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03/10/2019 | FRANCE | N°19DA00681

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 03 octobre 2019, 19DA00681


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2018 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer, dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une carte de séjour tempor

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2018 par lequel le préfet de la Somme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer, dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 1803815 du 19 février 2019, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 19 mars 2019, M. A..., représenté par Me Sime, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 octobre 2018 du préfet de la Somme ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer, dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation ;

4 ) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Binand, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant nigérian, né le 4 septembre 1965, est entré irrégulièrement en France le 6 avril 2015, selon ses déclarations, et y a demandé l'asile. Après le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile, le préfet de la Somme, par un premier arrêté du 23 mai 2017, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... a par la suite sollicité la régularisation de sa situation, à titre exceptionnel, au titre de la vie privée et familiale. Par un second arrêté du 24 octobre 2018, le préfet de la Somme a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le Nigeria comme pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 19 février 2019 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, le préfet de la Somme a exposé de manière suffisamment précise les motifs de droit et les considérations de fait sur lesquels il s'est fondé pour rejeter la demande de délivrance d'un titre de séjour dont M. A... l'avait saisi en relevant, en particulier, que la situation personnelle et familiale dont l'intéressé se prévalait ne justifiait pas de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 ou de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, M. A..., qui n'établit pas, au demeurant, avoir fait état au soutien de sa demande des difficultés de santé rencontrées par la plus jeune de ses filles, n'est pas fondé à soutenir que le préfet a insuffisamment motivé sa décision.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a rejoint, au plus tard au mois de mai de l'année 2015, son épouse, qui était entrée elle-même sur le territoire français au début de l'année 2013 et y séjournait avec leurs enfants. A la date de l'arrêté contesté, trois des enfants du couple vivent avec eux, sont majeurs et poursuivent des études supérieures pour les deux premiers et en classe de terminale pour le troisième, sans qu'il ne soit justifié, toutefois, de la régularité des conditions de leur séjour. Les deux derniers enfants du couple, mineurs et également à leur charge, sont scolarisés respectivement en classe de 3ème et en école maternelle. La plus jeune, née en France en février 2014, reçoit des soins médicaux depuis sa naissance, qui sont appelés à se poursuivre et justifient son maintien sur le territoire national jusqu'en juillet 2020, ainsi qu'il résulte de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration de l'intégration rendu le 12 juillet 2017, sur lequel le préfet de la Somme s'est fondé, d'ailleurs, pour délivrer à l'épouse du requérant des autorisations provisoires de séjour renouvelables jusqu'au 11 juillet 2020. Enfin, le requérant ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française. Dans ces circonstances, compte tenu de l'entrée tardive de M. A... en France à l'âge de cinquante ans, de la durée de son séjour sur le territoire français, de l'inexécution de la précédente mesure d'éloignement dont il a fait l'objet et du caractère précaire, par sa finalité, du droit au séjour dont disposent son épouse et leurs enfants mineurs, la décision rejetant sa demande de titre de séjour ne peut être regardée comme portant à la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée aux buts que le préfet de la Somme a poursuivis en prenant cette décision. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

4. En troisième lieu, la décision de refus de séjour, qui, par elle-même, n'implique pas l'éloignement forcé de M. A..., n'a pas pour effet d'emporter l'éclatement de la cellule familiale constituée par l'intéressé, son épouse et leurs deux enfants mineurs, ni même d'interrompre la scolarité de ces derniers ou les soins médicaux dont bénéficie la benjamine. Dans ces conditions, le préfet de la Somme n'a pas méconnu les stipulations du 1. de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant qui lui imposent d'attacher une considération primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant.

5. Enfin, dans l'ensemble des circonstances de l'espèce, ainsi rappelées, le préfet de la Somme, en rejetant la demande de titre de séjour présentée par M. A..., n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation de ce dernier.

Sur les autres décisions :

6. Il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, l'obligation de quitter le territoire français prononcée par le préfet de la Somme emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la situation personnelle de M. A..., en le séparant durablement de son épouse et de leurs enfants mineurs, qui, comme il a été dit, peuvent prétendre à se maintenir en France jusqu'à la fin prévisible des soins de la benjamine en juillet 2020 selon les termes de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration de l'intégration évoqué au point 3. Dès lors, M. A... est fondé à soutenir que cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête dirigées ces deux décisions, à en demander l'annulation pour ce motif ainsi que l'annulation, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de renvoi.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 octobre 2018 en tant que, par cet arrêté, le préfet de la Somme lui fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Le présent arrêt implique seulement que la préfète de la Somme réexamine le droit au séjour de M. A... et, en particulier, la possibilité pour celui-ci de recevoir une autorisation provisoire de séjour, sur le fondement notamment de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu notamment de la prise en charge médicale de sa fille Testimony. Il y a donc lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à la préfète de la Somme de procéder à ce réexamen, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de délivrer à M. A..., dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Toutefois, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui a la qualité de partie perdante, le versement à M. A... d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 24 octobre 2018 du préfet de la Somme est annulé en tant qu'il fait obligation de quitter le territoire français à M. A... et qu'il fixe le pays de destination.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète de la Somme de réexaminer la situation de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 19 février 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A..., au ministre de l'intérieur et à la préfète de la Somme.

4

N°19DA00681


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00681
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Christophe Binand
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SIME

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-10-03;19da00681 ?
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