Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 juin 2018 par lequel le préfet de l'Eure a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et l'a obligé à se présenter à la préfecture de l'Eure afin de justifier des diligences effectuées pour la préparation de son départ.
Par un jugement n° 1803183 du 9 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2019, M. C..., représenté par Me A... B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 18 juin 2018 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixe le pays de destination et l'oblige à se présenter à la préfecture de l'Eure afin de justifier des diligences effectuées pour la préparation de son départ ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour temporaire, valable un an et portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou de lui délivrer, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir, une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 61-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel Richard, président-rapporteur ;
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
1. La décision attaquée vise les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et celles de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les décisions défavorables de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile. Elle énonce ainsi les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement alors même qu'elle ne fait pas mention de la relation de concubinage que l'intéressé indique avoir entamé avec une ressortissante portugaise ni de la pratique du judo en compétition, points qu'il n'avait pas portés à la connaissance de l'administration préalablement aux décisions en litige. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté. Pour les mêmes motifs, la décision en litige n'est pas entachée d'un défaut d'examen particulier de la situation personnelle du requérant.
2. Le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande de reconnaissance de sa qualité de réfugié. Lorsqu'il sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection internationale, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, l'intéressé ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il appartenait à M. C..., à l'occasion du dépôt de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il jugeait utiles, et notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de la reconnaissance de la qualité de réfugié, n'imposait pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français. Ainsi, la circonstance que M. C... n'ait pas été invité à formuler des observations avant l'édiction de la décision d'éloignement ne permet pas de le regarder comme ayant été privé de son droit à être entendu. Le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu tel que garanti par le principe général du droit de l'Union européenne doit, dès lors, être écarté.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., ressortissant angolais, a déclaré être entré irrégulièrement en France en 2016 et qu'il est sans charge de famille. S'il allègue avoir recréé en France le noyau de sa vie privée et familiale en se prévalant de la relation qu'il entretient avec une ressortissante portugaise et de ses activités sportives et associatives, il ne justifie en tout état de cause que d'une brève vie commune alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où réside son enfant et où il a vécu au moins jusqu'à l'âge de dix-neuf ans. Ainsi, compte tenu des circonstances de l'espèce, des conditions et de la durée du séjour du requérant, et malgré les nombreuses attestations versées qui témoignent d'une volonté d'intégration dans la société française de M. C..., la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but en vue duquel elle a été prise. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Eure a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de l'Eure aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
4. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
5. L'arrêté attaqué précise la nationalité de l'intéressé et énonce qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
8. Si M. C... soutient qu'il serait menacé en cas de retour en Angola par des malfaiteurs de sa localité en raison d'un différend d'ordre privé, il ressort cependant des pièces du dossier qu'il ne produit aucun autre élément nouveau relatif aux risques encourus ni d'éléments circonstanciés de nature à établir la réalité et l'actualité des risques qu'il prétend encourir. Au demeurant, la demande d'asile formulée par l'intéressé a été rejetée par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile au regard d'un récit invariablement peu circonstancié de l'agression à l'origine des menaces ayant conduit à sa fuite de son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que la décision fixant le pays de renvoi du requérant n'est pas entachée d'illégalité.
Sur la décision portant obligation de présentation à la préfecture :
10. La décision contestée énonce les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
11. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
12. Aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L. 511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. Un décret en Conseil d'Etat prévoit les modalités d'application du présent article ". L'article R. 513-3 du même code prévoit que : " L'autorité administrative désigne le service auprès duquel l'étranger doit effectuer les présentations prescrites et fixe leur fréquence qui ne peut excéder trois présentations par semaine ".
13. Il résulte de ces dispositions que le préfet compétent peut obliger un étranger visé par une obligation de quitter le territoire français et qui dispose d'un délai de départ volontaire à se présenter, à trois reprises au maximum par semaine, auprès de ses services ou des services de police et de gendarmerie afin que celui-ci indique les dispositions qu'il a prises dans le cadre de la préparation de son départ. En revanche, elles ne lui permettent pas d'exiger de l'intéressé qu'il justifie de la réalisation de diligences spécifiques pour chacune des dates de présentation retenues.
14. Par l'arrêté en litige accordant un délai de départ volontaire de trente jours à M. C... , le préfet de l'Eure a non seulement prescrit à celui-ci de venir se présenter à la préfecture à trois reprises au cours du mois d'août, conformément aux dispositions des articles L. 513-4 et R. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais a également exigé de lui, lors de ses passages fixés aux 08, 22 et 29 août 2018, qu'il justifie respectivement de la résiliation de son bail, d'une prise de contact avec les autorités consulaires et enfin de l'achat d'un titre de transport. En l'obligeant à justifier de ces éléments lors de ses présentations à la préfecture et compte tenu de ce qui a été dit au point 13, le préfet de l'Eure a fait une inexacte application de ces mêmes dispositions citées au point 12.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en litige en tant que celui-ci lui a imposé de venir justifier de la réalisation des diligences rappelées au point précédent à chacun de ses trois passages.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Le présent arrêt n'implique aucune mesure particulière d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige:
17. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. C... présentées sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 9 octobre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen en tant qu'il rejette les conclusions dirigées contre l'obligation faite à M. C... de justifier de la réalisation des diligences rappelées au point 14 du présent arrêt, et l'arrêté du 18 juin 2018 du préfet de l'Eure en tant qu'il fixe une telle obligation, sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions présentées par M. C... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C..., au ministre de l'intérieur et à Me A... B....
N°19DA00066 2