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19/09/2019 | FRANCE | N°19DA00718

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4e chambre - formation à 3, 19 septembre 2019, 19DA00718


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 31 août 2018 par lequel le préfet du Nord lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination.

Par un jugement n° 1808273 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoi

res, enregistrés le 22 mars 2019, le 27 mai 2019, le 29 mai 2019 et le 12 juin 2019, M. B..., repr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 31 août 2018 par lequel le préfet du Nord lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination.

Par un jugement n° 1808273 du 28 février 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 mars 2019, le 27 mai 2019, le 29 mai 2019 et le 12 juin 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 31 août 2018 du préfet du Nord ;

3°) d'enjoindre au préfet du Nord, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, de lui délivrer un titre de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 9 janvier 1984, est entré régulièrement en France le 20 novembre 2014 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Il s'est vu délivrer un certificat de résidence d'un an, valable du 28 mai 2015 au 27 mai 2016, afin de se soigner en France. Ce titre de séjour a été renouvelé jusqu'au 14 septembre 2017. A l'approche de la date de fin de validité de son titre, il en a sollicité le renouvellement. Par arrêté du 31 août 2018, le préfet du Nord a refusé de faire droit à sa demande, a abrogé le récépissé de demande de titre de séjour que l'intéressé avait en sa possession, lui a enjoint de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office. M. B... relève appel du jugement du 28 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, de cet arrêté.

2. Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".

3. Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui en fait la demande au titre des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale en Algérie. Lorsque le défaut de prise en charge médicale est susceptible d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le certificat de résidence sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause en Algérie. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment au coût du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie.

4. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Nord, pour refuser d'accorder à M. B... le renouvellement du certificat de résidence qu'il lui avait précédemment délivré pour lui permettre de se soigner en France, a notamment forgé son appréciation au vu d'un avis émis le 20 mars 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Selon cet avis, la situation de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans son pays d'origine, il peut y bénéficier d'un traitement approprié, son état de santé lui permettant, enfin, de voyager sans risque vers celui-ci.

5. Pour contester l'appréciation, à laquelle le préfet du Nord s'est livré, de sa situation au regard notamment de cet avis, M. B... fait état de ce qu'il souffre d'une pathologie génétique particulièrement rare, à savoir la maladie de Von Hippel Lindau, qui est une prédisposition au développement de kystes et de tumeurs bénignes ou malignes susceptibles d'affecter le système nerveux central, la rétine, les reins, les glandes surrénales, le pancréas, le sac endolymphatique de l'oreille interne, ainsi que les organes reproducteurs.

6. Il ressort des pièces médicales versées au dossier que M. B... a été traité, à plusieurs reprises, dans son pays d'origine pour des hémangioblastomes rétiniens de l'oeil gauche découverts en 2002, s'accompagnant d'un oedème maculaire important. Il a ensuite été pris en charge en 2012, avant même sa dernière entrée sur le territoire français, à l'hôpital Lariboisière pour recevoir un traitement ophtalmologique complémentaire par laser spécifique qui a nécessité plusieurs séances et qui ne pouvait alors être dispensé en Algérie. M. B... a également été opéré à trois reprises à l'hôpital Bicêtre, le 17 février 2014, d'un hémongioblastome intramédullaire cervical responsable de troubles sensitivo-moteurs de la main droite, le 19 janvier 2016, d'un hémangioblastome cérébelleux à l'origine d'une hydrocéphalie, puis, le 3 mars 2018, d'une localisation bulbaire. Selon un certificat médical circonstancié établi le 26 septembre 2018 par un praticien, responsable du réseau national des cancers rares de l'adulte PREDIR, M. B... continue de présenter des lésions ophtalmiques pour lesquelles un traitement chirurgical pourra se révéler nécessaire en cas de baisse de l'acuité visuelle. Ce même praticien, qui a confirmé son appréciation par un certificat rédigé dans des termes proches le 12 mars 2019, ajoute que la poursuite d'une surveillance médicale annuelle est, dans ces conditions, indispensable, tant sur le plan ophtalmologique qu'au niveau cervical, notamment parce qu'il existe d'autres petites lésions du cervelet et de la moelle. Ces documents indiquent par ailleurs que M. B... présente, au niveau abdominal, selon les résultats du dernier examen par imagerie à résonnance magnétique pratiqué en août 2018, un volumineux kyste au rein gauche, associé à des microkystes bilatéraux. Ce même examen a révélé, en outre, que le pancréas était le siège d'une multikystose et d'un probable cystadénome séreux caudal. L'auteur de ces certificats précise que, dans cette zone, une surveillance annuelle est indispensable en raison du risque majeur de survenue de cancer rénal et qu'il faut envisager la réalisation d'un autre examen par imagerie à résonnance magnétique en avril 2019. Ces certificats médicaux, dont les appréciations sont confirmées par d'autres pièces versées au dossier, établissent ainsi que l'état de santé de M. B... ne nécessitait pas, à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris, la réalisation certaine et programmée d'interventions chirurgicales, ni de traitements spécifiques, mais qu'il justifiait seulement une surveillance annuelle. Or, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle surveillance, même faisant appel à des examens par imagerie à résonnance magnétique, ne pourrait être prodiguée à M. B... en Algérie.

7. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 que ni ces certificats médicaux, ni les nombreuses autres pièces versées au dossier ne sont de nature à remettre en cause l'appréciation du préfet du Nord selon laquelle l'intéressé peut recevoir un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. M. B..., qui est originaire d'une localité proche d'Alger, ne fait état, à cet égard, d'aucune circonstance qui ferait obstacle à ce qu'il puisse accéder effectivement, en cas de retour dans son pays, à la surveillance attentive que requiert son état. Au demeurant, comme le fait observer le préfet du Nord en défense, M. B... pourra, le cas échéant, bénéficier du dispositif, prévu par le protocole annexe à l'accord franco-algérien signé le 10 avril 2016, organisant la collaboration entre les systèmes de santé et d'assurance maladie des deux pays, pour le cas où s'avèrerait nécessaire la réalisation d'une intervention chirurgicale insusceptible d'être pratiquée en Algérie. Il suit de là que, pour estimer que M. B... n'était pas en situation de bénéficier d'un renouvellement de son certificat de résidence sur le fondement des stipulations précitées du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, le préfet du Nord ne s'est pas fondé sur des éléments matériellement inexacts. Par suite, pour refuser à M. B... le renouvellement de son titre de séjour et assortir ce refus d'une obligation de quitter le territoire français, cette autorité n'a pas davantage commis d'erreur d'appréciation. En outre, dès lors que les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français sont ainsi légalement fondées, le moyen tiré de ce qu'elles procéderaient d'un détournement de pouvoir ne peut qu'être écarté. Enfin, dès lors que, comme il vient d'être dit, M. B... peut effectivement recevoir en Algérie un traitement approprié à son état de santé, le moyen tiré de ce que ces décisions auraient été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en tout état de cause, être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 28 février 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles qu'il présente sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet du Nord.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4e chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 19DA00718
Date de la décision : 19/09/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : DENFER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-09-19;19da00718 ?
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