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26/12/2019 | FRANCE | N°18DA00278

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 26 décembre 2019, 18DA00278


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D..., née C..., a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la communauté de communes de Bourgtheroulde-Infreville à lui payer les sommes de 11 507,07 euros au titre du préjudice financier et de 10 500 euros au titre du préjudice moral résultant de l'illégalité de son licenciement, ainsi que d'enjoindre, sous astreinte, à cette communauté de communes de lui délivrer une attestation destinée à Pôle emploi et un certificat de travail.

Par un jugement n° 1503141 du 5 dé

cembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a condamné la communauté de communes ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... D..., née C..., a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la communauté de communes de Bourgtheroulde-Infreville à lui payer les sommes de 11 507,07 euros au titre du préjudice financier et de 10 500 euros au titre du préjudice moral résultant de l'illégalité de son licenciement, ainsi que d'enjoindre, sous astreinte, à cette communauté de communes de lui délivrer une attestation destinée à Pôle emploi et un certificat de travail.

Par un jugement n° 1503141 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a condamné la communauté de communes Roumois Seine, venant aux droits de la communauté de communes Bourgtheroulde-Infreville, à verser la somme de 10 225,66 euros à Mme D... et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 février 2018, Mme D..., représentée par Me B... A..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la totalité de ses demandes indemnitaires ;

2°) de condamner la communauté de communes Roumois Seine à lui verser les sommes de 8 574,48 euros au titre de l'indemnité de licenciement et de 10 500 euros au titre du préjudice moral, en sus des condamnations prononcées par le tribunal administratif de Rouen ;

3°) d'enjoindre à la communauté de communes Roumois Seine de lui délivrer une attestation destinée à Pôle emploi et un certificat de travail, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la lecture de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la communauté de communes Roumois Seine la somme de 3 000 euros, au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi 2012-347 du 12 mars 2012 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... était employée, depuis le 28 mars 2006, comme aide à domicile par la communauté de communes Bourgtheroulde-Infreville, désormais fusionnée au sein de la communauté de communes Roumois Seine. Par courrier électronique du 16 octobre 2014, elle a été informée qu'à défaut de signer son contrat de travail, la communauté de communes lui retirerait toutes mission au sein du service " aides à domicile ", à compter du 20 octobre 2014. De fait, Mme D... n'a plus travaillé à compter de cette date. Elle a adressé une demande préalable d'indemnisation à la communauté de communes par courrier du 17 juillet 2015, en recommandé avec accusé de réception. Faute de réponse, elle a saisi le tribunal administratif de Rouen. Elle relève appel du jugement du 5 décembre 2017 qui a condamné la communauté de communes à lui verser la somme de 10 225,66 euros, en tant qu'il ne fait pas droit à la totalité de ses demandes. Par la voie de l'appel incident, la communauté de communes conclut à l'annulation du jugement.

Sur la responsabilité :

2. Les dispositions de la loi du 26 janvier 1984 permettent de recruter, par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 des contractuels dans un certain nombre de cas. Ces dispositions précisent depuis la loi du 26 juillet 2005 que " les agents ainsi recrutés sont engagés par contrat à durée déterminée d'une durée maximale de trois ans. Ces contrats sont renouvelables par reconduction expresse, dans la limite d'une durée maximale de six ans. Si, à l'issue de cette durée, ces contrats sont reconduits, ils ne peuvent l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée. ".

