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12/12/2019 | FRANCE | N°19DA02132

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 12 décembre 2019, 19DA02132


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme. A... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 août 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n°1902901 du 28 août 2019 le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par

une requête enregistrée le 10 septembre 2019, Mme A... D... représentée par Me B... C... demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme. A... D... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 août 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n°1902901 du 28 août 2019 le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 septembre 2019, Mme A... D... représentée par Me B... C... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 8 août 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761 1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), abrogeant le règlement (CE) n° 562/2006 du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- Le rapport de M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,

- et les observations de Me C..., représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... D..., de nationalité colombienne, née le 19 août 1996, est entrée sur le territoire français le 23 juillet 2019 à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle, par un avion en provenance de Bogota. Elle était munie d'un billet d'avion à destination de Madrid, avec un départ prévu le lendemain, le 24 juillet 2019. L'entrée sur le territoire français lui a été refusé par la police aux frontières au motif qu'elle ne disposait pas de moyens de subsistance suffisants pour séjourner en Espagne jusqu'au 29 août 2019. Mme D... a refusé par trois fois d'embarquer dans un vol à destination de la Colombie. Par conséquent, elle a été placée en garde à vue le 7 août 2019, puis a été placé au centre de rétention de Oissel le 8 août 2019. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligée à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Mme D... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) / Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger rejoint le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-2 du même code : " Le 1° du I et le a du 3° du II de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un État membre de l'Union européenne : / 1° S'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) / ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 6 du règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 abrogeant le règlement (CE) n° 562/2006 et établissant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) : " 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des États membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours (...) les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : a) être en possession d'un document de voyage en cours de validité (....) ; b) être en possession d'un visa en cours de validité si celui-ci est requis (...) ; c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer de moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans leur pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens (...) 4. L'appréciation des moyens de subsistance se fait en fonction de la durée et de l'objet du séjour et par référence aux prix moyens en matière d'hébergement et de nourriture dans l'État membre ou les États membres concernés, pour un logement à prix modéré, multipliés par le nombre de jours de séjour. / Les montants de référence arrêtés par les États membres sont notifiés à la Commission conformément à l'article 39. L'appréciation des moyens de subsistance suffisants peut se fonder sur la possession d'argent liquide, de chèques de voyage et de cartes de crédit par le ressortissant de pays tiers. Les déclarations de prise en charge, lorsqu'elles sont prévues par le droit national, et les lettres de garantie telles que définies par le droit national, dans le cas des ressortissants de pays tiers logés chez l'habitant, peuvent aussi constituer une preuve de moyens de subsistance suffisants (...) ".

4. Aux termes de la communication 2014/C 224/05 notifiée à la Commission européenne en vertu du 2ème alinéa du paragraphe 4 de l'article 6 précité et publiées au Journal officiel de l'Union européenne (JOUE) du 15 juillet 2014, le montant de référence pour les moyens de subsistance s'élève à 120 euros par jour en France en cas de non-présentation d'une réservation hôtelière, ou à 65 euros par jour dans le cas inverse. Aux termes de la communication 2019/C 104/05 notifiée à la Commission européenne en vertu des mêmes dispositions et publiée au JOUE du 16 avril 2019, le montant de référence pour les moyens de subsistance s'élève à 90 euros par jour pour une personne seule en Espagne, ce montant devant être multiplié par le nombre de jours pendant lesquels l'intéressé envisage de rester en Espagne.

5. Il ressort des pièces du dossier, tout d'abord, qu'à son arrivée à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle, le 23 juillet 2019, Mme D... a présenté un passeport en court de validité, comportant un visa Schengen de court séjour et a déclaré être en transit, dans l'attente d'embarquer dans un vol à destination de Madrid le lendemain matin, pour un séjour touristique jusqu'au 29 août 2019. Elle a ainsi présenté aux services de la police aux frontières des billets d'avion aller à destination de Madrid le 24 juillet 2019, un billet retour de Madrid à Orly le 28 août 2019 ainsi qu'un billet retour d'Orly à Bogota, le 29 août 2019. Ne pouvant présenter au guichet ses réservations d'hébergement en France et en Espagne et ne pouvait démontrer qu'elle disposait de moyens de subsistance suffisants, elle a été placée en zone d'attente. Néanmoins, après avoir été placée en garde à vue, elle a pu justifier d'une réservation dans un hôtel madrilène, du 21 au 29 août 2019, ainsi que d'une réservation dans un hôtel parisien du 28 au 29 août 2019.Surtout, Mme D... a pu justifier d'une attestation de la banque colombienne " Davivienda ", établie dès le 18 juillet 2019, affirmant que Mme A... D..., est titulaire de la carte bancaire " Dinners club international ", qu'elle est créditée de 3 700 euros et que sa carte s'est activée le 22 juillet 2019, soit un jour avant son arrivée sur le territoire français.

6. Il ressort ensuite des dispositions précitées, que Mme D... devait disposer d'une somme journalière de 90 euros pour résider en Espagne, soit la somme totale de 3 240 euros pour les trente-six jours de séjour prévus, ainsi que la somme de 120 euros par jour, soit 240 euros pour les deux nuits prévues en France, ce qui fait un total de 3 480 euros. Disposant ainsi de 3 700 euros disponibles avec sa carte bancaire " Dinners club international ", Mme D... justifiait effectivement de moyens de subsistance suffisants pour son séjour touristique. Par voie de conséquence, elle est fondée à soutenir que la décision l'obligeant quitter le territoire français est illégale et à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et de la décision lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, qui ont été prises pour l'exécution de cette mesure d'éloignement.

7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a, par le jugement attaqué, rejeté les conclusions de Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 août 2019 en tant que, par cet arrêté, le préfet de la Seine-Saint-Denis a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés contre ces décisions, Mme D... est fondée à demander, l'annulation de ce jugement et de cet arrêté.

Sur les frais non compris dans les dépens :

8. Mme D... n'a pas demandé et obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 28 août 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 8 août 2019 sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., au ministre de l'intérieur et à Me B... C....

Copie en sera transmise au préfet de la Seine-Saint-Denis.

N°19DA02132 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA02132
Date de la décision : 12/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Paul Louis Albertini
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : GRAVELOTTE BERENGERE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-12-12;19da02132 ?
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