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14/11/2019 | FRANCE | N°17DA01214

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3ème chambre, 14 novembre 2019, 17DA01214


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la commune d'Evreux à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des troubles dans les conditions d'existence résultant de ses conditions d'emploi par la commune d'Evreux, ainsi que la somme de 35 000 euros en raison du harcèlement moral qu'elle a subi de la part de son employeur et la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral, le tout avec intérêts à compter du 21 novembre 2014, date de la demande préalable.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la commune d'Evreux à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des troubles dans les conditions d'existence résultant de ses conditions d'emploi par la commune d'Evreux, ainsi que la somme de 35 000 euros en raison du harcèlement moral qu'elle a subi de la part de son employeur et la somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral, le tout avec intérêts à compter du 21 novembre 2014, date de la demande préalable.

Par un jugement n° 1500899 du 21 mars 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juin 2017, Mme B..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune d'Evreux à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des troubles dans les conditions d'existence résultant de son emploi par la commune d'Evreux, ainsi que la somme de 35 000 euros en raison du harcèlement moral et 20 000 euros au titre de son préjudice moral, le tout avec intérêts à compter du 21 novembre 2014, date de la demande préalable ;

3°) d'enjoindre au maire d'Evreux de reconstituer sa carrière ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Evreux la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Denis Perrin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Hervé Cassara, rapporteur public,

- et les observations de Me C... D..., représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., adjoint administratif territorial de deuxième classe est employée de la commune d'Evreux depuis 1997. Considérant être victime de harcèlement moral, elle a demandé, par un courrier du 10 novembre 2014, reçu le 21 novembre suivant, à être indemnisée des préjudices en résultant. Faute de réponse, elle a saisi le tribunal administratif de Rouen qui a rejeté sa demande par un jugement du 21 mars 2017. Elle relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Il résulte des vérifications entreprises par la cour que la minute du jugement a été signée par le président de la formation de jugement, le conseiller rapporteur et le greffier d'audience. Elle est ainsi conforme aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée à Mme B... ne comporte pas ces signatures, est en outre sans incidence sur sa régularité.

3. Si Mme B... soutient que les premiers juges auraient dénaturé les faits ou les pièces du dossier, cette critique qui relève de l'office du juge de cassation et non de celui du juge d'appel, ne saurait lui permettre de discuter utilement, dans le cadre de la présente instance, de la régularité du jugement dont elle relève appel. Au surplus, l'appelante n'apporte aucun élément de nature à établir que les premiers juges se seraient fondés sur des faits matériellement inexacts.

4. Mme B... a demandé, en première instance, une indemnisation en raison du harcèlement moral subi, selon elle, au sein des services de la commune d'Evreux, où elle était employée. Le jugement du tribunal administratif de Rouen rappelle, de manière précise, les dires de Mme B.... Sur chacun des points invoqués, s'agissant de son affectation sur un poste d'agent comptable au sein de la direction du patrimoine et de l'urbanisme de la commune, du refus du bénéfice d'une formation professionnelle et de convocations médicales incessantes ainsi que de menaces et d'une stigmatisation de sa situation vis-à-vis de ses collègues de travail, il apporte des éléments circonstanciés qui justifient que la qualification de " harcèlement moral " ne soit pas retenue. Mme B... n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le jugement contesté du tribunal administratif de Rouen est insuffisamment motivé.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. ".

6. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

7. En l'espèce, Mme B... fait état, de manière détaillée, de son mal-être au travail. Elle produit également des certificats médicaux, qui, se fondant sur ses déclarations, attestent que ce ressenti contribue à altérer durablement son état de santé. Toutefois, en dehors de son propre récit, elle n'apporte, ni en première instance, ni en appel, aucun autre élément de nature à corroborer ses dires. Ainsi, les certificats médicaux au dossier ne comportent que la mention de ses déclarations auprès des médecins consultés et le ressenti d'un mal-être au travail. Les attestations qu'elle produit émanant de ses collègues, y compris dans sa dernière affectation, ne mentionnent pas non plus qu'elle ait été victime d'agissements répétés de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie. De même, si un article de presse de février 2013 fait état d'un malaise au sein des services de la commune d'Evreux, l'intéressée ne démontre pas ainsi qu'elle soit personnellement victime de harcèlement. Par ailleurs, si Mme B... se plaint aussi de son affectation, celle-ci résulte de son souhait de changer de poste, manifesté dès janvier 2011, cette demande n'ayant pu aboutir plus tôt compte tenu d'un arrêt de travail pour maladie de l'intéressée, du 14 novembre 2011 au 15 octobre 2012. Si Mme B... soutient également qu'elle n'a pu bénéficier de formations pour l'adaptation à son nouveau poste, elle ne l'établit pas. Au contraire, les pièces qu'elle produit démontrent qu'elle a obtenu un accord pour les formations, en lien direct avec ses fonctions, qu'elle a sollicitées. La seule formation dont elle justifie qu'elle lui ait été refusée, concerne une formation d'esthéticienne pour laquelle le maire a estimé que, compte tenu de son coût élevé et du fait qu'elle ne répondait pas à un besoin de la collectivité, elle était contraire au plan de formation des agents de la commune, ce que l'appelante ne conteste pas sérieusement. De même, si Mme B... se plaint de convocations médicales incessantes, il résulte de l'instruction qu'elle a bénéficié de la reconnaissance de plusieurs maladies professionnelles, depuis 2005 pour la première. Elle a en outre été à plusieurs reprises admise au bénéfice d'arrêts de travail pour maladie depuis cette époque et a même été autorisée à poursuivre son activité en mi-temps thérapeutique à compter du mois d'octobre 2012. Enfin, elle a encore bénéficié d'un arrêt de travail à compter du 26 juillet 2013, d'abord en congé de longue maladie, puis en congé de longue durée. Dans ces conditions, Mme B... ne saurait se plaindre de convocations médicales qui résultent directement de son état de santé et des obligations de la collectivité qui l'emploie de s'assurer de l'aptitude de ses agents et de l'adaptation des postes de travail sur lesquels ils sont affectés. Pour le reste, si la commune d'Evreux reconnaît que Mme B... n'a pas été évaluée à tort en 2011, ce seul fait, dont il n'est pas démontré qu'il ait eu une incidence sur sa carrière et ses conditions de travail, ne saurait établir des agissements répétés de harcèlement moral.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 21 mars 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Evreux de l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis en conséquence d'agissements fautifs de cette collectivité à son égard. Par suite, l'ensemble de ses conclusions doit être rejeté, y compris celles à fins d'injonction et celles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Evreux au titre des mêmes dispositions.

DECIDE:

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Evreux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune d'Evreux.

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N°17DA01214

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N° 17DA01214


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17DA01214
Date de la décision : 14/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07-01-01 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités locales. Droits et obligations des fonctionnaires (loi du 13 juillet 1983).


Composition du Tribunal
Président : M. Albertini
Rapporteur ?: M. Denis Perrin
Rapporteur public ?: M. Cassara
Avocat(s) : SCP BARON COSSE ANDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-11-14;17da01214 ?
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