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09/07/2019 | FRANCE | N°18DA00923

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 09 juillet 2019, 18DA00923


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Rouen la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1602066 du 28 février 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 mai 2018 et 27 décembre 2018, M. et

Mme C..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de pro...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Rouen la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1602066 du 28 février 2018, le tribunal administratif de Rouen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 mai 2018 et 27 décembre 2018, M. et Mme C..., représentés par Me A..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2011 et 2012 et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Xavier Fabre, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur le non-lieu partiel à statuer :

1. Par un avis daté du 13 septembre 2018, tirant les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-610 QPC du 10 février 2017, l'administrateur général des finances publiques de la direction de contrôle fiscal Ile-de-France a prononcé un dégrèvement d'un montant total de 15 398 euros en droits et 3 016 euros en pénalités, soit une somme totale de 18 414 euros. Il n'y a par suite plus lieu, dans cette mesure, de statuer sur les conclusions à fin de décharge de M. et Mme C....

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le débit du compte courant d'associé de Mme C... :

S'agissant du caractère de revenus distribués des sommes figurant au débit du compte courant d'associé de Mme C... :

2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. / Nonobstant toutes dispositions contraires, lorsque ces sommes sont remboursées postérieurement au 1er janvier 1960, à la personne morale qui les avait versées, la fraction des impositions auxquelles leur attribution avait donné lieu est restituée aux bénéficiaires ou à leurs ayants cause dans des conditions et suivant des modalités fixées par décret. / (...) ".

3. En application de ces dispositions, doivent être regardés comme des revenus distribués, sauf preuve contraire, les montants des soldes débiteurs des comptes courants ouverts dans les écritures d'une société au nom de ses associés, actionnaires ou porteurs de parts.

4. Il est constant que le compte courant d'associé de Mme C..., gérante et associée à hauteur de 78 % de la société à responsabilité limitée (SARL) Decarp, présentait un solde débiteur à la clôture des exercices 2011 et 2012, s'établissant à 70 500 euros au 31 décembre 2011 et 95 595 euros au 31 décembre 2012. Par application des dispositions du code général des impôts citées au point 2, c'est à juste titre que le service a considéré que les sommes en cause, figurant au débit du compte courant d'associé de la société Decarp au 31 décembre des années 2011 et 2012, devaient être considérées comme des revenus distribués au bénéfice de Mme C....

S'agissant de la demande de compensation :

5. D'une part, aux termes de l'article 49 bis de l'annexe III au code général des impôts : " Tout remboursement fait depuis le 1er janvier 1960 et portant sur des sommes qui, lors de leur versement à titre d'avances, prêts ou acomptes par une personne morale visée à l'article 108 du code général des impôts, ont été considérées comme revenus distribués en application du a de l'article 111 dudit code ou de l'article 41 du décret n° 48-1986 du 9 décembre 1948 ouvre droit, dans les conditions fixées par les articles 49 ter à 49 sexies, à la restitution au profit du bénéficiaire des avances, prêts ou acomptes ou de ses ayants cause, des impositions auxquelles le versement a donné lieu. / (...) ". Aux termes de l'article 49 ter de l'annexe III au code général des impôts : " I. La somme à restituer en vertu de l'article 49 bis est égale, en ce qui concerne chacune des impositions énumérées à l'article 49 quater, à la différence entre : / D'une part, le montant de l'impôt régulièrement liquidé et effectivement acquitté pour l'année ou l'exercice au titre duquel l'acompte, le prêt ou l'avance a été pris en compte pour la détermination de la base d'imposition ; / D'autre part, le même impôt liquidé en faisant abstraction de la fraction de l'acompte, prêt ou avance qui a fait l'objet du remboursement. / II. Le décompte prévu au I est opéré sur le principal des droits, à l'exclusion de tous intérêts ou indemnités de retard, majorations de droits et amendes fiscales ". Aux termes de l'article 49 quinquies de l'annexe III au même code : " I. La restitution est ordonnée sur la demande de l'intéressé, adressée au directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques du département dans lequel le requérant avait son domicile ou son principal établissement au 1er janvier de l'année de la réclamation. / II. La demande de restitution doit être présentée par l'associé ou par ses ayants cause au plus tard le 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle le remboursement a été opéré. / (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition ".

