Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2018 par lequel le préfet de l'Oise a refusé de lui délivrer une autorisation de travail et un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1900004 du 8 mars 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 avril 2019, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Oise du 13 décembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Oise de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Julien Sorin, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante marocaine née le 25 juillet 1986, entrée en France en avril 2017, interjette appel du jugement du 8 mars 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 décembre 2018 du préfet de l'Oise refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.
2. L'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable portant la mention " salarié " éventuellement assorties de restrictions géographiques ou professionnelles (...) ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ".
3. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ". L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 313-14 sont applicables aux ressortissants marocains en tant qu'elles prévoient l'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale du demandeur.
4. Le préfet de l'Oise ne pouvait légalement rejeter la demande de titre de séjour en qualité de salarié présentée par l'intéressée en se fondant sur la circonstance que cette dernière ne remplissait pas les conditions mentionnées par les dispositions des articles L. 313-10 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précitées. Toutefois lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée. En l'espèce, la décision attaquée trouve son fondement légal dans les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain et le pouvoir général de régularisation du préfet pour examiner la demande d'admission au séjour en qualité de salarié de Mme A.... Cette substitution de base légale n'a pas pour effet de priver l'intéressée d'une garantie et l'administration disposait du même pouvoir d'appréciation. Par suite, ce fondement légal peut être substitué au fondement erroné retenu par le préfet.
5. Il ressort des pièces du dossier que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) des Hauts de France a émis un avis défavorable à la demande d'autorisation de travail présentée par Mme A..., aux motifs, d'une part, que la rémunération de l'intéressée ne correspondait pas au SMIC mensuel brut, et, d'autre part, que son employeur n'avait pas répondu à sa demande de communication de documents administratifs. Mme A... produit une attestation de son employeur, indiquant un salaire égal au SMIC, et des copies d'écran de téléphone montrant des messages électroniques qui auraient été envoyés par son employeur à la DIRECCTE. Toutefois, l'attestation, non datée, qui mentionne un entretien d'embauche, alors que Mme A... était déjà employée, ne permet pas d'établir que, contrairement aux stipulations de son contrat de travail, son salaire était au moins égal au SMIC mensuel. S'agissant des messages électroniques, en l'absence d'informations relatives aux pièces jointes, ils ne suffisent pas à établir que l'ensemble des documents demandés par la DIRECCTE ont été transmis par l'employeur de Mme A.... La circonstance qu'un agent de cette direction aurait indiqué, postérieurement à la décision en litige, avoir rendu un avis favorable, est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige. La requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que l'avis de la DIRECCTE serait erroné ou irrégulier.
6. Il ne ressort pas des termes de la décision en litige, qui indique également que Mme A... ne justifie pas que son emploi nécessiterait un savoir-faire rare sur le marché du travail, que le préfet de l'Oise se serait senti lié par l'avis défavorable rendu par la DIRECCTE pour refuser de délivrer à Mme A... le titre de séjour demandé.
7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6, que le préfet a pu, sans méconnaître les stipulations de l'accord franco-marocain citées au point 2, refuser de délivrer à Mme A... un titre de séjour salarié.
8. Si Mme A... se prévaut de l'emploi qu'elle occupe à temps partiel d'employée de restauration depuis novembre 2017, et de sa présence en France depuis avril 2017, le préfet de l'Oise n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en refusant de régulariser à titre exceptionnel la situation de l'intéressée par la délivrance d'un titre de séjour salarié.
9. Mme A..., qui est séparée de son mari, et ne se prévaut pas d'attaches familiales particulières en France, à l'exception d'une cousine, et qui n'établit pas être isolée dans son pays d'origine, ne justifie pas de motifs d'admission exceptionnelle au séjour au titre de sa vie privée et familiale en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ne peut, dès lors, qu'être écarté.
10. Aux termes de l'article 5 de l'accord franco-marocain : " Quelle que soit la date à laquelle ils ont été admis au titre du regroupement familial sur le territoire de l'un ou de l'autre Etat, le conjoint des personnes titulaires des titres de séjour et des autorisations de travail mentionnés aux articles précédents ainsi que leurs enfants n'ayant pas atteint l'âge de la majorité dans le pays d'accueil sont autorisés à y résider dans les mêmes conditions que lesdites personnes ". Aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En cas de rupture de la vie commune ne résultant pas du décès de l'un des conjoints, le titre de séjour qui a été remis au conjoint d'un étranger peut, pendant les trois années suivant l'autorisation de séjourner en France au titre du regroupement familial, faire l'objet d'un retrait ou d'un refus de renouvellement. Lorsque la rupture de la vie commune est antérieure à la demande de titre, l'autorité administrative refuse de l'accorder. Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas si un ou plusieurs enfants sont nés de cette union, lorsque l'étranger est titulaire de la carte de résident et qu'il établit contribuer effectivement, depuis la naissance, à l'entretien et à l'éducation du ou des enfants dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil. En outre, lorsque la communauté de vie a été rompue à l'initiative de l'étranger admis au séjour au titre du regroupement familial, en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait de son titre de séjour et peut en accorder le renouvellement ".
11. Mme A..., qui est séparée de son mari, n'a pas d'enfant, et n'établit pas, par les pièces produites, la réalité des violences conjugales alléguées, n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que le préfet de l'Oise a méconnu les stipulations de l'article 5 de l'accord franco-marocain.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Oise.
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N°19DA00800