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18/07/2019 | FRANCE | N°18DA00169

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1ère chambre, 18 juillet 2019, 18DA00169


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... A... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 juillet 2017 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de destination ainsi que la décision du 31 juillet 2017 du même jour portant rétention de son passeport.

Par un jugement n° 1702666 du 14 décembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

:

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2018, M. A... E..., représenté par Me F... I...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... A... E... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 juillet 2017 par lequel le préfet de l'Eure a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de destination ainsi que la décision du 31 juillet 2017 du même jour portant rétention de son passeport.

Par un jugement n° 1702666 du 14 décembre 2017, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2018, M. A... E..., représenté par Me F... I..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui restituer son passeport, sous les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Michel Richard, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... E..., ressortissant tunisien né le 20 septembre 1992, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 3 février 2012 pour être entré irrégulièrement en France au cours de la même année. Il a bénéficié d'un titre de séjour en juillet 2014 sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte-tenu de la naissance de sa première fille D... issue de sa relation avec Mme C... de nationalité française. La communauté de vie a cessé en 2015 et M. A... E... a entamé une nouvelle relation avec Mme H..., ressortissante française avec laquelle il s'est marié le 23 juillet 2016. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa qualité de père de la jeune B..., née le 11 novembre 2016 de cette union. Par un arrêté du 31 juillet 2017, le préfet de l'Eure lui a refusé la délivrance de ce titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français. Par une décision du même jour, il a ordonné la remise de son passeport compte tenu de la situation irrégulière de l'intéressé. M. A... E... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ensemble de ces décisions du 31 juillet 2017.

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée ; / (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation de son épouse Mme H... rédigée le 1er août 2017 ainsi que des fiches de paie et des justificatifs de dépenses produits, que l'appelant contribue à l'entretien et à l'éducation de sa fille B... depuis sa naissance, notamment au moyen des ressources qu'ont pu lui procurer ses contrats de travail conclus malgré l'absence de toute autorisation de travail. L'appelant indique également sans être sérieusement contredit qu'il a assumé la charge du ménage durant la grossesse de son épouse, laquelle a d'ailleurs accouché de leur deuxième enfant, deux mois après la décision en litige. Pour sa part, le préfet qui se prévaut de ce que la première compagne de M. A... E..., Mme C..., lui avait indiqué que ce dernier ne s'occupait pas de son enfant D... alors qu'il avait bénéficié d'un titre de séjour comme parent d'enfant français, ne produit toutefois pas d'éléments suffisamment probants de nature à établir que la reconnaissance de paternité par M. A... E... de son deuxième enfant, née de son union avec Mme H..., n'aurait été effectuée que dans le but d'obtenir un titre de séjour. Enfin, il ne résulte pas des termes de l'arrêté en litige que le préfet se soit fondé sur l'existence d'une menace pour l'ordre public, laquelle n'est au demeurant pas établie en l'état du dossier soumis à la cour, pour lui refuser le titre de séjour demandé. Dans ces conditions, le requérant, qui a suffisamment justifié qu'il contribuait effectivement à l'entretien et à l'éducation d'B... depuis la naissance de celle-ci, est fondé à soutenir que le préfet de l'Eure a fait une inexacte application des dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.

4. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 31 juillet 2017 portant refus de titre de séjour, et par voie de conséquence, de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision de remise de son passeport prises le même jour.

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative: " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

6. Il y a lieu, par application de ces dispositions et sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de M. A... E..., d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer le titre de séjour prévu par les dispositions du 6° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de lui restituer son passeport dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

7. Il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 000 euros à M. A... E... au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 14 décembre 2017 et l'arrêté du 31 juillet 2017 du préfet de l'Eure sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Eure de délivrer à M. A... E... le titre de séjour visé au point 1 et de lui restituer son passeport dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à M. A... E... au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... A... E..., au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Eure.

N°18DA00169 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00169
Date de la décision : 18/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Richard
Rapporteur ?: M. Christian Boulanger
Rapporteur public ?: Mme Fort-Besnard
Avocat(s) : MATRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-07-18;18da00169 ?
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