7. Les dispositions citées au point 5 n'ouvrent pas au contribuable la possibilité de demander la décharge ou la réduction de la cotisation supplémentaire assise sur les avances, prêts ou acomptes que lui a consentis une société, mais un droit à restitution de l'imposition en principal à proportion des remboursements de ces sommes à la société, à la condition que le contribuable ait procédé au préalable au paiement effectif des impositions procédant de la taxation de ces sommes.

8. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que, d'une part, M. et Mme C... ne peuvent utilement se prévaloir, dans le cadre de la présente instance, de ce qu'ils ont procédé au remboursement des sommes figurant au débit du compte courant d'associé de Mme C... dans la SARL Decarp dès lors, d'une part, que l'imposition due au titre des revenus distribués et le droit à restitution de l'impôt n'ont pas la même nature et, d'autre part, que la seconde créance correspond par ailleurs à un évènement, à savoir le remboursement des sommes, qui s'est tenu après la clôture de l'exercice où est intervenu le fait générateur de l'imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Pour les mêmes motifs, M. et Mme C... ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales pour solliciter le bénéfice d'une compensation.

S'agissent de la prétendue double imposition :

9. Il résulte suffisamment de l'instruction, notamment tant du projet de plan de redressement judiciaire de la SARL Decarp établi par la SCP Laureau Jeannerot que du grand livre partiel de la SARL Decarp pour l'exercice clos en 2015 que M. et Mme C... ont procédé au remboursement du solde débiteur du compte courant d'associé de Mme C... dans les comptes de la société Decarp. Pour autant, si M. et Mme C... soutiennent qu'ils ont procédé au remboursement du débit du compte courant d'associé de Mme C... dans les comptes de la SARL Decarp au moyen de sommes ayant déjà donné lieu, à divers titres, à imposition, cette circonstance, au demeurant non démontrée, est, en tout état de cause, sans incidence sur le bien-fondé de l'imposition en litige et n'est pas de nature à caractériser l'existence d'une prétendue double imposition.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 que c'est à juste titre que le service a procédé au rehaussement résultant du caractère débiteur du compte courant d'associé de Mme C... dans les comptes de la société Decarp au titre des exercices clos en 2011 et 2012.

En ce qui concerne les revenus distribués résultant de l'acte anormal de gestion de la SARL Decarp :

11. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. / (...) ".

12. L'administration fiscale a constaté que la SARL Decarp avait émis deux factures en date du 31 décembre 2005 à l'intention de la SCI C...-Lucas, dont les requérants sont associés à hauteur de 93,34 % : la première, n° 205526 d'un montant de 30 000 euros hors taxe, soit 31 650 euros TTC pour des " travaux réalisés selon nos devis au 23 rue des Canadiens à Broglie " et la seconde, n° 205527 d'un montant de 28 900 euros hors taxe, soit 30 489,50 euros TTC pour " selon notre devis, travaux réalisés au 21 rue des canadiens à Broglie ". Ces factures comportent toutes deux la mention d'un règlement par chèque bancaire le 31 décembre 2005. Le service a ensuite constaté que la société Decarp n'avait jamais encaissé les deux chèques de règlement et que ces factures avaient ensuite été comptabilisées en perte exceptionnelle le 31 décembre 2012. Il en a déduit que les travaux en caisse avaient été engagés dans l'intérêt des associés de la SCI C...-Lucas et non dans l'intérêt de l'exploitation et que la renonciation à l'encaissement de la recette par la société Decarp était constitutive d'un acte anormal de gestion. Sur le fondement du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, l'administration fiscale a alors procédé à une rectification portant sur une distribution pour un montant TTC de 62 139 euros, correspondant à la somme TTC des deux factures, prenant par ailleurs en compte le pourcentage de participation de M. et Mme C... au capital de la SCI C...-Lucas.

13. Si M. et Mme C... soutiennent que ces deux factures ont été émises à tort, ils n'apportent aucun commencement d'explication sur la cause de ces prétendues erreurs alors que Mme C... est gérante de la société ayant émis les factures.

