson est également engagée à l'égard de Mme D... s'agissant des désordres résultant des infiltrations affectant sa propriété.

7. Il résulte toutefois des rapports d'expertises que le dalot de briques servant de branchement particulier de la propriété au collecteur public d'assainissement est partiellement effondré et fuyard, et présente un défaut d'étanchéité, et que le branchement est dépourvu du clapet anti-retour évitant les inondations en cas de mise en charge du réseau, imposé par l'article 44 du règlement sanitaire départemental de l'Aisne. Si Mme D... soutient que ce dalot est situé sur la voie publique, et qu'elle n'a dès lors pas la charge de son entretien, cette circonstance ne résulte pas de l'instruction et n'est pas établie par l'intéressée. Par ailleurs, l'article L. 1331-4 du code de la santé publique dispose que " les ouvrages nécessaires pour amener les eaux usées à la partie publique du branchement sont à la charge exclusive des propriétaires et doivent être réalisés dans les conditions fixées à l'article L. 1331-1. Ils doivent être maintenus en bon état de fonctionnement par les propriétaires. La commune en contrôle la qualité d'exécution et peut également contrôler leur maintien en bon état de fonctionnement ". La faute commise par Mme D... dans l'entretien de son ouvrage, dont il résulte de l'instruction qu'elle est partiellement à l'origine des préjudices invoqués, est donc de nature à exonérer partiellement la commune d'Hirson et la communauté de communes des trois rivières de leur responsabilité.

8. Il résulte de l'instruction que le défaut d'étanchéité du dalot est responsable à hauteur de 50 % des dommages subis. C'est par suite à bon droit que les premiers juges ont laissé la moitié des préjudices indemnisés à la charge de Mme D.... Il y a lieu, eu égard aux motifs exposés au point 6 et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, de regarder la commune d'Hirson et la communauté de communes des trois rivières comme responsables à parts égales de l'autre moitié.

En ce qui concerne les préjudices :

9. Mme D... invoque un préjudice matériel lié à la remise en état de la cave, du mur de la chambre, et à la remise en place du radiateur. Il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en lui allouant une somme globale de 11 000 euros correspondant à l'évaluation faite par l'expert du cabinet Equad et non sérieusement contestée par les parties.

10. S'agissant du préjudice de jouissance de Mme D..., c'est par une juste appréciation que les premiers juges l'ont évalué à la somme de 1 000 euros.

11. Compte tenu du partage de responsabilité fixé au point 8, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Hirson et de la communauté de communes des trois rivières une somme de 3 000 euros chacune.

12. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise complémentaire, que Mme D... est seulement fondée à demander que la somme de 1 500 euros mise à la charge de la commune d'Hirson soit portée à 3 600 euros. La communauté de communes des trois rivières est seulement fondée à soutenir que la somme mise à sa charge par les premiers juges doit être ramenée de 4 150 euros à 3 000 euros. La commune d'Hirson n'est, par voie de conséquence, pas fondée à demander l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamnée à indemniser Mme D....

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 1 500 euros que la commune d'Hirson a été condamnée, par le jugement attaqué, à verser à Mme D... est portée à la somme de 3 600 euros.

Article 2 : La somme de 4 150 euros que la communauté de communes des trois rivières a été condamnée, par le jugement attaqué, à verser à Mme D... est ramenée à la somme de 3 000 euros.

Article 3 : Le jugement n° 1502349 du 19 décembre 2017 du tribunal administratif d'Amiens est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... épouse D..., à la commune d'Hirson et à la communauté de communes des trois rivières.

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N°18DA00255


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00255
Date de la décision : 28/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03 Travaux publics. Différentes catégories de dommages.


Composition du Tribunal
Président : M. Sorin
Rapporteur ?: M. Julien Sorin
Rapporteur public ?: Mme Leguin
Avocat(s) : ASSOCIATION D'AVOCATS DES RIVIERES - DUFOUR - LORENTÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-01-28;18da00255 ?
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