3. En l'espèce, il résulte de l'instruction que Mme D... était employée par la communauté de communes depuis le 28 mars 2006 sur un emploi permanent à temps non complet d'un groupement de communes dont la moyenne arithmétique du nombre d'habitants ne dépasse pas 1 000 habitants, ce qui était le cas de la communauté de communes Bourgtheroulde-Infreville et ce qui lui permettait de recruter un contractuel sur ce type d'emplois en application des dispositions précitées. Par suite, le renouvellement de son engagement était nécessairement à durée indéterminée, compte tenu de ce qui a été rappelé au point 2. Certes, Mme D... ne disposait pas d'un engagement écrit. Mais, ainsi qu'il a été indiqué au point 2, son engagement initial ne pouvait avoir une durée excédant trois ans renouvelable une fois. Dès lors, quelle que soit la date à laquelle ce contrat a été tacitement renouvelé la seconde fois, Mme D... bénéficiait nécessairement d'un contrat à durée indéterminée à la date à laquelle il a été mis fin à ses fonctions. La communauté de communes ne pouvait donc lui demander de signer un engagement à durée déterminée pour exercer les mêmes fonctions et de manière rétroactive, sur la période où Mme D... était employée à durée indéterminée, comme elle l'a fait par les courriers électroniques des 16 et 17 octobre 2014. La circonstance que Mme D... ait refusé, le 4 décembre 2012, la transformation de son contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, qui lui avait été proposée le 9 novembre précédent, au motif que le nombre d'heures était insuffisant, est sans incidence sur le fait qu'à cette date, en application des dispositions citées au point 2, Mme D... bénéficiait d'un engagement à durée indéterminée, dès lors que la relation de travail s'était poursuivie et qu'il n'est pas allégué que la poursuite de cette relation aurait eu lieu dans des conditions substantiellement différentes. En conséquence, la rupture du contrat de travail qui était à durée indéterminée et qui était en cours d'exécution à la date du 20 octobre 2014, constitue nécessairement un licenciement.

4. Le contractuel licencié a droit à un préavis et à une indemnité de licenciement dans les conditions prévues respectivement par les articles 40 et 43 du décret du 15 février 1988. Il n'est pas contesté, en l'espèce, que Mme D... n'a effectué aucun préavis rémunéré et n'a perçu aucune indemnité de licenciement. La responsabilité de la communauté de communes est engagée pour l'illégalité fautive commise de ce chef. En outre, l'appelante soutient aussi que le licenciement est illégal en raison de l'absence de motivation et d'entretien préalable de licenciement, ce qui n'est pas non plus contesté.

Sur les préjudices :

5. Il résulte des dispositions de l'article 40 du décret du 15 février 1988 que l'agent recruté pour une durée indéterminée a droit à un préavis qui est de deux mois pour l'agent qui justifie auprès de l'autorité qui l'a recruté d'une ancienneté de services égale ou supérieure à deux ans. La fin du contrat de travail a été signifié à Mme D... par les courriers électroniques des 16 et 17 octobre 2014. L'intéressée avait une ancienneté de plus de huit ans, à la date de son licenciement et a été privée de toute ressource à la date du 20 octobre 2014, elle a donc droit à une indemnité couvrant le préavis non effectué de deux mois de salaire. Elle a demandé une somme de 1 912,21 euros au titre de ce préjudice, qui lui a été accordée par les premiers juges et dont le calcul n'est pas contesté en défense. Il convient de confirmer le jugement du tribunal administratif sur ce point.

6. Aux termes de l'article 46 du décret du 15 février 1988 : " L'indemnité de licenciement est égale à la moitié de la rémunération de base définie à l'article précédent pour chacune des douze premières années de services, ... / (...) / Pour l'application de cet article, toute fraction de service égale ou supérieure à six mois sera comptée pour un an ; toute fraction de service inférieure à six mois n'est pas prise en compte." et aux termes de l'article 45 du même décret : " La rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement est la dernière rémunération nette des cotisations de la sécurité sociale et, le cas échéant, des cotisations d'un régime de prévoyance complémentaire, effectivement perçue au cours du mois civil précédant le licenciement. Elle ne comprend ni les prestations familiales, ni le supplément familial de traitement, ni les indemnités pour travaux supplémentaires ou autres indemnités accessoires. / Le montant de la rémunération servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement d'un agent employé à temps partiel est égal au montant de la rémunération définie à l'alinéa précédent qu'il aurait perçue s'il avait été employé à temps complet. ". Mme D..., employée sans discontinuer depuis le 28 mars 2006, avait une ancienneté de huit ans, sept mois et vingt-deux jours au 20 octobre 2014 et avait donc droit à une indemnité de licenciement d'un montant de neuf fois la moitié de la rémunération de base calculée à taux plein à partir du salaire de septembre 2014, soit 568,48 euros pour 45 heures de travail. Si la communauté de communes conteste le montant de l'indemnité, elle omet dans sa simulation de calculer la rémunération de base sur un taux plein, conformément aux dispositions précitées. Si l'intercommunalité soutient également qu'il convient de déduire de cette somme une avance versée à l'intéressée en 2007, elle n'établit pas la réalité de cette créance, qui au surplus est sans incidence sur le calcul de l'indemnité de licenciement. Mme D... a donc droit au versement d'une indemnité de licenciement de 8 574,48 euros, comme elle le réclame pour la première fois en appel, la somme globale réclamée en appel restant dans les limites des conclusions présentées en première instance. Le jugement du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce sens sur ce point.

