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19/12/2019 | FRANCE | N°19DA02304

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 19 décembre 2019, 19DA02304


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 26 août 2019 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé son transfert aux autorités autrichiennes.

Par un jugement n° 1907347 du 2 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 octobre 2019, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement

;

2°) de rejeter la demande de M. D....

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 26 août 2019 par lequel le préfet du Pas-de-Calais a décidé son transfert aux autorités autrichiennes.

Par un jugement n° 1907347 du 2 septembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 8 octobre 2019, le préfet du Pas-de-Calais demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de M. D....

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 603-2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Binand, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. La consultation du système Eurodac effectuée le 14 août 2019 par l'administration à la suite de l'interpellation de M. B... D..., ressortissant irakien né le 1er janvier 1998, a fait apparaître que celui-ci avait déposé des demandes de protection internationale en Hongrie le 23 mars 2016 et en Autriche le 3 avril 2016. Le préfet du Pas-de-Calais a saisi les autorités hongroises et autrichiennes d'une demande de reprise en charge de M. D... sur le fondement de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, puis a prononcé, par un arrêté du 26 août 2019, le transfert de l'intéressé vers l'Autriche. Par un jugement du 2 septembre 2019, dont le préfet du Pas-de-Calais relève régulièrement appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé cet arrêté.

Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :

2. Il résulte du paragraphe 1 de l'article 26 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 que, pour pouvoir procéder au transfert d'un demandeur d'asile vers un autre Etat membre en mettant en oeuvre ces dispositions du règlement, et en l'absence de dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile organisant une procédure différente, l'autorité administrative doit obtenir l'accord de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile avant de pouvoir prendre une décision de transfert du demandeur d'asile vers cet Etat. Une telle décision de transfert ne peut donc être prise, et a fortiori être notifiée à l'intéressé, qu'après l'acceptation de la prise en charge par l'Etat requis. Le juge administratif, statuant sur des conclusions dirigées contre la décision de transfert et saisi d'un moyen en ce sens, prononce l'annulation de la décision de transfert si elle a été prise sans qu'ait été obtenue, au préalable, l'acceptation par l'Etat requis de la prise ou de la reprise en charge de l'intéressé.

3. Il résulte des motifs du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 26 août 2019 du préfet du Pas-de-Calais, au motif qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que les autorités autrichiennes avaient accepté de reprendre en charge M. D.... Le préfet du Pas-de-Calais, qui n'avait justifié en première instance que des demandes de reprise en charge adressées aux autorités de la Hongrie et de l'Autriche, a produit, en cause d'appel, l'accord exprès, reçu le 26 août 2019, des autorités autrichiennes pour la reprise en charge de l'intéressé, connu par ces autorités sous l'identité de M. A... G... A..., comme le mentionne la décision de transfert.

4. Il s'ensuit que c'est à tort que le magistrat désigné par le tribunal administratif de Lille a annulé, pour ce motif, l'arrêté du 26 août 2019 du préfet du Pas-de-Calais. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les moyens soulevés par M. D....

Sur les autres moyens :

5. En premier lieu, par un arrêté n° 2017-10-151 du 18 décembre 2017, publié le même jour au recueil spécial n° 121 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Pas-de-Calais a donné délégation à M. F... E..., chef du bureau du contentieux du droit des étrangers, signataire de l'arrêté contesté, à l'effet de signer, notamment, les décisions de transfert. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque ainsi en fait et doit, par suite, être écarté.

6. En deuxième lieu le préfet du Pas-de-Calais a exposé de manière détaillée, dans l'arrêté contesté, les considérations de fait tenant à la situation personnelle de M. D..., ainsi que les motifs de droit sur lesquels il s'est fondé, tirés notamment de ce que le demandeur a antérieurement présenté une demande de protection internationale en Autriche, que les autorités de ce pays ont accepté sa reprise en charge et qu'il était ainsi fait application du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement du 26 juin 2013. Dès lors le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.

7. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, au regard, notamment, des énonciations de l'arrêté contesté, que le préfet du Pas-de-Calais n'a pas procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de M. D....

8. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte-rendu établi par l'administration le 14 août 2019, que M. D... s'est vu remettre ce même jour deux brochures d'information relatives aux conditions d'application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, par le truchement d'un interprète en langue kurde qu'il a déclaré comprendre. M. D..., s'il a refusé de parapher ces documents et d'attester de leur remise, n'a soulevé aucune contestation sur l'intelligibilité des informations reçues à cette occasion ainsi qu'au cours de l'entretien, qui s'est tenu le même jour, afin d'examiner sa situation personnelle et recueillir ses observations sur la perspective de son transfert vers la Hongrie ou l'Autriche. En outre, il n'apporte aucun élément probant au soutien de ses critiques exposées en des termes très généraux, de nature à établir que cet entretien, d'une durée de quinze minutes, se serait déroulé dans des conditions contraires aux prescriptions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013, en ne lui permettant pas de présenter utilement ses observations, qui, selon ses écritures, tiennent seulement, au demeurant, à l'impossibilité de s'installer en Allemagne. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des garanties offertes par les articles 4 et 5 du règlement du 26 juin 2013 doivent être écartés.

9. En cinquième lieu, à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n°603/2013 du 26 juin 2013, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun. Le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection. Dès lors, la méconnaissance de cette obligation d'information ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'autorité préfectorale prononce le transfert d'un demandeur d'asile aux autorités compétentes de l'Etat qui s'est reconnu responsable de l'examen de sa demande de protection. Il s'ensuit que le moyen tiré par M. D... de la méconnaissance de cette obligation d'information doit être écarté.

10. En sixième lieu, la circonstance que l'Allemagne ne peut être regardée comme l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile de M. D..., au sens et pour l'application des dispositions du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté attaqué, par lequel le préfet du Pas-de-Calais a prononcé son transfert vers l'Autriche.

11. Enfin, en se bornant à se prévaloir des conditions selon lui difficiles ou précaires d'un précédent séjour en Allemagne, M. D... n'établit pas, en tout état de cause, que le préfet du Pas-de-Calais, en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, aurait entaché l'arrêté de transfert vers l'Autriche d'une erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête, que le préfet du Pas-de-Calais est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a annulé l'arrêté du 26 août 2019 portant transfert de M. C... aux autorités autrichiennes. Par voie de conséquence, la demande de M. D... doit être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 2 septembre 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... C....

Copie en sera transmise au préfet du Pas-de-Calais.

2

N°19DA02304


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02304
Date de la décision : 19/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christophe Binand
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-12-19;19da02304 ?
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