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09/07/2019 | FRANCE | N°18DA02429

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 09 juillet 2019, 18DA02429


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part l'arrêté du 6 novembre 2018 par lequel le préfet de la Somme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination du Rwanda ou de tout autre pays vers lequel il serait légalement admissible et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel ce même préfet l'a assigné à résidence pour

une durée de quarante-cinq jours renouvelable.

Par un jugement n° 1803304 du 12 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part l'arrêté du 6 novembre 2018 par lequel le préfet de la Somme lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai à destination du Rwanda ou de tout autre pays vers lequel il serait légalement admissible et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel ce même préfet l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable.

Par un jugement n° 1803304 du 12 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé ces arrêtés.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 novembre 2018, le préfet de la Somme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. B....

Il soutient que c'est à tort que le magistrat désigné par le tribunal administratif d'Amiens a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français, et par voie de conséquence, les autres décisions, dès lors, d'une part, que M. B... ne prend pas en charge son fils au quotidien et, d'autre part, que son comportement en France constitue une menace pour l'ordre public.

Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 18 février et 14 juin 2019, M. D... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de la Somme ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Somme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 contre renonciation de la part de ce conseil au bénéfice versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- c'est à juste titre que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif d'Amiens a annulé les arrêtés contestés ;

- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public et il est dans l'intérêt supérieur de son enfant qu'il puisse rester en France ;

- les autres moyens soulevés en première instance sont également fondés.

Les parties ont été informées, conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de la mise en oeuvre d'une substitution de base légale, la décision portant obligation de quitter le territoire français étant désormais fondée sur les dispositions du 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à la menace pour l'ordre public et non plus sur celles des 1° et 3° du I du même article.

Par une ordonnance du 18 juin 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 juin 2019 à 12 h 00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

Sur le motif d'annulation retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen :

1. Il résulte du jugement contesté que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français, et par voie de conséquence les décisions subséquentes, au motif tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Le préfet de la Somme conteste cette annulation en faisant valoir, d'une part, que M. B... constitue une menace pour l'ordre public et, d'autre part, qu'il ne prend pas en charge son fils au quotidien.

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; / (...) ".

3. Le préfet de la Somme ne peut en tout état de cause valablement soutenir que la décision portant obligation quitter le territoire français était légalement justifiée par la menace à l'ordre public que représenterait l'intéressé dès lors qu'il ne s'est pas référé à cette circonstance pour prendre la décision portant obligation de quitter le territoire français, sa décision n'étant pas fondée sur les dispositions du 7°du I de l'article L. 511-1 du CESEDA mais sur celles des 1° et 3° du I du même article et qu'il n'a pas sollicité de substitution de base légale.

4. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

5. Il résulte des stipulations citées au point précédent, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

6. De la relation entre M. D... B... et une ressortissante française est né un garçon prénommé Brendone le 7 septembre 2006, de nationalité française également. Brendone est placé en famille d'accueil depuis 2009 et ses parents sont séparés depuis 2010. M. B..., bien que n'étant pas en mesure de prendre en charge son fils au quotidien, ne s'en désintéresse pas. Il ressort des jugements en assistance éducative des 12 juin 2015 et 7 juin 2017 que, au fil du temps, les relations entre le père et son fils se sont resserrées. M. B... lui rend visite régulièrement et les relations entre les deux sont désormais chaleureuses. Alors que les relations de l'enfant avec sa mère, qui est sous tutelle, sont très difficiles, M. B..., selon la référente " enfance famille " de l'aide sociale à l'enfance, se montre attentif aux progrès de Brendone et tient un discours valorisant à son égard. M. B... joue un rôle apaisant auprès de son fils, qui souffre d'une déficience intellectuelle et de troubles du comportement. Ainsi, et alors au demeurant que son père ne représente pas une menace pour l'ordre public, il est dans l'intérêt supérieur de l'enfant de pouvoir continuer à entretenir des relations avec son père, qui joue un rôle stabilisateur pour lui et avec lequel il entretient des relations chaleureuses et ce dans un contexte difficile pour cet enfant très perturbé et placé depuis 2009. C'est par suite à juste titre que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lille a retenu le moyen tiré de la méconnaissance du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et a annulé, pour ce motif, la décision portant obligation de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, les autres décisions subséquentes.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Les conclusions de M. B... tendant à ce que la cour enjoigne au préfet de la Somme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

7. M. B... demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me A... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 contre renonciation de la part de ce conseil au bénéfice versée au titre de l'aide juridictionnelle.

8. En l'espèce, M. B... n'a pas présenté de demande d'aide juridictionnelle et, par voie de conséquence, aucune aide juridictionnelle ne lui a été accordée. Ces conclusions ne peuvent donc qu'être écartées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Somme est rejetée.

Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction et les conclusions présentées en appel par M. B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Somme, à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience publique du 1er juillet 2019 à laquelle siégeaient :

- M. Marc C..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Xavier Fabre, premier conseiller ;

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 9 juillet 2019.

Le rapporteur

Signé : X. FABRELe président de la formation de jugement,

Signé : M. C...

La greffière,

Signé : N. ROMERO La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

N°18DA02429 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA02429
Date de la décision : 09/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Xavier Fabre
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : QUENNEHEN et TOURBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-07-09;18da02429 ?
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