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21/11/2019 | FRANCE | N°19DA00288

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 21 novembre 2019, 19DA00288


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 octobre 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, à la préfète de la Seine-Maritime de procéder à un nouvel examen de s

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 10 octobre 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office, d'autre part, de faire injonction, sous astreinte, à la préfète de la Seine-Maritime de procéder à un nouvel examen de sa situation après l'avoir mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1803916 du 17 janvier 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé l'arrêté contesté, a enjoint à la préfète de la Seine-Maritime de procéder, dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, au réexamen de la situation de M. C... et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour, a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et a rejeté le surplus des conclusions de cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 février 2019 et le 17 mai 2019, la préfète de la Seine-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rouen.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu, au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant tunisien né le 22 février 1964, est entré régulièrement en France le 18 décembre 2017, sous couvert d'un passeport et d'une carte de résident longue durée-UE en cours de validité, ce dernier titre lui ayant été délivré par les autorités italiennes le 12 octobre 2010. Il a sollicité de la préfète de la Seine-Maritime, le 19 janvier 2018, son admission au séjour en France, en se prévalant d'une promesse d'embauche qui lui avait été délivrée par la société 2AB BAT BTP, exerçant son activité dans le secteur du bâtiment. Par un arrêté du 10 octobre 2018, la préfète de la Seine-Maritime a refusé de délivrer un titre de séjour à M. C..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. La préfète de la Seine-Maritime relève appel du jugement du 17 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé, pour excès de pouvoir, cet arrêté et lui a fait injonction de procéder à un nouvel examen de la situation de M. C... et de le mettre en possession, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur les conclusions d'appel présentées par la préfète de la Seine-Maritime :

2. En vertu de l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, les stipulations de cet accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord, chaque Etat délivrant aux ressortissants de l'autre Etat, dans les conditions prévues par sa législation, tous titres de séjour autres que ceux prévus par cet accord. Aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-UE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée : / (...) / 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10. / Pour l'application du présent article, sont prises en compte toutes les ressources propres du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 5423-1, L. 5423-2 et L. 5423-3 du code du travail. Ces ressources doivent atteindre un montant au moins égal au salaire minimum de croissance et sont appréciées au regard des conditions de logement. / (...) ".

3. Pour annuler, par le jugement attaqué, l'arrêté du 10 octobre 2018 par lequel la préfète de la Seine-Maritime a refusé l'admission au séjour de M. C... sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les premiers juges ont relevé, que, selon les motifs mêmes de cet arrêté, ce refus de séjour était fondé sur ce que M. C... ne satisfaisait pas aux conditions requises par ces dispositions pour être admis au séjour, dès lors qu'il ne justifiait ni disposer de ressources propres, stables et suffisantes pour lui et sa famille, ni être propriétaire d'un logement ou d'un droit de jouissance à titre gratuit, ni disposer d'une assurance maladie. Les premiers juges ont cependant relevé que M. C... avait pu justifier devant le tribunal administratif avoir travaillé en tant que coffreur intérimaire de manière très régulière du 16 mars 2018 à la date de l'arrêté en litige, sous couvert de son récépissé de demande de titre de séjour l'autorisant à travailler, avoir, dans ce cadre, perçu en moyenne, sur cette période, des revenus supérieurs au salaire minimum interprofessionnel de croissance et bénéficier d'une assurance maladie. Le tribunal a ensuite tiré de ces éléments que M. C... devait ainsi être regardé comme justifiant, à la date de l'arrêté en litige, percevoir des ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille et disposer d'une assurance maladie, et qu'il satisfaisait ainsi aux conditions requises par l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors même qu'il n'était ni propriétaire, ni occupant à titre gratuit, de son logement. Le tribunal administratif de Rouen en a conclu que la décision de refus de séjour opposée, dans ces conditions, à l'intéressé par la préfète de la Seine-Maritime était fondée sur des faits matériellement inexacts et entachée d'erreur d'appréciation au regard de ces dispositions, sans qu'ait d'incidence le fait que plusieurs des pièces produites par M. C... n'étaient pas en la possession de l'administration à la date à laquelle l'arrêté en litige a été pris.

4. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier, au vu des pièces versées par les parties au dossier qui lui est soumis, la légalité des décisions administratives dont il lui est demandé l'annulation, au regard de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle elles ont été prises. Si des pièces produites pour la première fois devant le juge établissent que l'administré était, à la date de la décision qu'il conteste, en situation d'obtenir de plein droit l'autorisation que cette décision lui a refusée, de sorte que l'autorité d'administrative s'est méprise dans l'appréciation de sa situation au regard du texte instaurant ce droit ou encore que le motif sur lequel l'administration a fondé cette décision est entaché d'une erreur de fait, celle-ci doit être annulée, sans qu'ait d'incidence le fait que l'administration ne disposait pas de l'ensemble des éléments d'information produits devant le tribunal administratif.

5. Si la préfète de la Seine-Maritime soutient, à l'appui de sa requête, qu'il ne peut être reproché à l'administration de ne pas avoir pris en compte des éléments dont elle n'avait pas connaissance, il résulte des principes rappelés au point précédent que ce moyen n'est pas de nature à entraîner l'annulation du jugement attaqué, par lequel les premiers juges ont jugé, après avoir apprécié, au vu des pièces versées au dossier, la situation de M. C... à la date à laquelle la décision de refus de séjour a été prise, que celle-ci était entachée d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. S'il ressort des motifs de l'arrêté en litige que le refus de séjour opposé à M. C... n'était pas fondé sur le seul motif tiré de l'absence de respect des conditions posées par ces dispositions, mais que l'autorité préfectorale s'est aussi assurée de ce qu'une décision de refus de séjour ne porterait pas au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte excessive au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ressort toutefois des pièces du dossier que ce motif a été déterminant dans l'appréciation portée par la préfète de la Seine-Maritime sur la demande de titre de séjour de M. C.... Dès lors que cette autorité ne conteste pas que, comme l'ont estimé les premiers juges, M. C... remplissait, à la date de l'arrêté en litige et au vu des pièces produites devant le tribunal, les conditions posées par ces dispositions pour être admis de plein droit au séjour en France, ses conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué doivent être rejetées.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète de la Seine-Maritime n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 17 janvier 2019, le tribunal administratif de Rouen a annulé son arrêté du 10 octobre 2018 et lui a fait injonction de procéder à un nouvel examen de la situation de M. C.... Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir d'une astreinte l'injonction, adressée à l'autorité préfectorale par les premiers juges, de nouvel examen et de délivrance d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., son avocate, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la préfète de la Seine-Maritime est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me B..., avocate de M. C..., la somme de 800 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 3 : Les conclusions de M. C... tendant au prononcé d'une astreinte sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... C... et à Me B....

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Maritime.

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N°19DA00288


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00288
Date de la décision : 21/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : BERRADIA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-21;19da00288 ?
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