14. M. et Mme C... soutiennent ensuite que les travaux figurant sur ces deux factures, au 21 et 23 rue des Canadiens à Broglie, dans le département de l'Eure, n'ont jamais été réalisés. A l'appui de cette affirmation, ils produisent une partie du diagnostic immobilier établi en vue de la vente de la maison de 4 pièces située au 21 rue des Canadiens, à savoir, d'une part, un état de l'installation électrique daté du 6 novembre 2013 faisant état d'anomalies importantes et, d'autre part, un constat de risque d'exposition au plomb daté du 7 novembre 2013 indiquant l'existence d'un risque d'exposition au plomb dégradé. Toutefois, ces deux documents ne concernent que la maison située au 21 rue des Canadiens et aucun document n'est donc produit concernant la maison située au 23 rue des Canadiens. Par ailleurs, les seuls documents produits concernant le bien situé au 21 rue de la rue précitée ne sont pas de nature à prouver la véracité de leurs affirmations dès lors que les intéressés ne produisent notamment pas le devis établi par la SARL Decarp et mentionné sur la facture n° 205527 ou encore tout autre document qui aurait permis de démontrer que ces biens ne peuvent pas avoir fait l'objet de travaux correspondant aux montants figurant sur ces factures.

15. M. et Mme C... soutiennent ensuite que la SCI C...-Lucas n'a jamais émis les deux chèques figurant sur les factures de la SARL Decarp émises à son intention et que, d'ailleurs, la SCI n'a jamais disposé de chéquier. Pour autant, d'une part, à l'appui de leurs affirmations, ils se bornent à produire les relevés du Crédit agricole de Normandie-Seine sur la période couvrant la date de ces deux chèques, ce qui n'est pas de nature à établir la réalité de leurs affirmations puisque, précisément, les deux chèques en cause n'ont pas été encaissés et que, par voie de conséquence, les relevés de compte ne sont pas susceptibles de porter trace de débits de la SCI C...-Lucas par la SARL Decarp au titre de ces deux factures. D'autre part, ils n'apportent aucune attestation, émanant des deux banques chez lesquelles la SCI précitée dispose d'un compte, à savoir le Crédit agricole Normandie-Seine et Fortis, justifiant de ce que, comme ils le soutiennent, la SCI C...-Lucas ne disposait pas, à cette période, de chéquiers.

16. Il résulte de ce qui a été dit aux points 12 à 15 que la véracité des mentions figurant sur les deux factures citées au point 12 n'est pas remise en cause par les affirmations de M. et Mme C.... Par voie de conséquence, c'est à juste titre que le service a procédé à un rehaussement résultant de la distribution de revenus relative à ces deux factures.

Sur la majoration de 40 % pour manquement délibéré :

17. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

18. Il résulte de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification du 23 mai 2014 adressée aux requérants, que le service n'a appliqué la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts que sur la distribution de bénéfices résultant de la renonciation, par la SARL Decarp, aux sommes dues par la SCI C...-Lucas au titre des travaux réalisés sur les biens immobiliers situés au 21 et 23 rue des Canadiens à Broglie.

19. En faisant notamment valoir, dans la proposition de rectification citée au point précédent, que les travaux ont été effectués dans deux immeubles appartenant à la gérante de la société Decarp, que la gérante ne pouvait ignorer que les dépenses afférentes à ces travaux n'avaient jamais été encaissés et qu'en 2012, elle avait donné instruction, en toute connaissance de cause, que les créances afférentes aux deux factures citées au point 12 soient comptabilisées en perte et qu'elle avait donc pleinement conscience du manquement commis, le service a suffisamment motivé l'application de la majoration de 40 % pour manquement délibéré Mme C... étant tout à la fois contribuable redressée, associée majoritaire, avec son mari, de la SCI C...-Lucas et gérante de la SARL Decarp. Au demeurant, en faisant état de ces éléments, le service apporte également la preuve qui lui incombe du caractère délibéré des manquements imputés à M. et Mme C....

20. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 19 que c'est à juste titre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus de la demande de M. et Mme C... restant en litige. Par voie de conséquence, les conclusions que les requérants présentent en appel tendant à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge de M. et Mme C... à concurrence de la somme de 18 414 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Copie en sera transmise pour information à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

N° 18DA00923 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18DA00923
Date de la décision : 09/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : M. Lavail Dellaporta
Rapporteur ?: M. Xavier Fabre
Rapporteur public ?: M. Riou
Avocat(s) : DUMONT

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2019-07-09;18da00923 ?
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