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16/01/2020 | FRANCE | N°19DA00860

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 16 janvier 2020, 19DA00860


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 26 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour, à défaut, de procéder à

un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autor...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif d'Amiens, d'une part, d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 26 novembre 2018 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, d'enjoindre, sous astreinte, au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1803950 du 8 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 avril 2019, M. A... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 26 novembre 2018 du préfet de l'Oise ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer une carte de séjour temporaire, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la république de Tunisie en matière de séjour et de travail modifié, notamment par le protocole relatif à la gestion concertée des migrations signé le 28 avril 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant tunisien né le 13 janvier 1982, est entré sur le territoire français au cours de l'année 2011, selon ses déclarations. Il a sollicité, le 11 juin 2018, son admission au séjour en tant que salarié. Par un arrêté du 26 novembre 2018, le préfet de l'Oise a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. A... C... relève appel du jugement du 8 mars 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet de l'Oise de lui délivrer un titre de séjour, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

2. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 111-2 du même code, " sous réserve des conventions internationales ".

3. L'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. / Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ".

4. L'article 3 du même accord stipule que " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié'' ". Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008, stipule, à son point 2.3.3, que " le titre de séjour portant la mention ''salarié'', prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (....) ".

5. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / (...) ".

6. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui porte sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire français, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord.

7. Toutefois, si l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

8. M. A... C..., qui allègue être entré sur le territoire français le 9 avril 2011, soutient qu'il peut se prévaloir d'un séjour en France de plus de sept années à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris. Il ajoute qu'il dispose en France d'attaches familiales proches, puisque son père y réside dans des conditions régulières. Enfin, il indique avoir habituellement travaillé depuis son arrivée en France et précise avoir obtenu un promesse d'embauche délivrée par une entreprise qui a déposé une demande d'autorisation de le recruter en tant de vendeur. Toutefois, M. A... C..., qui est célibataire et sans enfant, n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations afférentes à la présence de son père sur le territoire français, tandis qu'il n'établit pas, ni même n'allègue, qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, dans lequel il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. En outre, à supposer même que les pièces qu'il verse au dossier, dont la plus ancienne, à savoir un bulletin de salaire, émis en février 2012, mentionne une entrée dans l'entreprise en janvier 2012, suffisent à lui permettre de justifier d'un séjour habituel en France depuis la fin de l'année 2011, il est constant qu'il n'a effectué aucune démarche auprès de l'administration dans le but d'obtenir la régularisation de sa situation administrative avant de déposer, le 11 juin 2018, sa demande de titre de séjour. Dans ces conditions, le fait pour l'intéressé d'avoir occupé, durant la moitié de l'année 2012 et à compter de la fin de l'année 2017, des emplois salariés de vendeur dans des magasins d'alimentation générale situés en région parisienne et dans le département de l'Oise, au demeurant sans bénéficier de l'autorisation requise, ne saurait suffire à lui permettre de justifier d'une insertion professionnelle notable en France. Il en est de même de la circonstance qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche que lui a délivrée, le 1er avril 2018, par une entreprise exploitant un magasin d'alimentation générale qui avait précédemment demandé l'autorisation de le recruter en tant que vendeur dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée. Par suite, eu égard aux conditions irrégulières du séjour de M. A... C... en France et en dépit de l'ancienneté de ce séjour, le préfet de l'Oise, en refusant de le faire bénéficier d'une mesure de régularisation, n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, ni n'a commis d'erreur d'appréciation.

9. Eu égard à ce qui a été dit au point 6, le moyen tiré de la méconnaissance, par le préfet de l'Oise, des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté comme inopérant.

10. Compte-tenu de ce qui a été dit au point 8, le préfet de l'Oise, pour estimer qu'un refus de séjour ne porterait pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts poursuivis par une telle mesure, ne s'est pas mépris dans l'appréciation de la situation personnelle et familiale de M. A... C.... Dès lors, la décision de refus de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet de l'Oise.

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N°19DA00860


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00860
Date de la décision : 16/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : ABERKANE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2020-01-16;19da00860 ?
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