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18/07/2019 | FRANCE | N°19DA00651

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 18 juillet 2019, 19DA00651


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 avril 2018 par lequel le préfet de l'Eure a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1803369 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mars 2019

, M. B..., représenté par Me A... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 avril 2018 par lequel le préfet de l'Eure a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1803369 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mars 2019, M. B..., représenté par Me A... C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une carte de séjour temporaire valable un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel Richard, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B..., ressortissant sierra-léonais né le 13 février 1969, déclare être entré en France le 7 janvier 2015 pour y solliciter l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 25 août 2016 et par la Cour nationale du droit d'asile le 28 août 2017. Le 6 septembre 2017, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... relève appel du jugement du 22 janvier 2019 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 avril 2018 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a enjoint de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé la Sierra-Léone comme pays de destination.

Sur le refus de titre de séjour :

2 Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ".

3. L'article R. 313-22 du même code dispose que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / Les orientations générales mentionnées à la quatrième phrase du 11° de l'article L. 313-11 sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...). / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. / (...) ". L'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative de se prononcer sur la demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade au vu de l'avis émis par un collège de médecins nommés par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Préalablement à l'avis rendu par ce collège d'experts, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin instructeur, doit lui être transmis. Le médecin instructeur à l'origine de ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet.

5. Il ne résulte, en revanche, d'aucune de ces dispositions, non plus que d'aucun principe, que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration devrait porter mention du nom du médecin qui a établi le rapport médical, prévu par l'article R 313-22, qui est transmis au collège de médecins de l'Office, ni que ce dernier devrait comporter la justification de la compétence des médecins auteurs de cet avis.

6. Dans le cadre de l'instruction de la demande de titre de séjour du requérant, le préfet de l'Eure a consulté le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui a émis un avis le 23 janvier 2018, versé aux débats par le préfet. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation produite par la directrice territoriale de l'OFII de Lille, rédigée le 14 novembre 2018 et dont la force probante n'est pas sérieusement contestée, que le docteur Baril, qui a rédigé le rapport médical transmis le 11 décembre 2017, ne siégeait pas au sein du collège de médecins ayant rendu l'avis du 23 janvier 2018. Par ailleurs, par une décision du 2 janvier 2018 modifiant la décision du 17 janvier 2017 portant désignation au collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, les docteurs Ortega, Delprat-Chatton et Joseph ont reçu désignation pour siéger au sein de ce collège. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

8. Pour refuser d'accorder à M. B... la délivrance d'un titre de séjour pour raison médicale, le préfet de l'Eure a estimé, au vu notamment d'un avis émis le 23 janvier 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que, si l'état de santé de l'intéressé rendait nécessaire une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité. M. B... a versé au dossier trois certificats médicaux le concernant, deux émis le 22 mars 2017 et le 12 mars 2019 par le docteur Amar, gastro-entérologue, qui indiquent que l'intéressé est suivi pour une hépatite B chronique et un troisième, non daté, d'un gynécologue-obstétricien certifiant de la nécessité pour M. B... de recevoir un traitement approprié. Ces certificats, peu circonstanciés, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le préfet au vu notamment de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 23 janvier 2018. Par suite, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. B... n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. M. B... déclare être entré en France le 7 janvier 2015 et ne justifie d'aucune insertion professionnelle. Célibataire et sans charge de famille, il ne se prévaut d'aucune attache familiale en France, alors qu'il est constant qu'il n'est pas isolé dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-six ans et où résident son épouse et ses trois enfants. Dès lors, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France de l'intéressé, le préfet de l'Eure n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision a été prise. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....

10. Au regard des motifs analysés au point précédent et qui sont repris par M. B... à l'appui de ce nouveau moyen, ce dernier ne démontre pas pouvoir se prévaloir de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels propres à justifier une admission exceptionnelle sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour en litige est entaché d'illégalité.

Sur l'obligation de quitter le territoire :

12. Compte tenu de ce qui a été dit au point 11, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision refusant à l'intéressé un titre de séjour doit être écarté.

13. Compte tenu de ce qui a été dit au point 8 et de la circonstance que l'avis émis le 23 janvier 2018 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mentionne la possibilité pour M. B... de voyager sans risque vers le pays d'origine, le moyen tiré de ce que l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'aurait pas été consulté doit être écarté.

14. Pour les mêmes raisons que celles énoncées au point 8, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

15. Pour les mêmes raisons que celles énoncées au point 9, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Eure aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

Sur la décision fixant le pays de destination :

16. L'arrêté attaqué comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Il précise la nationalité de M. B... et indique que celui-ci n'établit pas être exposé à des peines ou des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Sierra Leone. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

17. M. B... soutient avoir fui la Sierra Leone en raison des menaces qui pèseraient sur sa vie. Il ne produit toutefois aucun élément de nature à justifier ses affirmations, par ailleurs peu circonstanciées. Au demeurant, sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile. Ainsi, en l'absence d'éléments susceptibles d'établir qu'il serait exposé à de mauvais traitements en cas de retour dans son pays d'origine, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B..., au ministre de l'intérieur et à Me A... C....

N°19DA00651 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19DA00651
Date de la décision : 18/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Richard
Rapporteur ?: M. Michel Richard
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : SELARL MADELINE-LEPRINCE-MAHIEU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-07-18;19da00651 ?
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