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21/11/2019 | FRANCE | N°19DA01466

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 21 novembre 2019, 19DA01466


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter

de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler l'arrêté du 9 janvier 2019 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de la Seine-Maritime de lui délivrer, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte.

Par un jugement n° 1900993 du 13 juin 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé cet arrêté, a enjoint au préfet de la Seine-Maritime de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mme A... de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus de la demande de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 26 juin 2019 et le 9 octobre 2019, le préfet de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 janvier 2019.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Binand, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante algérienne née le 13 décembre 1973, est entrée régulièrement en France, le 11 décembre 2014, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour, afin de rejoindre M. B., qu'elle avait épousé en Algérie le 2 octobre 2011. En juin 2015, Mme A... s'est séparée de son époux auquel elle reprochait des faits de violence conjugale et a demandé au préfet de la Seine-Maritime de l'admettre au séjour à titre exceptionnel. Par un arrêté du 3 mars 2016, le préfet de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 4 octobre 2016, confirmé par un arrêt de la cour en date du 22 juin 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de cet arrêté. Mme A... s'est toutefois maintenue irrégulièrement sur le territoire français et a sollicité, de nouveau, le 4 décembre 2017, l'admission au séjour à titre exceptionnel. Par un arrêté du 9 janvier 2019, la préfète de la Seine-Maritime a rejeté la demande de Mme A..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a fait interdiction à l'intéressée de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans Par un jugement du 13 juin 2019, dont le préfet de la Seine-Maritime relève régulièrement appel, le tribunal administratif de Rouen a, d'une part, annulé cet arrêté, d'autre part, enjoint à l'autorité préfectorale de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", enfin, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

2. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention ''vie privée et familiale'' est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux. ". Ces stipulations régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Si un ressortissant algérien ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 316-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoient la délivrance dans les plus brefs délais d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à l'étranger, qui, ne présentant pas une menace pour l'ordre public, bénéficie d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-9 du code civil, en raison des violences exercées au sein du couple, il appartient toutefois au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, et notamment des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient ainsi au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens par un ressortissant algérien, de vérifier que le préfet, alors même que l'intéressé ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 316-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'il a portée sur la situation personnelle de l'intéressé.

3. Il ressort des pièces du dossier que, à la date de l'arrêté contesté, Mme A... séjourne en France depuis quatre ans. En instance de divorce, elle bénéficie de mesures de protection contre son époux prises par le juge aux affaires familiales en janvier 2016 et prolongées en juin 2017 en raison de la vraisemblance des violences, au moins psychologiques, qu'elle a dénoncées lors de sa séparation en juin 2015. L'intéressée fait aussi l'objet, depuis lors, d'un suivi médico-psychologique avec prescriptions de médicaments anti-dépresseurs en raison d'un état anxio-dépressif. Elle justifie de la présence en France de l'essentiel des membres de sa fratrie, qui sont de nationalité française ou disposent de titres de séjour, ainsi que de sa participation à des actions associatives qui attestent d'un effort d'insertion tout particulier, comme l'ont relevé les premiers juges.

4. Aussi, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'autorité préfectorale doit être tenue, conformément à l'appréciation portée sur ce point par les premiers juges qui n'ont pas fait application à l'espèce des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comme ayant entaché sa décision refusant de délivrer un titre de séjour d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de Mme A.... Par suite, le préfet de la Seine-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé, pour ce motif, cette décision ainsi, par voie de conséquence, que les autres décisions prononcées dans l'arrêté du 9 janvier 2019, lui a enjoint de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " valable un an et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme au titre des frais de l'instance non compris dans les dépens.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la requête du préfet de la Seine-Maritime doit être rejetée. En application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui a la qualité de partie perdante, la somme de 800 euros à verser à Me C..., sous réserve de sa renonciation à percevoir l'aide juridictionnelle.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 800 euros à Me C... sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme B... A... et à Me C....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

4

N°17DA01466


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01466
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christophe Binand
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : LEPEUC

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-21;19da01466 ?
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