7. Mme D... n'a effectué aucun service à compter du 20 octobre 2014. Elle n'a donc pas droit aux salaires qu'elle n'a pas perçus depuis cette date, comme elle semble le réclamer. Si elle soutient qu'elle n'a perçu aucun revenu jusqu'à la perception de ses indemnités chômage, elle ne l'établit pas. Mme D... n'est donc pas fondée, en l'état des pièces du dossier, à demander, au titre de son préjudice financier, une indemnisation supplémentaire au-delà des sommes dues mentionnées aux points 5 et 6.

8. Mme D..., âgée de 55 ans au moment de son licenciement, a nécessairement subi un préjudice moral compte tenu de sa difficulté à trouver un nouvel emploi, de la brutalité et du caractère immédiat de son licenciement effectué sans explication, ni préavis, et de l'illégalité de la proposition de signer un contrat rétroactif à durée déterminée couvrant une période où elle bénéficiait d'un engagement à durée indéterminée. Il sera fait une juste évaluation de ce préjudice moral en portant l'indemnisation à ce titre à la somme de 3 000 euros. Le jugement du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce qu'il a de contraire à ces dispositions.

9. L'employeur est tenu de délivrer dès la fin du contrat de travail, les attestations destinées à Pôle emploi ainsi qu'un certificat de travail. Il résulte de l'instruction que la communauté de communes a adressé cette attestation à Pôle emploi le 14 avril 2015. Si Mme D... soutient qu'elle n'a pu percevoir d'allocations chômage avant mai 2015, elle ne justifie ni des démarches entreprises auprès de Pôle emploi à cette fin avant cette date, ni d'avoir demandé à la communauté de communes, ces attestations, également avant mai 2015. Elle n'établit donc pas, en tout état de cause, le préjudice résultant du retard de transmission de ces attestations par l'intercommunalité. S'agissant du certificat de travail, la communauté de communes ne répond pas sur ce point pour établir qu'un tel document a été transmis à Mme D.... Toutefois, celle-ci, en tout état de cause, n'établit, ni même n'allègue que ce comportement fautif lui aurait causé un préjudice.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la condamnation de la communauté de communes est portée à 13 486,69 euros par le présent arrêt. Le jugement du 5 décembre 2017 du tribunal administratif de Rouen est réformé en ce sens. Par suite, l'appel incident de la communauté de communes Roumois-Seine est rejeté.

Sur les conclusions à fins d'injonction :

11. Lorsque le juge administratif statue sur un recours indemnitaire tendant à la réparation d'un préjudice imputable à un comportement fautif d'une personne publique et qu'il constate que ce comportement et ce préjudice perdurent à la date à laquelle il se prononce, il peut, en vertu de ses pouvoirs de pleine juridiction et lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, enjoindre à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d'en pallier les effets. Mme D... a obtenu la transmission des attestations Pôle emploi, pour lesquels elle présentait des conclusions à fins d'injonction. Si elle soutient que ces attestations sont erronées, elle ne le démontre pas. Par suite, ses conclusions d'injonction sur ce point sont rejetées. S'agissant du certificat de travail, s'il n'est pas établi que la communauté de communes Roumois Seine l'ait transmis, comme c'est son obligation, à l'intéressée, celle-ci n'établit pas, ainsi qu'il a été dit au point 9, le préjudice qui résulterait de cette absence de transmission. Par suite, ses conclusions à fins d'injonction sont également rejetées sur ce point.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées sur ce fondement par la communauté de communes Roumois Seine. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la communauté de communes Roumois Seine la somme de 1 500 euros à verser à Mme D..., au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La communauté de communes Roumois Seine est condamnée à verser à Mme D... la somme de 13 486,69 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Rouen du 5 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La communauté de communes Roumois Seine versera à Mme D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : L'appel incident de la communauté de communes Roumois Seine est rejeté, ainsi que ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et à la communauté de communes Roumois Seine.

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N° 18DA00278


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00278
Date de la décision : 26/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : ELEXIA ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-12-26;18da00278 ?
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