Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Lille, par trois requêtes, d'annuler les décisions du directeur adjoint et de la directrice du centre pénitentiaire de Lille-Annoeullin des 20 août 2015, 15 octobre 2015 et 2 mars 2017 portant respectivement placement à l'isolement, prolongation de placement à l'isolement, et placement à l'isolement de l'intéressé.
Par un jugement no1507092,1601405,1706473 du 9 février 2018, le tribunal administratif de Lille, après avoir joint les trois requêtes, a fait droit à ses demandes, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 9 avril 2018, la garde des Sceaux, ministre de la justice, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille du 9 février 2018 en tant qu'il a annulé les décisions du 15 octobre 2015 et 2 mars 2017 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. B...devant le tribunal administratif de Lille.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Christine Courault, présidente de chambre,
- et les conclusions de Mme Anne-Marie Leguin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 15 octobre 2015, le directeur adjoint du centre pénitentiaire de Lille-Annoeullin a décidé de prolonger, du 8 octobre 2015 au 7 janvier 2016, le placement à l'isolement de M. B...décidé initialement le 20 août 2015. La directrice de cet établissement, a ensuite, par une décision du 2 mars 2017, décidé son placement initial à l'isolement pour une durée de trois mois à compter du 28 février 2017. La garde des Sceaux, ministre de la justice, interjette appel du jugement du 9 février 2018 du tribunal administratif de Lille en tant qu'il a annulé ces deux décisions.
2. Aux termes de l'article 726-1 du code de procédure pénale : " Toute personne détenue, sauf si elle est mineure, peut être placée par l'autorité administrative, pour une durée maximale de trois mois, à l'isolement par mesure de protection ou de sécurité soit à sa demande, soit d'office. (...) Le placement à l'isolement n'affecte pas l'exercice des droits visés à l'article 22 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, sous réserve des aménagements qu'impose la sécurité (...) ". L'article R. 57-7-73 du même code dispose que : " Tant pour la décision initiale que pour les décisions ultérieures de prolongation, il est tenu compte de la personnalité de la personne détenue, de sa dangerosité ou de sa vulnérabilité particulière, et de son état de santé ". Si le placement à l'isolement d'un détenu contre son gré constitue, eu égard à l'importance de ses effets sur les conditions de détention, une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, le juge administratif exerce un contrôle restreint sur les motifs d'une telle mesure.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Lille s'agissant de la décision du 15 octobre 2015 :
3. La décision du 15 octobre 2015, prolongeant le placement à l'isolement de M. B... pour une durée de trois mois est fondée sur la circonstance qu'il a été surpris, deux mois auparavant, le 11 août 2015, en train d'utiliser un téléphone portable, sur les faits à l'origine de sa condamnation, et sur les motifs ayant conduit à son inscription sur le répertoire des détenus particulièrement surveillés, notamment son appartenance au grand banditisme entraînant un risque d'évasion plus élevé que pour les autres détenus. La garde des Sceaux, ministre de la justice, fait également état d'informations, parvenues au milieu du mois d'août 2015, relatives à de probables préparatifs d'évasions avec violence, informations qui ont conduit au transfert en urgence de M. B...du centre pénitentiaire de Loos-Sequedin vers le centre pénitentiaire de Lille-Annoeullin. Elle n'établit toutefois pas que le transfert et la première période d'isolement de M.B..., à compter du 16 août 2015, n'aient pas été suffisants pour contrecarrer ce risque d'évasion qui n'est, au demeurant, établi par aucun élément objectif. Il ressort également des pièces du dossier que, depuis son incarcération le 6 mai 2011, le comportement de M. B...est exempt de tout incident, à l'exception de celui du 11 août 2015, qu'il a suivi des formations, a participé à des ateliers, et que le directeur du centre pénitentiaire de Longuenesse, où M. B...a été détenu du 20 mai 2011 au 7 novembre 2014, atteste, le 5 octobre 2012, qu'il " se montre respectueux à l'égard des personnels " et que " sa gestion interne s'effectue correctement ". Par suite, en se fondant sur un incident isolé, sur les faits à l'origine de la condamnation de M. B...et sur son appartenance au grand banditisme, sans établir suffisamment l'existence d'un risque avéré de tentative d'évasion, ni prendre en compte son comportement depuis le début de sa détention, le directeur adjoint du centre pénitentiaire de Lille-Annoeullin, qui n'établit pas que la mesure était nécessaire pour garantir la sécurité et le bon ordre de l'établissement a, en décidant de prolonger, pour une période de trois mois, le placement à l'isolement de M. B...à compter du 8 octobre 2015, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation. Dès lors, la garde des Sceaux, ministre de la justice n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du 15 octobre 2015.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal administratif de Lille s'agissant de la décision du 2 mars 2017 :
4. Il ressort des termes de la décision du 2 mars 2017 que M. B...a été placé à l'isolement à compter du 28 février 2017, " sur ordre de l'administration centrale ", cette décision étant " l'unique moyen de préserver la sécurité des personnels, s'agissant d'un risque d'évasion ". La décision précise également que la note de l'administration centrale du 24 février 2017 ne peut être communiquée, même partiellement, à M. B...car elle contient des informations relatives à la sécurité du centre pénitentiaire. La garde des Sceaux, ministre de la justice produit deux attestations de la directrice du centre pénitentiaire, la première datée du 12 juin 2017, indiquant que M. B...a demandé un changement d'établissement, que son pourvoi en cassation a été rejeté le 29 mars 2017, qu'il ne pose pas de difficultés depuis son placement à l'isolement, et que sa compagne n'est venue le voir qu'une fois depuis ce placement, et la seconde, datée du 1er août 2017, précisant que le placement à l'isolement de M. B...et la mise en place d'un dispositif de séparation au parloir ont fait suite à une réunion à la direction interrégionale durant laquelle ont été évoquées des informations laissant à penser qu'il fomentait une évasion avec l'aide de sa compagne. Ces deux attestations ne suffisent toutefois pas, en l'absence d'éléments relatifs au risque d'évasion, à établir avec suffisamment de vraisemblance la matérialité de ce risque, et, partant, le caractère nécessaire de la décision en litige. En outre, M.B..., qui est inscrit au répertoire des détenus particulièrement signalés depuis le début de sa détention, et fait, dès lors, l'objet de mesures de surveillance renforcée, soutient, sans être sérieusement contredit, que son comportement en détention est convenable, et qu'il ne représente pas de menace pour l'ordre public. Dans ces conditions particulières, compte tenu notamment de l'absence de production d'élément relatif au risque d'évasion allégué, la décision du 2 mars 2017 portant placement à l'isolement initial de M. B...est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Dès lors, la garde des Sceaux, ministre de la justice n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, pour ce motif, annulé la décision en litige.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la garde des Sceaux, ministre de la justice n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé, à la demande de M.B..., la décision du 15 octobre 2015 prolongeant son placement à l'isolement, et la décision du 2 mars 2017 ordonnant son placement à l'isolement.
Sur les frais d'instance :
6. M. B...a obtenu le maintien de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à MeA..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la garde des Sceaux, ministre de la justice, est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à Me D...A..., conseil de M.B..., une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. B...est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la garde des Sceaux, ministre de la justice, à M. C... B...et à Me D...A....
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N°18DA00724